Et c'est ainsi que débuta l'enterrement de la petite Heli, à l'arrière du couvent, dans un coin assez isolé mais proche pour permettre aux sœurs de l'entretenir. Là-bas reposait les enfants dont les anciennes nonnes et les actuelles s'étaient occupés mais qui partirent dans l'au-delà bien trop tôt et pour certaines raisons : maladies, accidents, attaque de monstre. Toutefois, tous y avaient leur place et ce cimetière recueillait d'autre gens, des plus pauvres aux plus riches et allant de croyant de Lumis à Mitra. Or, élever des enfants à côtés d'un tel endroit pouvait paraître macabre, lugubre… C'est pour cela que l'endroit était entouré de haut thuya, cachant la vue. Orelia, la sœur la plus musclée, s'occupait de l'entretient de tout, allant du taillage de haie à la plantation de fleur, voulant donner de la gaieté dans le repos.
Ils se retrouvèrent donc là, Mylon, Adamantine, Elio, les Sœurs, Annie, Marlène, Roxanne et d'autres enfants qui voulurent y participer, tous autour d'une pierre tombale gravé du nom de la petite Heli. Ces enfants, conscients de l'événement, avaient eux aussi perdus leur famille et voulaient démontrer leur soutien à Annie. Chacun avait dû grandir plus vite que la normale pour survivre et voulaient respecter l'enseignement des sœurs : une vie dans le respect de la vie mais aussi de la mort.
Soeur Mésandre donna donc les sacrements, priant Stella d'accueillir son âme au ciel et Gaea d'accueillir son corps à la terre. Pendant ce temps, le cercueil fut placé dans le trou creusé devant la pierre tombale et ce, sous les pleurs d'Annie qui ne pouvait se retenir. Elle s'était agrippée à la chemise de son sauveur, Mylon. Celui-ci posa légèrement sa main sur la tête de la fillette puis donna un faible sourire, voulant la rassurer un tant soit peu.
Encore un autre enterrement, pensa-t-il. La vie est si fragile, bien que la magie existe, une fois que l'on meurt c'est la fin… Peut-être devrais-je plus la considérer ? Pour le moment, je n'ai que tenus des promesses contre mon gré, pour eux mais… Argh ! Certains n'ont pas le droit de vivre, non ! Ce qu'ils ont fais à ces personnes, ces enfants… Impardonnable. Il ne mérite que l'abysse… L'enfer serait trop doux pour ces personnes.
« Tu comprends enfin mon point de vue » intervint l'ombre dans son esprit. « Enfin, tu l'as toujours compris mais tu ne l'as jamais accepté. »
Tu te trompes, pour moi, tous les humains ne sont pas pareils. Certains sont vertueux, bon envers les autres et ne mérite point ce sort.
« Nous verrons bien le moment venu, ce n'est qu'une question de temps avant que tu ne comprennes vraiment la nature inhérente à l'homme... »
L'ombre se tue alors et disparu, scellé en Mylon. Cette fois-ci, elle ne tenta pas de prendre le contrôle ce qui le rendit perplexe mais soit : à force de sa récurrence, il ne cherchait plus à la comprendre.
Après des paroles touchantes de Mésandre, la Soeur demanda à Annie si elle voulait se prononcer. Toutefois, la jeune fille refusa, ne sachant quels mots trouver alors qu'elle continuait de pleurer. Vint donc enfin le temps de recouvrir terre le cercueil, c'est Mylon et Elio qui s'y exécutèrent. Voyant la fin approcher, ne voyant presque plus le cercueil, Annie tomba un à genou. Marlène et Roxanne vinrent la soutenir mais c'est alors qu'elle balbutia :
— Attendez, je…
Elle se rapprocha, s'agenouilla au bord du trou puis pleura :
— Heli, ta-ta grande-sœur t-t'aime ! Je, je te raconterais de jolies histoires quand on se retrouvera, je te le promets ! Je vais cont-tinuer… Je ne suis pas seule …J'ai enfin compris, ce n'était pas nous les méchantes, non. Alors attends-moi, je te promets de faire en sorte que ce soit la plus longue des attentes. Je vais travailler dur, j'achèterais un manoir, essaierais plein de joli vêtement et mènerais une vie de luxe, comme tu le rêvais ! Comme ça, je te raconterais à quoi… à qu-quoi ça ressemble !
Elle entra alors en sanglot et se fit escorter quelques mètres plus loin par Marlène et Roxanne. Ce discours décrocha les larmes à beaucoup : Elio, Adamantine, Corelia, Jeanne et les enfants. La cérémonie reprit, Elio toujours en larme, continua d'enterrer le cercueil aux côtés de Mylon qui, lui, affichait une mine sombre. Une fois terminé, les enfants recouvrir la pierre tombale de fleurs et pour finir, les quatre Sœurs énoncèrent une prière, à genou autour de la pierre. Elles firent enfin décoller une lanterne vers ce ciel bien claire, un ciel qui ne reflétais pas l'émotion du moment. Tous regardèrent la lanterne s'envoler, toujours et encore plus haut. Mésandre finit alors la cérémonie par une dernière prière :
— Va mon enfant, suit la lumière, la douce flamme de Gaea. Elle te conduira tout droit vers Stella, protectrice des étoiles et de l'âme. Puisses-tu un jour, si Stella le permet, renaître dans un cycle de réincarnation et ne jamais tomber dans l'abysse.
Tous attendirent jusqu'à ce que la lanterne disparaisse. S'installa alors un silence qui dura quelques minutes, un silence de plomb. Or il fallait avancer, Corelia et Jeanne conduisirent donc les enfants à l'intérieur où ils auraient droit à un goûter. De son côté, Elio repartit en ville pour trouver un job, un travail qui lui permettrait de vivre en attendant le tournois. Soeur Orelia s'en retourna à l'église pour commencer les réparations des murs en attendant Mylon qui devait l'aider. Soeur Mésandre, elle, attendait Annie qui se trouvait toujours devant la tombe, accompagnée de Marlène et Roxanne. De son côté, Adamantine prit Mylon et l'emmena à part, à la sortie du cimetière. Regardant de loin les jeunes filles, la jeune femme s'exprima :
— J'espère qu'elle va s'en remettre. Grâce à Marlène, ça va déjà un peu mieux…
— Huh, souffla Mylon. C'est qu'elle n'en a pas l'air mais Marlène est forte. Regarde le chemin qu'on parcourut et ce qu'elle a déjà vécu : la perte de ses amis, les attaques de monstres plus effrayants les uns que les autres, le complexe militaire Eldovarien, les inconnus qu'elle a appris à connaître…
— Que d'aventures hein…
Soudainement, Adamantine lui attrapa fermement l'épaule et prononça d'un ton plus ferme :
— Sinon… Il faut qu'on parle toi et moi.
Il ravala sa salive et écarquilla des yeux à cette remarque. Oui, c'est vrai, ils n'en n'avaient pas eu le temps d'en parler et il pouvait ressentir la tension dans l'air.
— Qu'est-ce qui t'as pris bon sang ?! chuchota-t-elle. T'en prendre à une organisation légale ! Je croyais qu'on en avait déjà parlé et que tu ne voulais pas te faire repérer. Tu sais qu'en tant que chevaleresse, je suis normalement dans l'obligation de t'arrêter ? Tu as encore agi sous le coup d'une impulsion et sans m'en parler !
— Je…
Il serra du poing, la colère montait mais il la comprenait. C'était son plus gros défaut ça, celui que sa mère lui répétait le plus souvent. Celui de foncer tête baissée et d'être impulsif quand ses émotions le gagnaient. Surtout maintenant avec l'ombre, cela devenait plus difficile pour lui de se contrôler. Il lui intima donc avec confiance :
— S'il fallait recommencer, je le ferais. Je suis désolé Ada, je voulais simplement ne pas te mêler à tout ça. C'était mon choix et aussi ma responsabilité.
— Mylon, souffla-t-elle. Ce n'est pas à toi de sauver tout le monde et il y avait certainement un moyen plus pacifique. Si tu m'en avais parler, nous aurions pu trouver une autre solution-
— Ah oui ? Et la sœur d'Annie alors ?! s'offusqua-t-il. Elle était encore en vie hier, j'avais ressenti son mana ! Il était si faible... je me devais d'agir mais même comme ça, elle n'a pas pu tenir… Regarde où cela a mené ! C'est ça ta justice ? C'est pour ça que tu te bats ? La solution « pacifique » n'est que trop lente ! Le temps que les gens changent par eux même, il sera trop tard : d'autres mourront injustement encore et encore.
Le jeune chevaleresse regarda alors le sol. D'une voix cassée, elle affirma :
— Je ne sais plus ce qui est juste ou non… Tout était plus simple avant quand je jouais la femme de fer, celle impénétrable mais juste. Celle qui respecte la loi du Royaume et se battait pour ses sujets… Mais, je souhaite vraiment changer les choses de l'intérieur. Pour cela, il me faut faire un nom, redorer le blason de ma famille et grimper les échelons. On ne peut pas simplement se rebeller comme ça, tu comprends ? C'est tout un royaume que tu affrontes sinon, regarde déjà rien que les Valkyries…
C'est alors que Mylon lui attrapa avec douceur la main pour lui affirmer :
— Je sais, je sais… Je m'en suis bien sortis sinon, non ? J'ai pris toutes les mesures pour cacher mon identité et ait essayé de faire le moins de victime pour toi et Elio. Mettons cela de côté maintenant, de toute façons, une autre personne s'est chargé des march-
— Eh bien mon toutou, les coupa une personne. Je ne savais pas que tu traînais avec une chienne de la haute société. Ce que vous pouvez être mignon, ça me donne plus envie de te ravir.
Les deux sursautèrent d'un et se retournèrent pour ne voire rien d'autre que…
— Morganna ? Encore toi ! Ne me dit pas que tu as…