Chương 4: Chapitre 4 : Jarnholt
Après avoir marché, parfois couru, et même exécuté quelques acrobaties pour éviter les Grims, Sigurd atteignit enfin les portes de Jarnholt. Le trajet, qui aurait dû prendre huits heures, s'était étendu bien au-delà, retardé par la découverte du livre et les innombrables dangers en chemin.
"Pourquoi y a-t-il autant de Grims dans les environs ? Normalement, ils ne devraient pas être si nombreux, surtout pas en plein jour…" pensa Sigurd, les sourcils froncés. "Quelque chose cloche."
Devant lui se dressait une massive porte en bois noir, marquée de profondes entailles laissées par des griffes monstrueuses. Les assauts récents n'avaient pas réussi à la briser, bien qu'elle fût renforcée à la hâte par des barres de fer tordues.
Les murs, également en bois noir, portaient les cicatrices des récents combats. Des planches mal ajustées bouchaient les brèches les plus urgentes, tandis que des éclats de lumière vacillante provenant des torches révélaient des traces de sang séché.
Sur le chemin de ronde, deux gardes exténués montaient la garde. L'un, tenant une lance, scrutait l'obscurité avec des yeux fatigués ; l'autre, un archer, tenait son arc prêt, bien que sa main tremblât légèrement.
Sigurd avança lentement, réduisant la distance à environ quatre mètres de la porte. Soudain, une voix forte et méfiante s'éleva depuis le mur :
« Stop ! Qui va là ? »
Levant les mains en signe de non-agression, Sigurd répondit d'une voix calme :
« Bonsoir. Je viens de la Ville de Skalvik. Nous avons été attaqués par des Grims. J'ai survécu de justesse et réussi à m'enfuir. Pouvez-vous me laisser entrer ? »
Il fit une pause, puis ajouta en se souvenant d'un détail crucial :
« Je n'ai pas d'argent pour les frais d'entrée, mais je promets de payer plus tard. »
Un silence tendu s'installa. Les gardes échangèrent un regard, puis, après un moment, la lourde porte s'ouvrit lentement, grinçant sous son propre poids.
Sigurd entra, jetant un coup d'œil autour de lui. À l'intérieur des murs, l'atmosphère était pesante. Des guerriers, équipés d'armes variées, montaient la garde sur les remparts ou patrouillaient en contrebas. Deux d'entre eux s'approchèrent immédiatement : un homme et une femme, tous deux vêtus d'armures de cuir renforcées par des plaques d'acier. L'homme portait une hache à une main, tandis que la femme avait une épée rangée dans un fourreau à sa ceinture.
« Suis-nous, le capitaine veux te parler » ordonna la femme d'un ton glacial.
Sigurd hocha la tête sans protester et emboîta le pas. Tandis qu'ils longeaient le mur, il remarqua l'étrange absence de personnes. "Peut-être dorment-ils déjà," pensa-t-il. Mais quelque chose d'autre le perturbait.
Partout, il voyait des gardes blessés, assis ou allongés, certains avec des bandages trempés de sang. Les visages des guerriers valides étaient marqués par une tension palpable. Chaque regard, chaque mouvement trahissait une vigilance extrême, comme s'ils s'attendaient à être attaqués à tout moment.
"Qu'est-ce qui se passe ici ?" se demanda-t-il, observant les expressions sombres et abattues autour de lui. "Suis-je arrivé en retard à un deuil ?"
La femme devant lui ne ralentissait pas, son air fermé ne laissant transparaître aucune émotion. Le silence pesait lourd, seulement brisé par les cliquetis des armes et les murmures étouffés des gardes. Sigurd sentait qu'un danger imminent planait sur la ville, mais il se garda bien de poser des questions… pour l'instant.
Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent finalement devant une cabane en bois, simple mais solide. La femme se tourna vers Sigurd et déclara :
« Va à l'intérieur, le capitaine t'attend. »
Sigurd lui lança un regard bref, méfiant. "C'est bizarre," pensa-t-il. "Un capitaine de la garde qui m'accueille personnellement, alors que je suis un pauvre rescapé de basse classe ? Quelque chose ne tourne pas rond… Mais puis-je refuser ? Évidemment, non."
S'avançant vers la porte, il frappa deux fois, doucement mais fermement. Une voix grave et autoritaire résonna aussitôt :
« Entre. »
Sigurd ouvrit la porte et pénétra dans une pièce modeste mais fonctionnelle, éclairée par des torches fixées aux murs. L'espace, bien que restreint, pouvait facilement accueillir une dizaine de personnes.
Son regard tomba immédiatement sur un homme debout, vêtu d'une cotte de mailles légère sous une tunique il avait des cheveux marrons et un visage pouvant être qualifié de très beau. Il tenait un arc dans une main, et un carquois rempli de flèches reposait sur son dos. Il semblait discuter avec quelqu'un :
« Nous pourrions en– »
Il s'interrompit en voyant Sigurd entrer. Le silence s'installa, tandis que l'archer se redressa, jetant un coup d'œil à son interlocuteur.
Sigurd suivit son regard et aperçut un homme assis derrière une table rudimentaire. Sa carrure robuste, ses cheveux bruns coupés court et sa brigandine sombre renforcée de plaques de fer lui donnaient une allure imposante. À côté de lui, un casque conique reposait sur la table avec une massive hache a deux mains.
L'homme tapotait la surface de la table du bout des doigts, son visage crispé trahissant une réflexion intense. Lorsqu'il remarqua Sigurd, il fit un signe de la main à l'archer, qui hocha la tête et quitta la pièce en refermant la porte derrière lui.
L'homme assis se leva légèrement, sa voix grave brisant le silence :
« Je suis Thorn, capitaine des gardes de Jarnholt. On m'a dit que tu viens de Skalvik, une Ville de classe 1. Raconte-moi ce qu'il s'est passé. »
Sigurd prit une profonde inspiration, rassemblant ses pensées. Avant de répondre, il se rappela que Jarnholt était une ville de classe 2.
Dans ce royaume, les villes étaient classés selon un système rigide :
Classe 1 : Petites communautés rurales, vulnérables, avec peu de défenses.
Classe 2 : Villes moyennes, disposant de garnisons solides et d'une infrastructure décente.
Classe 3 : Bastions fortifiés, riches et bien protégés, abritant souvent l'élite du royaume.
Classe 4 : véritable forteresse, et seul et unique capital où résidait le roi de Midgard
"Pourquoi un capitaine de classe 2 s'intéresserait-il à une histoire d'une Ville de classe 1 ?" pensa Sigurd. Il commença néanmoins à parler :
« Je me reposais chez moi lorsque la cloche d'alarme a retenti. Je me suis précipité à l'entrée de la Ville . Le chef et les guerriers rassemblaient des personnes, leur demandant de s'armer pour se défendre. Je n'avais pas vraiment le choix… Alors, je me suis préparé à me battre. »
Il fit une pause, un voile de mélancolie traversant son regard. Puis il poursuivit d'une voix plus sombre :
« Je pensais que nous allions affronter une bande de bandits ou, au pire, une escouade de Grims ordinaires. Mais c'était bien pire. »
Il inspira profondément avant de continuer :
« Des grognements et des hurlements se sont élevés de l'autre côté des murs. Les archers sur les remparts ont commencé à décocher leurs flèches. Puis, l'horreur a commencé. Les guerriers sur les murs se faisaient traîner en bas, un par un, par des créatures monstrueuses. Peu après, des trolls ont percé les défenses… et avec eux, un autre type de Grim. »
Sigurd serra les poings en poursuivant :
« Ils étaient énormes, leur peau verdâtre et écailleuse. Ils portaient de longues épées dans chaque main, et leurs jambes étaient couvertes de morceaux d'armure délabrée. »
Thorn, qui écoutait attentivement, murmura d'un ton grave :
« Des Jotunn. »
Sigurd fronça les sourcils.
« Jotunn ? »
« Oui. Ce sont des Grims de Valence Seether. Ils sont exceptionnellement forts, tant physiquement que mentalement. Continue. »
Sigurd prit note de cette information et poursuivit :
« Les trolls et… Jotunn ont transformé notre Ville en un véritable abattoir. Partout, c'était le chaos. Je n'avais qu'une seule option : trouver un moyen de survivre. »
Un silence tendu s'installa. Thorn brisa finalement le silence :
« Quel métier faisais-tu avant d'arriver ici ? Réussir à fuir une horde de trolls et de Jotunn… même avec de la chance, c'est presque impossible. »
Sigurd esquissa un sourire amer.
« J'ai toujours cru que j'étais maudit, mais il semblerait que ma chance ait décidé de tuer ma malchance, pour une fois. »
Il fit une pause, puis ajouta avec un semblant de fierté :
« Mon père était guerrier. Il m'a appris quelques techniques, mais j'ai décidé de devenir chasseur de marcassins. J'étais plutôt doué, si je puis dire. »
En réalité, il pensait : "Comme si je pouvais lui dire que j'étais esclave."
Thorn caressa pensivement son menton, son visage grave :
« Ce que tu décris est navrant… et presque miraculeux. Mais laisse-moi te dire que Jarnholt n'est pas beaucoup plus sûr. »
Il poursuivit d'un ton sérieux :
« Tu as dû remarquer l'état de nos guerriers et la quantité inhabituelle de Grims autour. La vérité, c'est que cette horde n'agit pas seule. Il y a probablement un Grim de haut rang qui les dirige. »
Sigurd hocha la tête.
« Alors, que se passe-t-il exactement ? »
---
Sigurd sortit de la cabane, refermant la porte derrière lui avec un soupir. Il jeta un coup d'œil autour de lui : les guerriers qui l'avaient escorté, ainsi que l'archer, avaient disparu. Cela n'avait pas d'importance.
"La nuit est bien sombre… Je ferais mieux d'en finir rapidement, je suis épuisé."
Tout en marchant, Sigurd laissait ses pensées dériver, réfléchissant aux informations partagées par Thorn. Selon le capitaine, cela faisait deux jours que la ville repoussait des attaques continues de Grims. Mais ce qui inquiétait le plus Thorn, c'était la coordination inhabituelle de cette horde.
"Ils sont bien trop organisés."
Thorn avait émis l'hypothèse qu'un Grim de haut rang tirait les ficelles, orchestrant les attaques. Le fait que Jarnholt, une ville de classe 2, tienne encore était un miracle, attribué à ses défenses supérieures et à la présence de mercenaires.
Sigurd se rappela également l'explosion de colère de Thorn lorsque l'idée que tout le royaume de Midgard soit attaqué fut évoquée :
« Le royaume est en danger… » avait-il dit en frappant la table, la brisant.
Sigurd, légèrement amusé, pensa : "Pauvre table."
En entendant le nom de Midgard, Sigurd se perdit un instant dans ses pensées. Ce monde, Yggdrasil, était vaste et complexe, composé de neuf royaumes : Niflheim, Muspelheim, Asgard, Midgard, Jötunheim, Vanaheim, Alfheim, Svartalfheim, et Helheim.
Sigurd ne connaissait presque rien de ces royaumes lointains, à part leurs noms. Ils étaient enveloppés de mystères et de légendes que seuls les érudits et les voyageurs osaient aborder. Mais il savait que Midgard, le royaume des hommes, était au cœur de ce monde. Une terre vaste et diverse, composée de montagnes majestueuses, de forêts profondes, de plaines fertiles et d'océans qui s'étendaient à l'infini. Selon les anciennes légendes, quelque part dans ces eaux habiterait le serpent Jörmungandr, une créature redoutable capable de cercler le royaume entier.
Pour administrer un territoire aussi vaste, Midgard était divisé en villes de différentes classes. Les grandes villes, celles de classe 3, étaient gouvernées directement par des membres de la famille royale de Midgard, garants de l'ordre et de la prospérité. Ces élites résidaient rarement dans les villes inférieures, préférant déléguer la gestion des villes de classe 1 et 2 à des adjoints ou des chefs de ville, souvent choisis parmi les nobles ou les guerriers d'expérience.
Sigurd secoua légèrement la tête, chassant ces pensées. "Concentre-toi," se dit-il. Il était arrivé à destination.
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