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22.36% Les Fondateurs du Monde des Ombres / Chapter 17: Derrière la porte

Chapter 17: Derrière la porte

Arja le sentit immédiatement, c'était l'odeur du sang frais. La fille qui l'avait amenée la poussa à l'intérieur avec son pied et referma la porte aussi vite que possible.

Arja n'en revenait pas, devant elle se trouvaient deux hommes solides, armés d'épées, le général avait une expression sombre derrière son bureau et au milieu de la pièce...

Au milieu de la pièce se trouvait Typhon. Sur le sol. Sans tête.

Arja ne pouvait plus bouger, l'un des hommes s'approcha d'elle, lui attrapa le bras et la poussa sur le sol à côté de Typhon. Elle était maintenant agenouillée dans le sang, elle leva un peu la tête et vit la tête de Typhon devant elle. Ses yeux étaient encore ouverts, vides de vie, fixant l'abîme.

Son sang se glaça, elle sentit des picotements dans ses membres, et son cœur sembla s'être arrêté. Elle ne pouvait pas croire que tout cela était vrai, elle était en état de choc. Elle avança la main dans sa direction pour fermer ses yeux, mais l'autre homme lui écrasa les doigts avec son pied en arborant un sourire satisfait. Elle sentit ses os craquer sous son poids et la douleur lui traversa le bras de part en part.

Le général l'observa et secoua la tête, déçu.

"Il m'a dit que vous vouliez partir ensemble. J'ai refusé et il s'est emporté. Vas-tu coopérer ou rendre les choses difficiles toi aussi ?"

Arja ouvrit la bouche, et c'était tout ? C'était juste ça ?! Elle sentit une rage incroyable grandir en elle. Comme une énorme gifle. Il mourut seul. Le général reprit d'une voix sévère et lointaine.

"Bien sûr, ce n'est pas la raison principale. Tu as commis une erreur. Te souviens-tu ce jour-là, vous avez été envoyés dans l'allée verte ? Vous deviez tuer un sénateur."

Arja n'eut aucun mal à comprendre ce que le général voulait dire, bien sûr, elle s'en souvenait. Elle sut immédiatement ce que le général s'apprêtait à dire.

Ils eurent un problème au cours de cette mission. Ils se rendirent à la maison du sénateur comme prévu, ils entrèrent dans sa chambre de nuit. Typhon l'assassinat pendant qu'Arja s'occupa de sa femme qui était témoin.

Le problème s'est posé au moment de partir. La fille du couple est entrée dans la chambre à ce moment-là et les surprit. Ils auraient dû la tuer.

Arja se souvient parfaitement de la sensation de son couteau posé sur la gorge de l'enfant. Elle avait environ trois ans. Elle ne put tout simplement pas le faire... Arja sentit la blessure sur son ventre, la douleur lui prit tout le corps. Elle laissa sa main tomber le long de son corps sans blesser la petite. La petite fille courut vers ses parents. Elle pleura si fort que tous les serviteurs arrivèrent dans la chambre en un rien de temps.

Ils s'échappèrent de justesse sans que d'autres personnes les voient. Lorsqu'ils furent suffisamment éloignés du manoir et en sécurité, Arja planta son couteau dans un arbre et poussa un cri de rage.

Typhon ne l'avait jamais vue ainsi. Elle tomba, s'assit sur le sol en gardant une main sur son ventre et se mit à pleurer. Arja n'avait jamais réalisé que le fait de ne pas pouvoir avoir d'enfant influencerait ses actions. Elle ne pouvait pas accepter de tuer un enfant. Peu importe ses instructions ou son éducation. C'était trop pour elle.

Elle regarda Typhon et faillit lui crier dessus, les yeux pleins de larmes.

"Ne t'inquiète pas, j'assumerai seule pour ça. Je ne tuerai jamais un enfant, pas question !"

Il resta sans voix. Il avait toujours pensé qu'elle était une beauté froide, sans sentiments ni empathie. La voir ainsi le toucha profondément. Il s'agenouilla près d'elle et lui demanda d'une voix douce.

"Montre-moi..."

Elle tremblait, il posa sa main sur la sienne. Ses yeux fixaient les siens et, en un instant, elle put se calmer. La rage partie laissa place à la tristesse. Elle comprit au fond d'elle qu'il était temps de partager ce fardeau avec quelqu'un. Elle ne pouvait plus le supporter seule.

Elle souleva sa chemise, montrant le bas de son ventre. Typhon ne put contenir sa tristesse en la voyant.

Elle était complètement ravagée, la plaie mal cicatrisée ne faisait pas une belle cicatrice. Au contraire, la cicatrice s'était agrandie et des morceaux de gravats étaient encore visibles sous sa peau. Lorsque cela se produisit, les médecins s'occupèrent d'elle du mieux qu'ils le purent. Ils n'avaient pas la possibilité à l'époque de procéder à une opération complète et de tout enlever. Ils firent le maximum, car après l'attentat, le nombre de blessés était incroyable, il y avait beaucoup trop de victimes.

Sa peau était terriblement déformée, présentant des trous, des bosses et des tranchées, c'était une cicatrice éternellement douloureuse pour elle. Physiquement et mentalement. Les dégâts apparents n'étaient pourtant pas les plus graves. Ce jour-là, elle perdit une partie d'elle-même. Elle avait perdu son avenir, son passé et son identité.

C'est à ce moment-là que Typhon la prit dans ses bras. Ce fut leur premier moment d'intimité. Elle cacha son visage dans son cou et pleura, le serrant aussi fort qu'elle le put avec ses bras tremblants.

Elle se souviendrait toujours de ce jour où il lui parla doucement à l'oreille.

"Je serai toujours là pour toi".

Elle sentit une vague de chaleur dans son cœur, contrastant avec le souvenir terrifiant de l'attaque. Elle ne pouvait s'empêcher de pleurer, elle pleura tout ce qu'elle voulait pleurer depuis qu'elle avait quitté le palais. Elle se sentait comme la petite fille qu'elle était, la princesse qu'elle aurait dû être, cette fille perdue dans les ténèbres. Fragile, innocente...

Il passa un bras autour de son épaule et lui caressa tendrement le dos de sa main libre.

"Nous ne ferons pas de rapport. Personne ne le saura, tout ira bien. Ne t'inquiète pas."

À cet instant, elle le crut.


Chapter 18: Vole vers la liberté

Elle regarda le général, puis Typhon. Elle baissa la tête et sentit des larmes couler sur ses joues.

"Tu m'as promis..."

Le général afficha un grand sourire. Il étalait toute sa suprématie, fier de sa manœuvre. Il était comme un golem solide contemplant la créature brisée à ses pieds.

Il l'observait de loin, derrière son bureau. Content de la situation.

" Vous auriez pu mourir en combattant le dragon, je n'ai aucune idée de quelle magie vous a permis de survivre. Je voulais vous offrir à tous deux une mort glorieuse au lieu d'être punis pour trahison. Quelle honte de perdre des éléments comme vous. Tu as toujours été faible, princesse, mais je ne m'attendais pas à ce que tu rendes mon meilleur homme aussi faible que toi".

Le général se leva en tapant sur son bureau.

"C'est toi qui as fait ça. Il est tombé amoureux de toi et tu l'as tué lui au lieu de la tuer. Es-tu heureuse d'avoir épargné sa vie maintenant ? Seras-tu le chien obéissant que tu étais censée être lorsque ton père t'a vendue ?"

Arja leva la tête. Le général parlait encore plus fort, il lui riait littéralement au nez.

"Tu ne savais pas, n'est-ce pas ? Le roi t'a vendue. Tu ne lui servais à rien. Il t'a vendue pour envoyer Ulrich dans les montagnes parce qu'il avait entendu dire qu'une tribu pourrait le rendre fort à nouveau. Il t'a vendue pour sauver ton frère, tu n'es qu'une créature pathétique."

Arja ouvrit les yeux. Son frère était vivant ? Son cœur bat la chamade et elle se sentit étonnamment vivante. Elle saisit le couteau dans sa manche et trancha la gorge de l'homme à sa gauche. Puis, elle se leva et courut. Le corps tomba sur le sol, elle marcha dessus et sauta.

Elle plaça ses bras devant son visage. Elle ne réfléchit pas à ce qu'elle faisait. Elle prit juste par la seule issue possible, la fenêtre.

Il y avait trente à quarante mètres de haut. Alors qu'elle tombait, elle réalisa qu'elle avait peu de chances de survivre. Elle vit le sol se rapprocher et ferma les yeux. Après tout, elle n'avait aucune chance de survivre dans ce bureau non plus. Pendant sa chute, elle sentit la commissure de ses lèvres se soulever. La pensée de rencontrer Typhon de l'autre côté lui donna la force d'affronter la mort avec courage.

Elle s'écrasa, et puis, plus rien.

Ce fut le néant complet, elle ne se souvint de rien. Pas de ses os brisés par l'impact, de sa tête heurtant le sol avec une telle force que la moitié de ses dents furent expulsées de sa bouche.

Elle ne se souvenait pas que son corps s'était disloqué. Seul le visage de Typhon était devant elle, lui souriant. Elle sentit sa main caresser sa joue, et elle lui dit avec tout l'amour dont elle était capable.

"Pardon et merci."

Soudain, elle entendit une voix grogner quelque part près d'elle. Elle avait l'impression de ne pas avoir d'yeux pour voir qui parlait.

"Bien sûr, elle s'excuse auprès des morts. Je n'aurais jamais dû venir la voir. Et pour quoi faire ?"

Une autre voix répondit à la première.

"Parce qu'il me l'a ordonné. Tais-toi et sauve sa vie comme il l'a demandé. Nous ne voulons pas le décevoir."

Elle entendit encore quelques plaintes, mais tout redevint sombre. Il lui fallut quelques jours de coma avant d'ouvrir enfin les yeux, elle ne s'attendait pas à être en vie et fut la première surprise de toucher son corps.

Elle souffrait beaucoup et avait de nombreuses blessures qui ne guérissaient pas encore. Elle essaya de se lever, mais elle se sentait très faible et dut s'aider d'un bâton pour soulever son corps lourd. Elle observa tout autour d'elle et vit qu'elle se trouvait dans une tente semblable à celle de Zuline. Elle sortit de la tente en boitant et vit qu'elle était à nouveau dans le désert de Rika.

Après avoir vu qu'elle était dans le désert, elle comprit que la voix féminine était celle de Zuline. Elle la chercha et la trouva rapidement. Zuline arriva la première.

"Tu peux marcher ! C'est fantastique, Arja. Nous ne nous attendions pas à ce que tu guérisses si vite. Assieds-toi et mange quelque chose avec nous. "

Arja la suivit, elle n'avait pas faim. La perte de Typhon était trop brutale et trop difficile à digérer pour elle, pour l'instant. Elle mangea le bol que Zuline lui tendit sans conviction. Zuline lui sourit.

"Je vois que tu souhaites survivre. Il en serait très heureux."

Arja était encore sous le choc et avait besoin de temps pour comprendre où elle était et à qui elle parlait.

"Zuline, comment suis-je revenue ici ? Comment as-tu su ce qui s'est passé ?"

Zuline lui sourit avec tendresse.

"Quelqu'un de très important veut que tu survives, il m'est apparu et m'a dit ce qui se passait. Nous nous sommes précipités dehors avec Gawanda et nous t'avons sauvée. Par chance, nous sommes arrivés au bon moment, nous t'avons vue au moment où tu tombais. C'était incroyablement courageux et stupide de ta part, mais bon, ça a marché et tu as pu t'échapper".

Arja s'apprêtait à demander qui étaient ces personnes, mais elle entendit l'autre voix grommeler dans son dos. Elle tourna lentement la tête et vit apparaître un troll. Comme ceux des légendes. Il était grand et mince, sa peau était vert pâle, sa tête était allongée et il avait deux défenses qui sortaient de sa mâchoire. Il avait une expression sévère et s'approcha directement d'Arja, il lui prit la main et vérifia son pouls.

"Ok, tu peux rester dehors. Je resterai un jour de plus ou deux pour m'assurer que tu survis, puis je partirai."

Zuline rit, Gawanda partit immédiatement vers sa tente sans plus de mots.

"Les trolls ne sont pas amicaux, ils restent entre eux. La tribu de Gawanda nous tolère, nous les Jessadiens, uniquement parce que nous sommes originaires de la même terre. Il est le meilleur guérisseur des mondes."

Arja était stupéfaite par les événements. C'était trop de choses à assimiler. Elle prit une profonde inspiration et se leva.

"Je suis désolée Zuline, je suis un peu fatiguée."

Zuline acquiesça et Arja retourna à la tente. Une fois à l'intérieur, elle prit sa pile de vêtements à côté du lit et en sortit la lettre de Typhon. Elle la relut encore une fois, tremblante. Il était sa raison de vivre et même si son frère était encore en vie quelque part, ce n'était peut-être qu'un mensonge de plus. Typhon, lui, était réel. Il lui donnait la force de marcher, de se dépasser, de faire de son mieux en permanence. Maintenant qu'il était parti, il ne restait plus rien.

Elle s'allongea sur le lit et dormit encore un long moment, serrant la lettre contre elle.


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