Port-au-Prince était une ville en ébullition constante, mais derrière les cris des marchands et les éclats de rire des dockers, une ombre pesait sur ses quais. Dans un bâtiment en bois à la peinture écaillée, niché entre les entrepôts et les tavernes bruyantes, se trouvait le quartier général des chasseurs d'esclaves. Un lieu sinistre, où la lumière du jour semblait peiner à pénétrer.
Dans le bureau principal, un homme à la carrure imposante était penché sur un bureau massif, une jeune esclave entravée sur le bois brut devant lui. La jeune femme pleurait et hurlait, sa voix brisée par la terreur. Ses poignets étaient attachés, et son corps frémissait sous le poids de l'homme. Il était en train de la violer, indifférent à ses suppliques.
Cet homme était connu sous le nom de Cadet Roche, le chef d'un groupe de chasseurs d'esclaves redouté dans toute la région. Au tour de son cou pendait un collier macabre : des oreilles humaines, trophées des esclaves qu'il avait capturés ou tués. Sa réputation était celle d'un homme cruel et sans scrupule, un prédateur qui ne vivait que pour la violence et le pouvoir.
La porte s'ouvrit brusquement, laissant entrer un planteur bien habillé, visiblement nerveux. L'homme s'arrêta net à la vue de la scène devant lui. Ses yeux s'élargirent de révulsion en voyant la jeune femme, le visage baignant dans ses larmes, et Cadet Roche qui ne ralentit même pas son élan.
— Vous avez un problème ? grogna Roche sans lever les yeux.
Le planteur déglutit, tentant de reprendre contenance.
— Je… je suis venu vous parler d'une chasse. Dix marrons, originaires de ma plantation… ils ont fugué il y a trois jours. Je…
Il s'interrompit alors que Cadet Roche saisissait un bâillon et le plaçait brutalement dans la bouche de la jeune femme pour étouffer ses cris. Il continua ensuite son acte, sans accorder plus d'attention à son client.
— Continuez, dit-il d'un ton détaché.
Le planteur recula d'un pas, le visage blême. Il resta immobile un instant, ses poings serrés, avant de se ressaisir.
— Non… non, je reviendrai plus tard. Je vois que je dérange.
Sans attendre de réponse, il se retourna et quitta la pièce d'un pas rapide, disparaissant dans la foule des quais. Il ne revint jamais.
Quelques instants plus tard, les hommes de Cadet Roche, réunis dans une pièce voisine, commencèrent à se moquer ouvertement de leur chef.
— Eh bien, chef, tu viens de faire fuir un client ! Tu crois qu'on va manger quoi, des promesses ? ricana l'un d'eux, un homme maigre au visage criblé de cicatrices.
Les autres éclatèrent de rire, leurs blagues grivoises rebondissant dans la pièce.
Cadet Roche entra alors, essuyant nonchalamment ses mains sur un chiffon. Son regard sombre et cruel balaya la pièce.
— Des clients fragiles comme ça, j'en veux pas, cracha-t-il. Ça me casse mon plaisir. Et puis, faut toujours remettre la marchandise en bon état, hein ?
Son ton était sarcastique, mais il n'y avait rien de plaisant dans ses paroles. Les hommes cessèrent rapidement de rire, certains baissant les yeux. Le collier d'oreilles de leur chef était un rappel suffisant de ce qui arrivait à ceux qui osaient aller trop loin dans leurs provocations.
Pour Cadet Roche, la chasse était un jeu cruel, une opportunité de satisfaire ses instincts les plus vils tout en enrichissant sa poche. Mais son règne sanglant sur les quais de Port-au-Prince était sur le point d'être bouleversé. Quelque chose d'autre — ou quelqu'un d'autre — était en chemin.