Point de vue de Aelynn
Le martèlement des sabots sur le sol résonnait encore dans mes oreilles, chaque foulée me paraissant à la fois trop lente et trop bruyante. Nous nous éloignions du village, mais mon cœur restait prisonnier de l'angoisse. La voix de cet ancien membre de la meute résonnait encore en moi, et l'idée qu'il ait pu me reconnaître me glaçait le sang.
Marcus chevauchait à mes côtés, ses yeux scrutant les environs avec une vigilance sans faille. Il était le calme incarné, mais je savais qu'il partageait mes craintes. Pourtant, il n'exprimait rien de ses pensées, me laissant seule avec mes doutes.
Enfin, après plusieurs minutes de silence oppressant, il tourna légèrement la tête vers moi. "Tu es tendue," dit-il simplement, sa voix grave résonnant comme un baume sur mes nerfs à vif.
Je serrai un peu plus les rênes entre mes mains, le cuir mordu par mes doigts crispés. "Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il m'a reconnue… et s'il avertit Adrien ? S'il sait où je suis ?"
Marcus freina légèrement son cheval, puis le guida vers moi pour poser une main rassurante sur ma cuisse. "Il ne t'a pas reconnue. Et même s'il l'avait fait, nous sommes bien trop loin maintenant." Ses yeux sombres captèrent les miens, empreints d'une détermination farouche. "Personne ne t'arrachera à moi, Aelynn. Je t'en fais la promesse."
Ses mots me réchauffèrent légèrement le cœur, mais une angoisse sourde persistait, tapie dans l'ombre. "Et si… et si je n'étais pas à la hauteur pour protéger nos enfants ? Je devrais être là pour eux, Marcus."
Il se redressa légèrement sur sa monture, son regard plus tendre qu'à l'accoutumée. "C'est justement pour ça que nous faisons tout cela. Tu es forte, Aelynn, bien plus que tu ne le crois."
Le silence s'installa de nouveau entre nous alors que nous poursuivions notre route. Le paysage défilait lentement, les arbres massifs se dressant autour de nous comme des gardiens silencieux. Mais l'oppression dans ma poitrine ne disparaissait pas.
Nous chevauchâmes pendant encore des heures, la lumière du jour se dissipant peu à peu pour laisser place aux premières ombres du crépuscule. La fatigue se faisait sentir, mais je n'osais pas demander de pause.
Finalement, Marcus tira sur les rênes, s'arrêtant près d'une clairière bordée d'un ruisseau scintillant. "Nous devons nous reposer, Aelynn," dit-il doucement.
Je secouai la tête, refusant d'accepter l'idée de perdre du temps. "Non, Marcus. Nous ne pouvons pas nous arrêter. Chaque minute compte."
Il soupira doucement, descendant de cheval avant de s'approcher de moi. "Si tu tombes d'épuisement, tu ne pourras rien faire pour eux. Juste quelques instants. Récupérons nos forces."
À contrecœur, je finis par céder et descendis moi aussi de ma monture. L'air frais de la forêt caressa mon visage, apaisant légèrement mes nerfs tendus. Marcus s'approcha et prit ma main, m'entraînant vers un tronc d'arbre tombé où nous nous assîmes côte à côte.
Le silence s'étira de nouveau, mais cette fois, il était moins oppressant. La lumière du crépuscule peignait le ciel de nuances violettes et orangées, et le bruit apaisant du ruisseau remplissait l'espace.
"À quoi penses-tu ?" demanda-t-il après un moment, brisant doucement le silence.
Je baissai les yeux vers mes mains, jouant nerveusement avec une mèche de cheveux. "À eux… et à ce que je ressens en ce moment."
Il resta silencieux, mais je sentis son regard peser sur moi. "Et que ressens-tu ?"
Je pris une profonde inspiration, luttant contre les larmes qui menaçaient de jaillir. "De la culpabilité. De la peur. Et… du doute. Je devrais être là pour mes enfants, Marcus. Mais j'ai l'impression de fuir."
Il attrapa mon menton, me forçant à le regarder. Ses yeux sombres étaient emplis de tendresse et de détermination. "Tu ne fuis pas, Aelynn. Tu protèges ce qui compte le plus. Et tu n'es pas seule. Nous sommes ensemble dans cette quête."
Ses paroles firent vibrer quelque chose en moi. Une chaleur douce, réconfortante, mais aussi un feu ardent. Je sentis une larme solitaire rouler sur ma joue, et il l'essuya du bout des doigts.
"Repose-toi," murmura-t-il, sa voix douce et apaisante. "Je veille sur toi."
Je laissai ma tête reposer contre son épaule, fermant les yeux, me laissant bercer par sa chaleur et la sérénité de la forêt. La fatigue finit par l'emporter, et je sombrai dans un sommeil agité, peuplé d'ombres et de visages que je devais retrouver.
Lorsque je m'éveillai, la lune brillait haut dans le ciel, et Marcus était toujours là, immobile, veillant sur moi comme il l'avait promis.