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67.1% Les Fondateurs du Monde des Ombres / Chapter 51: Un compagnon

Chapter 51: Un compagnon

De son côté, Jäwell marchait dans les jardins. Il ne passait généralement jamais par là et prenait le temps de découvrir les jardins de nuit.

Il ne s'était jamais demandé pourquoi Miroïr aimait cet endroit car il s'en fichait, mais voilà que son frère s'apprêtait à le quitter, le jardin n'avait jamais été aussi important, Jäwell s'arrêta au milieu. Il y avait la statue d'un ange. Porté par la colère, il lui donna un coup de poing si fort que la statue fut coupée en deux.

Jäwell s'agenouilla devant la statue brisée, il ne pouvait plus retenir ses émotions et se mit à pleurer, il plaça ses mains sur son visage. Il se sentit redevenir le petit garçon effrayé qu'il était dans le passé. Ce même petit garçon qui était terrifié d'être abandonné par ses proches, effrayé de se retrouver seul au monde depuis la mort de son père quand il était enfant.

Dans un sanglot, Jäwell sentit son cœur se briser comme jamais auparavant. Son frère était toute sa vie.

"Je ne veux pas que mon frère me quitte. Maman, s'il te plaît, aide-moi à le faire rester. Je ne sais pas quoi faire maintenant. S'il te plaît, maman, aide-moi."

Il donna un coup de poing sur le sol avant de sentir une main sur son épaule. Il n'osa pas tourner la tête, honteux d'avoir été vu ainsi. La voix féminine s'éleva dans la nuit comme une douce et chaude vague de réconfort.

"Tu n'es pas seul Jäwell, tes soldats croient en toi. Certains t'admirent en silence. Il te suffit de les trouver."

Jäwell leva la main et accueillit le doux contact de la femme. Sa main fine était froide mais elle lui réchauffait l'âme.

"Et toi ? M'admires-tu ? M'aimes-tu ?"

La voix murmura à son oreille.

"Oui, je t'aime depuis la première fois que je t'aie vu."

Jäwell tourna la tête et vit les yeux de Leïlana qui le fixaient. Pour la première fois, Jäwell avait l'impression que quelqu'un d'autre que son frère comptait. C'était un bel homme et il avait l'habitude de ramener de jolies jeunes femmes sans jamais être émotif ou sentimental mais ce soir-là, il avait besoin de la compagnie de quelqu'un, de quelqu'un qui pouvait supporter ce qu'il était pour de vrai.

Elle caressa son visage déformé par l'apparence de la bête.

"Tu n'as pas peur ?" lui demanda-t-il

Leïlana lui sourit.

"Fais-moi comme toi".

Jäwell ouvrit les yeux exorbités, il était extrêmement surpris.

"Qu'est-ce que ? Pourquoi ?"

Leïlana continua de lui caresser la joue, puis le cou, les épaules, les bras. Ses doigts couraient sur son corps librement, pressant doucement à travers ses vêtements, suffisamment pour qu'il la sente.

Jäwell se releva pour se tenir droit en face d'elle. Leïlana remonta sa main jusqu'à sa nuque, se redressant et déposant un baiser sur la peau de Jäwell tout en murmurant quelque chose qui lui glaça le sang.

"Que crois-tu qu'il va se passer lorsque nous n'aurons plus de provisions ? Lorsque je serai à l'article de la mort ? Zarkhaïm se fiche de moi, seul Miroïr compte pour lui et il pense trouver une solution rapidement mais si cela ne se passe pas comme prévu. Qu'arrivera-t-il ? Penses-tu vraiment que Miroïr me laissera mourir et résistera au fait de me changer comme vous pour sauver ma vie ? Et, même s'il résiste, combien de temps crois-tu qu'il tiendra seul dans cette tour avec le souvenir de ma mort ?"

La vérité frappa Jäwell. Miroïr allait devoir gérer la perte de son seul compagnon et vivre seul en sachant qu'il aurait pu la sauver. Jäwell ne réfléchit pas longtemps avant d'accepter sa proposition. Il lui prit la main et elle le suivit dans sa chambre. Ils s'enlacèrent un moment sur le divan. Jäwell embrassa ensuite son épaule, amusé par les frissons qu'elle avait. Même si elle était forte, Leïlana était terrifiée par ce qui allait se passer.

Les yeux rouges de Jäwell la fixaient, ce serait son cadeau à son frère. Une créature qui resterait éternellement avec lui.

Il lui transperça la peau et la chair de ses crocs, l'enlaçant en même temps. Leïlana se sentait partagée entre la peur et l'admiration. Il prit une dague et se trancha le poignet, puis, il le plaça encore saignant devant ses lèvres. Une vague de plaisir parcourut son corps, elle perçut le vrai pouvoir la pénétrer alors qu'elle buvait son sang.

Il vint dans ses veines, alors que la vie la quittait, la puissance du sang maudit entra dans son corps. Elle sentit une explosion de joie en son cœur mourant, et tandis qu'elle aimait cela intensément, les ombres autour d'elle semblaient danser. C'était une symphonie dans les ténèbres qui profitaient de cet orgasme avec eux, elles se répandaient tout autour du couple. Jäwell sentit les ombres s'éveiller, son pouvoir se fut attiré par elle et la fumée noire rejoignit le ballet dans une superbe et terrifiante orgie de silhouettes mêlées.

Cette nuit-là, Leïlana devint une créature de la nuit comme Jäwell et Miroïr. Elle se réveilla dans l'ombre, ses doigts devinrent des griffes d'argent et elle sentit pousser de longs et puissants crocs. En serrant Jäwell dans ses bras, elle lui griffa la peau, du sang perla sur le canapé.

En guise de réponse, Jäwell la mordit avec force, si fort qu'il arracha un morceau de chair de son corps.

Il lui sourit avec satisfaction alors qu'elle toucha le trou dans son épaule et éclata de rire.

La blessure cicatrisait déjà et sa peau se reforma sous ses doigts. Ils continuèrent ainsi toute la nuit, testant leurs limites tout en découvrant le corps de l'autre, toujours plus loin.

Au lever du soleil, ils quittèrent ensemble la chambre pour rejoindre la tour.

Jäwell ferma la porte après que Leïlana soit sortie la première. Il eut un sourire fier et arrogant lorsqu'il constata le sang sur les murs et le mobilier brisé. La nuit fut intense.

Miroïr et Zarkhaïm étaient déjà là, ils avaient tous deux senti qu'une nouvelle créature était née cette nuit. Miroïr sourit en voyant qu'il s'agissait de Leïlana.

Après un ultime adieu, ils entrèrent dans la tour. Miroïr ferma la porte et se laissa glisser contre elle pour s'asseoir sur le sol. Pendant ce temps, Leïlana activa l'orbe.

Miroïr posa sa main sur la porte en bois, les larmes aux yeux.

"Je t'aime."

De l'autre côté, Zarkhaïm baissa la tête, cachant son visage sous ses longs cheveux. Il murmura d'une voix tremblante.

"Je t'aime."

Après cela, ils partirent en silence. Zarkhaïm vit la tour disparaître devant lui et son cœur se serra, il se sentait brisé. Il se tourna vers Jäwell avec un air sombre.

"N'oublie pas de ne jamais en créer une autre..."

Jäwell acquiesça.

"Je ne veux pas attendre quelqu'un de spécial comme tu l'as fait. La transformer était le meilleur choix possible. Il ne sera pas tenté de la sauver quand le moment sera venu."

Zarkhaïm acquiesça, ils savaient que Miroïr était profondément gentil et qu'il ne supporterait sans doute pas de laisser mourir Leïlana sans essayer de la sauver. Ils savaient qu'il finirait par la transformer.

Zarkhaïm pensa que Jäwell avait fait une chose intelligente pour une fois. Il prit la direction du trône. Suivi par Jäwell, il poussa la porte secrète menant à l'Ombrae. Il se tourna vers Jäwell et posa une main sur son épaule juste avant de la franchir.

"Tu seras un grand chef. Je viendrai te chercher lorsque ce sera le bon moment. Attends-moi."


Chapter 52: La rose qui se fane

Les paroles de Leïlana résonnèrent dans l'esprit d'Arja.

"Il n'y a plus rien pour toi dans ce monde..."

Arja se leva et prit la direction de la porte en silence. En poussant doucement la porte, elle se retrouva dans une plaine. Elle tenait le poignard dans sa main, comme les derniers pas des condamnés purgeant leur peine. Elle observa le ciel nocturne et la petite étoile en se demandant depuis combien de temps les dieux avaient décidé de son sort. Depuis combien de temps était-elle condamnée à mourir ? Arja se sentait fatiguée depuis la mort de Typhon, cette fatigue était devenue insupportable et ses pas étaient lents et lourds.

L'air frais lui caressait le visage. Arja l'apprécia en marchant un moment. Hagalaz n'était pas parvenu à la suivre, elle pensa que c'était mieux ainsi. Elle était sûre qu'il trouverait un meilleur endroit, elle l'avait laissé dans la forêt dans une terre désolée où personne n'oserait jamais le chasser.

Elle tenait fermement sa lame, cherchant le meilleur endroit possible pour profiter de son dernier moment.

Arja vit une colline. Elle la gravit en souriant. Elle s'assit au sommet et profita de la vue sur le ciel et les nuages, sentant le vent remuer ses cheveux comme un toucher tendre. Elle se sentait extrêmement calme. Son esprit était enfin libéré de tout, elle respira profondément. Elle se sentait fatiguée de se battre. Fatiguée de courir et de se cacher. Elle était si fatiguée. Elle sourit en pensant qu'elle allait enfin se reposer.

Elle prit sa décision, elle mourrait là. À l'aube.

Arja resta assise toute la journée. Elle contempla l'horizon du point culminant de sa vie. Elle sourit paisiblement, il n'y avait pas de nuages et le ciel était magnifique. Arja était détendue pour la première fois depuis nul ne savait combien de temps. Elle prit une profonde

Elle respira profondément, la nuit tomba dans un spectacle qu'elle souhaitait graver dans son esprit.

Les étoiles semblèrent un peu différentes cette nuit mais la Petite Étoile était là. Elle était fidèle à sa position même si elle paraissait un peu plus brillante qu'avant. Arja sortit une bouteille de son sac et but.

"Merci d'être venue, petite étoile. Nous sommes de vieux amis maintenant, j'avais peur que tu ne sois pas là pour moi."

Arja rit. La colline était vide, il n'y avait rien ni personne. Pas même un oiseau ne troublait le calme parfait. Arja se mit à parler au ciel en riant, elle était vraiment heureuse.

"Je pense à ce qui s'est passé récemment, et tu sais quoi ? Je crois que je suis morte il y a longtemps. Je suis morte quand Typhon m'a quittée. Le reste n'était qu'un bonus. Je n'aurais jamais pu aller plus loin. Je suis heureuse d'avoir retrouvé Ulrich, mais soyons réalistes, nous n'avons plus rien en commun. Puis, je suis morte une première fois. Tu n'étais pas là, Petite étoile, tu n'as pas vue, mais c'était incroyablement douloureux."

Elle but une nouvelle gorgée et rit encore plus fort.

"Petite étoile, penses-tu que je puisse venir vivre avec toi ? Penses-tu que je vais enfin rencontrer Yshnaa ? J'ai passé tellement de temps dans ma vie à prier pour elle, je souhaite rejoindre son royaume. J'ai toujours fait des choses que je jugeais bonnes. J'ai essayé d'être aussi noble que possible. J'ai été courageuse quand on l'attendait de moi. J'ai fait de mon mieux dans cette vie."

La petite étoile sembla briller encore plus. Arja prit la dague dans ses mains. Elle vit de l'eau sur la lame et se rendit compte qu'elle pleurait. Elle pouvait voir son reflet dans l'arme.

Elle regarda un moment son visage mutilé et son seul œil. Une partie de sa joue et de ses lèvres était brûlée, puis elle baissa la lame et regarda l'armure qui avait été fabriquée par Ulrich pour elle.

Elle était d'une beauté pure mais elle cachait les cicatrices de sa vie. Arja retira le plastron. Sa main parcourut son corps. Elle caressa avec tendresse la première cicatrice qu'elle avait eue avec Typhon lors d'une mission. Chaque marque était la preuve qu'elle existait, et chaque cicatrice était un souvenir fort qui influença sa vie.

Elle caressa son ventre et ne put contenir sa douleur.

"Regarde-moi, petite étoile. Je suis honteuse. Je pleure la perte des enfants que j'aurais voulu avoir et qui ne sont jamais nés. N'est-ce pas ridicule ?"

Arja baissa la tête sur sa poitrine, cachant son visage sous ses cheveux. Sa voix était étouffée pendant qu'elle pleurait. Arja se sentit un instant comme la petite fille pleine de rêves qu'elle était.

"Mais je les voulais tellement. Et, je les ai perdus. Je l'ai perdu. J'ai perdu mon père et ma mère. J'ai perdu mon ami. Ce n'était pas juste. J'ai perdu mon humanité. Jäwell m'a tout pris et je vais me tuer avec une de ses armes. N'est-ce pas pathétique ? Oh petite étoile, ne te moque pas de moi maintenant. J'ai besoin de compassion dans mes derniers instants. J'ai besoin d'être Arja du royaume de Faranza, la princesse Arja pour une dernière fois avant la fin. J'ai besoin de pleurer pour eux tous, j'ai besoin de pleurer ce que je n'ai pas pu pleurer avant car je n'avais pas le temps pour cela".

Les larmes coulèrent sur son visage comme un torrent. Arja releva alors la tête, se mit debout, à moitié nue, puis elle cria.

"Ce n'était pas juste !"

Elle se calma un peu après avoir crié, elle en avait besoin, elle avait besoin de se défouler. Son poing se resserra sur la lame. Arja n'était pas désespérée, elle n'était pas triste. Elle se sentait en colère, elle avait une rage brûlante d'avoir été mise dans cette situation. Quel genre de tour était-ce ? Elle s'était transformée en créature de la même lignée que celle qui avait tué sa famille et ravagé son royaume. Alors que Jäwell avait relevé les morts et mis en place les prémices de la peste qu'elle avait combattue toute sa vie, elle était désormais l'un des leurs. Elle rit un peu de la situation. De tous les destins possibles, il fallait que ça finisse comme ça.

Elle plaça la partie tranchante sur sa gorge et se coupa le cou d'un geste rapide.

Elle sentit l'étreinte froide de la mort. C'était la fin de son voyage. Elle sentit le sang couler le long de son corps et elle était détendue, heureuse. Elle allait rejoindre Typhon.

Sans un bruit, dans le calme de la colline. Arja se mit à genoux devant la nuit avec un sourire. Profitant de la vue, elle sentit son âme s'endormir. Elle sentit qu'elle pouvait enfin se reposer.

Dans une dernière inspiration, Arja mourut avec un sourire paisible sur le visage.


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