J'étais pétrifiée, pas de peur ou par la prestance de qui que ce soit, j'étais juste dans l'incapacité de bouger. L'air autour de moi était devenu dure, presque irrespirable, et je pouvais y sentir une forte magie y circuler. Je n'étais pas la seule dans ce cas-là, Tom, le noble et ses sbires, ainsi que tout le reste des aventuriers et des monstres subissait le même sort. Et celui qui nous l'avait jeté n'était autre que l'un de nos profs, Éric Osniar.
Il nous toisait tous dans les airs, nous jugeant silencieusement. Difficile de dire ce qu'il pensait, son visage ne laissait rien paraitre et inutile de dire qu'il ne laissait rien filtrer à travers son énergie magique. Il leva sa baguette devant lui, en direction de l'espace au-dessus de l'escalier, avant de faire un petit mouvement de la main, créant ainsi un cercle d'énergie.
L'énergie s'y condensant se cristallisa en une multitude de petites sphères, ces dernières restants suspendues dans les airs. Levant son autre main, il créa un second cercle d'énergie, avant d'y précipiter les petites sphères qui y prirent feu à son contact. Les projectiles ainsi créés filèrent tels des éclairs jaunes vers leurs multiples cibles réparties un peu partout sur le terrain. Les frappant et les pulvérisant dans de petites explosions.
L'attaque était maîtrisée, chirurgicale et de grande envergure. Aucune créature n'en réchappa, toutes carbonisées sur place. J'étais un peu impressionnée, mais pas tant que ça finalement. Je veux dire, la capacité est magnifique, mais pour l'avoir vu en cours, c'est finalement quelque chose de presque attendu venant de lui.
Dans tous les cas, une fois l'attaque lancée, il lâcha l'emprise qu'il avait sur chacun d'entre nous avant de se diriger vers notre groupe. Et, bien qu'il continuait de garder une expression stoïque, sa venue ne présageait vraiment rien de bon. Du coup, personne n'osa bouger ne serait-ce que le petit doigt, avant d'en avoir reçu l'autorisation en tout cas.
Il se posa devant nous, avant de prendre la parole. Son ton était grave et imposant, mais surtout accusateur.
- (Éric) Je suis particulièrement déçu par vos actions aujourd'hui. Plutôt que d'aider à l'extermination des monstres, vous avez eu la stupide idée de régler vos différents. Quelles excuses pitoyables avez-vous à m'offrir ?
Sur ça, je ne pouvais pas répondre n'importe quoi. Un faux pas pourrait me coûter chère, une exclusion, la prison, difficile à dire. Malheureusement, son regard incitait clairement une réponse immédiate. Pas le temps de réfléchir à une réponse complexe. Je m'avançai donc d'un pas, prenant la parole avec une vigueur retrouvée.
- (moi) Ils ont buté 2 membres de notre groupe !
- (Daniel) Et ces déchets humains ont tué un de mes gardes !
- (moi) Quoi !? C'est n'importe quoi ! On vous a même pas touché !
- (Daniel) Ne vous moquez pas de moi, je sais…
- (Éric) SILENCE !
La voie autoritaire de notre professeur coupa aussi sec le noble, qui semblait pourtant bien partie pour argumenter son point de vue. Ce dernier resta accusateur, et je commençai enfin à comprendre pourquoi, même si ses spéculations étaient fausses.
Au moins, notre prof semblait comprendre en substance le problème qui nous opposait, car il reprit rapidement, sur le même ton inquisiteur :
- Peu importe la raison de vos chamaillerie, elle ne justifiera jamais la mise en danger de vos collègues aventuriers, ainsi que la vie des soldats là pour vous protéger.
Sur ces mots, je commençais enfin à me calmer, baissant la tête, dépité par le résultat. J'avais encore un peu de mal à penser clairement, mais surtout, j'étais un peu choquée par ce que je venais d'entendre. Après, je dois quand même admettre que je m'attendais un peu à ce genre de bassesse de sa part, mais quand même.
Quoi qu'en y réfléchissant un peu plus, je constatai un petit problème. Ça risquait de finir avec notre parole contre la sienne. Autrement dit, qui croire ? D'un côté, une inconnu au passé mystérieux, et de l'autre, un membre de la noblesse. Et même s'il avait agi de manière abjecte il y a quelques minutes, la balance risquait de pencher en notre défaveur.
« Et merde, je peux plus me défendre, et maintenant, je ne peux même plus m'échapper avec l'arrivé du prof… Tom, j'espère que ton rang sera suffisant pour faire contrepoids ! »
Après cet échange sulfureux, Éric demanda l'aide de quelques soldats afin de dresser un rapide camp dans le but de préparer la suite des opérations. Parallèlement, Il nous sépara tous et nous isola afin de nous placer dans de bonnes conditions pour une séance d'interrogatoire.
Je fus ainsi placée dans une tente, isolée du reste du monde dans une sorte de cocon magique anti bruit. Je n'avais plus rien. Mon sac et mon bracelet furent rapidement réquisitionnés afin d'être inspectés, pas que cela ait encore une grande importance à l'heure actuelle. De toute façon, je ne pouvais rien y faire.
Je suis quelqu'un d'un naturel calme, parfois trop d'après certains. Comme quoi j'aurai tendance à ne pas réagir suffisamment aux évènements qui m'entoure. Et, bien qu'il soit vrai que je ne m'excite pas au moindre problème, je préfère prendre mon temps, même dans les situations difficiles. En tout cas, le gros avantage d'être comme ça, c'est que je peux facilement me reposer dans ce genre de situation !
L'attente fut plutôt longue, pratiquement une heure je dirais. Je m'étais allongée par terre jusqu'à ce qu'un soldat finit par venir me chercher. Il m'aida gentiment à me relever avant de me faire sortir et m'indiquer la tante dans laquelle m'attendait Éric. Il s'agissait d'une tente blanche, carré, comme celle dont je venais de sortir, mais en plus grande.
A l'intérieur, Éric m'attendait, installé devant une simple table. Il m'invita à m'assoir en face de lui, ce que je fis prestement. La tente était elle-même dans une bulle magique, assurant une isolation auditif, essentiel pour ce genre d'interrogatoire.
Encore une fois, il resta calme, insondable, à tel point que s'en était oppressant. Il commença par me demander ma version des faits, depuis le début, lorsque nous étions encore dans le donjon. Je débutais donc mon récit avec la découverte du soldat inconscient dans la grotte, en insistant bien sur le fait qu'il était encore vivant au moment où le mage inconnu nous a agressé. Je ne manquai pas de préciser l'origine de la rupture du donjon, en n'oubliant pas l'aspect du contenu du sac. Il m'écouta silencieusement, usant d'une étrange boite magique dont la fonction s'avérait être d'imprimer mes paroles sur une feuille de papier.
Le reste de mon intervention dura un peu moins d'une dizaine de minutes. Pendant tout ce temps, il n'essaya même pas de m'interrompre une seule fois, ce qui m'inquiétait un peu. Ce n'est qu'une fois mon discours terminé qu'il me posa une question, particulièrement précise et pleine de sens.
- (Éric) Espérance, tu dis avoir vu une poudre blanche sortir du sac. Est-ce que tu as une idée de ce que ça pourrait être ?
- (moi) Non, pas vraiment, à part que ça pourrait servir d'explosif. De toute façon, j'ai longtemps vécu en marge de la société, du coup, je manque un peu de culture !
- (Éric) Sans être indiscret, est-ce que je pourrais te demander où tu as passé ton enfance ?
Etrangement, il me paraissait beaucoup moins hostile lorsqu'il me parlait directement. Même s'il ne changeait pas vraiment le ton de sa voix, je me sentais plus sereine à l'idée de vouloir lui partager mon récit.
- (moi) Ça ne me dérange pas vraiment, mais le problème est que je ne connais pas exactement cet emplacement. Je peux juste vous dire qu'il s'agit d'un endroit au fin fond des bois au nord-ouest d'ici.
- (Éric) Je comprends. Et donc tu as finit par venir ici pour étudier la magie.
- (moi) C'est exact, je suis arrivé un peu avant les examens d'entrée.
- (Éric) Je vois…
Sur ses mots, il fouilla dans un petit sac accroché au dos de sa chaise avant d'en sortir un objet circulaire que je reconnu assez vite. Il s'agissait de mon bracelet me permettant de cacher mes capacités de soin. Autant dire que sur le moment, j'eus un mauvais pressentiment !
- (Éric) Ceci t'appartient si je ne me trompe pas. Un bracelet d'inhibition, et pour la magie de vie en plus. Pas que cela ne me pose un problème à ce niveau-là ! En revanche, je serais curieux de savoir comment tu te l'es procurée.
- (moi) C'est un ami qui m'a indiqué l'adresse. Il m'a dit que je ferais mieux de cacher cette capacité si je voulais éviter les problèmes.
- (Éric) Un ami ?
Il était clairement suspicieux sur mes origines, et je m'estimais intérieurement très heureuse d'avoir pu esquiver facilement ce piège. Mais clairement, j'étais pas bien, et je n'y pouvais rien. Il avait une bien trop grosse emprise sur le sens de notre échange pour que je puisse le réorienter. Du coup, tout ce qu'il me restait à faire était de dérouler les faits déjà préparés.
- (moi) C'est quelqu'un qui m'a guidée jusqu'ici et qui m'a aidée avec les documents administratifs. Il s'appelle… Samu, si je ne me trompe pas. Peut-être que vous le connaissez, il m'a dit qu'il a lui-même étudié à l'académie.
- (Éric) Désolé, mais chaque année, j'ai 150 nouvelles personnes dont je dois retenir le visage et le nom pour mener à bien mes cours. Alors si cette personne ne m'a pas particulièrement marquée d'une quelque façon que ce soit, je ne m'en souviendrais pas. Et je m'excuse par avance pour cette dite personne !
Après ça, il continua de me demander quelques précisions sur mon emploi du temps depuis mon arrivé ici, questions auxquelles je m'efforçai de répondre avec le plus de précision, avant de revenir au sujet principal, et de m'expliquer le problème qu'il avait sur les bras.
L'histoire du meurtre en lui-même n'était pas le plus grave, même s'il posait éthiquement un problème. En gros, les problèmes dans les donjons avaient tendance à rester dans les donjons. Cependant, la rupture du donjon, c'était autre chose, car la haute prolifération forcée des monstres qui en résultait s'enchainait par une hibernation du donjon lui-même. En d'autre terme, plus de monstre pendant minimum 2 semaines, et qui dit plus aucun monstre, dit plus aucune matière première à récolter.
Il s'agissait donc d'un problème d'argent, et qui pourrait se terminer par moi enfermé dans un bocal.
Mais cela ne l'empêcha pas de se montrer bienveillant envers moi, me donnant même une adresse pour mes blessures aux bras, même s'il devinait que je devrais être capable de soigner ce genre de dégâts en moins de deux semaines par moi-même. Et en réalité, avec mes pouvoirs, je dirais que ce serait de l'ordre de la minute, plutôt que de la semaine !
Dans tous les cas, il finit enfin par me laisser partir, me rendant mes équipements, dont ma dague et mon épée qui m'avaient servi de projectile contre le groupe du noble. Il m'ordonna au passage de faire un tour du côté de la guilde des aventuriers, afin de mettre à jour mon amulette. Suite à ça, il ne me restait plus qu'à rentrer.
Il faisait déjà nuit lorsque je quittai le donjon, accompagnée par Tom et quelques gardes nous servant d'escorte. Personne ne parlait, personne n'avait envie de parler, et surtout pas moi.
Nous étions complètement bredouilles. Les peaux que nous avions récoltée ont été réquisitionnées pour de plus amples vérifications, deux de nos collègues étaient morts, et nous étions suspectées d'avoir provoqué la rupture du donjon.
J'étais abattue. Pour la première fois depuis que je me retrouvais ici, je ne savais plus quoi faire pour me défendre. La situation me dépassait complètement et je n'avais strictement aucune idée de comment la gérer. J'imaginai divers stratégies, mais rien ne fonctionnait. Au final, ma tête finit par se vider de toute pensée, alors que je continuais d'avancer comme un zombie vers la ville.
En écrivant ce chapitre, je me suis apperçu que j'introduisais un problème qui aurait peut-être mérité une meilleure préparation. du coup, lorsque j'aurais le temps, j'effectuerai 2 3 petites modifs... enfin, rien de transcendant rassurez-vous.
bonne lecture !