Nous étions arrivés dans la salle à manger, où Eskel nous attendait et Vesemir préparait à manger. En nous voyant arriver, Eskel se leva rapidement et s'approcha.
"Comment va-t-il ?" demanda Eskel, un regard inquiet dans ses yeux.
"Il s'en sortira. Il se repose, Ciri veille sur lui," répondit Geralt, d'une voix calme, mais on sentait l'angoisse qui le rongeait.
Eskel souffla de soulagement et se rassit sur le banc qui servait de chaise à la table.
Yennefer et Triss s'assirent également, et Geralt prit place en face d'elles. Le silence pesait lourdement sur la pièce, avant que Yennefer ne brise l'atmosphère, son regard perçant se fixant sur Geralt.
"Alors, Geralt, tu nous expliques ?" demanda Yennefer, son ton direct et sans équivoque.
Geralt hésita, mais il savait qu'il ne pouvait pas rester silencieux plus longtemps. Il se sentit tiraillé entre la confiance qu'il avait en Triss et la tension non résolue avec Yennefer.
Triss, remarquant l'hésitation de Geralt, se tourna vers Yennefer, son visage toujours marqué par une certaine inquiétude.
"Yennefer, ne force pas Geralt à révéler s'il ne veut pas," dit Triss, un peu de douceur dans la voix.
"Non, Triss. On a besoin d'une explication," répondit Yennefer d'un ton plus ferme. "Ce qui vient de se passer n'est du jamais-vu."
Geralt baissa les yeux, son malaise grandissant. Il savait que toute cette histoire allait finir par exploser, mais il n'était pas prêt à tout révéler. Il hésita à parler de la situation avec Aiden. La culpabilité le rongeait, surtout avec Yennefer. Leur relation s'était finie sur des termes amers après le vœu, et maintenant, cela n'allait qu'ajouter du poids à ses doutes.
Peut-être voyant son hésitation, Vesemir intervint, cherchant à tempérer la situation, mais ses paroles n'étaient pas là pour apaiser les tensions.
"Comment pouvons-nous vous faire confiance ?" demanda Vesemir d'une voix calme, mais il y avait de la gravité dans ses mots.
Geralt leva les yeux vers lui. La culpabilité n'était pas facile à ignorer, mais il savait qu'il devait répondre.
"Comment ? Sauver Aiden n'est pas une preuve que vous pouvez nous faire confiance ?" répondit Yennefer, la frustration commençant à percer dans sa voix.
Vesemir resta silencieux un instant, son regard toujours fixé sur Yennefer. Puis il répondit d'un ton plus sombre, comme s'il pesait chaque mot.
"Nous vous remercions pour votre aide, mais cela ne veut pas dire que nous devons vous faire confiance. À travers mes années, j'ai appris que les sorciers placent souvent leurs objectifs personnels avant tout."
La tension monta d'un cran. Geralt, voyant l'échange devenir plus tendu, lança un regard vers Yennefer, avant de prendre la parole d'un ton plus sérieux.
"Vous ne pouvez pas demander notre confiance comme ça, Yennefer," dit-il, son regard froid. "Et même si vous sauvez ce garçon, ça ne nous oblige à rien. Vous n'avez pas à imposer votre vision des choses."
L'incompréhension grandir entre eux, mais Geralt savais qu'une dispute ne servirait à rien. Il fallait calmer l'atmosphère avant que ça dégénère.
"C'est bon, Vesemir, si Triss lui fait confiance alors moi aussi," répondit Geralt, en essayant de désamorcer la situation.
"Wow, incroyable, on dirait que notre relation en est là," répliqua Yennefer, un sourire froid et ironique sur les lèvres. "Je ne savais pas que tu me détestais autant, Geralt."
Geralt la regarda, les sourcils froncés, avant de répliquer :
"J'ai une bonne raison, non ? Après notre dernière rencontre."
Triss, n'en pouvant plus de cette ambiance lourde, prit la parole, essayant de calmer tout le monde.
"Ça suffit ! Geralt, Yen est ma meilleure amie, donc tu peux lui faire confiance. Et toi, Yen, ça ne sert à rien de sortir tes griffes. On parle d'un enfant, alors rangez vos conflits et pensez à lui !"
Après que Triss ait fini de nous disputer, Vesemir, avec sa sagesse , intervint pour calmer les esprits.
"Parlons calmement en mangeant."
Nous avons été servis de cerf en soupe, et voyant que l'atmosphère était un peu plus détendue, Geralt commença à expliquer.
"Aiden et Ciri, comme vous pouvez le voir, sont très proches."
"Mmh, c'est vrai. J'avais l'impression que cette petite fille allait nous attaquer juste pour avoir tenté quelque chose sur ce garçon," commenta Yennefer, un sourire amusé mais curieux sur les lèvres.
"C'est normal. Ce sont les rares survivants de l'attaque de Cintra," répondit Geralt, son regard devenu plus grave.
"Cintra ?!" Triss s'exclama, surprise. Cela faisait sens, étant donné que les royaumes du Nord méprisaient Cintra avant l'attaque, mais la destruction totale du royaume les avait tous forcés à revoir leur arrogance.
"Oui, Ciri était la princesse, et Aiden était son chevalier attitré."
"Mais leur relation va bien au-delà de cela, vu qu'ils ont passé leur enfance ensemble."
"Ami d'enfance, donc ?" demanda Yennefer, un léger sourire sur les lèvres.
"Oui. Ciri est énormément attachée à lui, étant donné qu'il est le seul proche vivant qu'elle ait. Elle a une obsession de vouloir le protéger à tout prix."
"Geralt, tu sais que ces sentiments sont très mauvais," intervint Triss d'un ton plus sévère.
"Je sais, Triss. Mais chaque fois que j'essaie de lui parler à ce sujet, soit elle s'enfuit, soit elle me dit que je ne comprends pas."
"Bon, très bien, on parle de la fille, mais ce que je veux savoir, c'est qui est ce gamin ?" demanda Yennefer, un peu plus détendue, mais toujours méfiante.
Geralt prit un instant avant de répondre. La tension était toujours là, mais il savait qu'il devait être honnête avec eux.
"Et Geralt, arrête de me regarder comme ça. Je t'ai jamais vu t'occuper d'un enfant, alors pourquoi le protéger ?" dit Yennefer
Geralt marqua une pause, tous les regards braqués sur lui. Il prit une profonde inspiration avant de répondre.
"Ciri était ma fille de cœur depuis peu, mais lorsque j'ai rencontré Aiden, j'ai eu l'impression de le connaître depuis toujours. Le lien que j'avais avec Ciri s'est un peu effacé, mais il est toujours là, bien que plus faible."
"Mais c'est surtout que les deux portent le sang ancien."
Dès que ces mots quittèrent ses lèvres, Yennefer frappa ses mains sur la table.
"Ne te fous pas de moi ! Le sang ancien a disparu depuis longtemps !" cria-t-elle, la colère se mêlant à la surprise.
"C'était ce qu'on croyait jusqu'à aujourd'hui," répondit Geralt calmement.
Vesemir se leva après ces mots et se dirigea vers un coin de la pièce. Il revint avec deux boîtes contenant des roses blanches, mais une d'elles était gelée, avec un pétale glacé et un autre blanc.
Triss, voyant les fleurs, ne put cacher son choc.
"Les fleurs du temps !" s'écria-t-elle, les yeux écarquillés.
"Oui, celles de Ciri sont les vraies fleurs du temps. Quant à Aiden, nous n'en savons rien, mais d'après les pouvoirs qu'il montre, il maîtrise la téléportation comme le sang ancien."
Un silence lourd s'installa dans la pièce, chacun digérant cette révélation. Quelques minutes plus tard, Yennefer rompit enfin le silence.
"Geralt, tu t'es mis dans une merde pas possible, tu le sais ?" dit Yennefer
"Je le sais." dit Geralt
"Non, tu ne le sais pas ! Le sang ancien est convoité pour ses pouvoirs magiques et pour ses propriétés uniques."dit Yennefer
"Les deux seront toujours en danger. On dit que c'est une bénédiction, mais c'est une malédiction."
"Geralt ?" demanda Triss, son ton plus inquiet.
"Oui, Triss ?"
"Tu veux faire d'Aiden un sorceleur à cause de ces fleurs ?"dit Triss
"Oui, entre autres," répondit Geralt, la voix grave.
"Tu es un malade, tu sais ?" lança Triss, choquée par la révélation.
Eskel, perdu, n'a pas pu s'empêcher de demander.
"Attendez, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi vous avez tous ces visages compliqués ?"
Geralt prit un moment avant de répondre, tout en regardant les autres.
"C'est parce qu'il existe un livre très ancien qui explique comment nous pourrions créer des sorceleurs avec ces fleurs, mais des sorceleurs bien plus forts que nous."
"Vous avez été créés en reproduisant cette fleur, c'est pour ça que l'épreuve fait tellement mal," expliqua Yennefer.
"Mais le problème, c'est que bien que des sorceleurs aient été créés avec cette plante, le processus, selon le livre, est cinq fois plus douloureux que l'épreuve des herbes que vous avez subies. Quand on passe l'épreuve avec cette plante, ce n'est pas juste le corps qui se reconstruit, mais la résistance au poison est améliorée, la magie devient aussi forte que celle des meilleurs sorciers. Et surtout, ils évoluent constamment, comme des vampires. Bien sûr, ce n'est pas à grande échelle, mais si tu multiplies 0.1 par 50 sur 50 ans, tu seras cinq fois plus fort qu'au début."
Un silence lourd s'abattit sur la pièce. Aucun d'entre nous ne bougeait, chacun absorbé par la gravité des mots prononcés.
-------------------------------
Dans une pièce éclairée par une seule bougie, un garçon reposait dans son lit, tandis qu'une petite fille était assise près de lui, son visage marqué par la fatigue et l'inquiétude. Ses yeux brillaient de larmes qu'elle peinait à retenir.
"Aiden, s'il te plaît, réveille-toi," murmura Ciri, sa voix tremblant légèrement.
Le silence de la pièce était presque palpable, à l'exception des bruits des larmes de Ciri, qui coulaient sans relâche. Elle ne pouvait pas s'empêcher de pleurer, même si elle savait au fond d'elle que, bientôt, Aiden allait se réveiller. Mais cette incertitude la dévorait.
"Aiden, bien que je sache que tu vas mieux, je ne peux m'empêcher d'avoir peur," continua-t-elle, son souffle saccadé par les sanglots. "Chaque nuit, je vois grand-mère. Et chaque fois que je veux m'approcher, elle s'éloigne. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à la rejoindre ? Pourquoi est-ce qu'elle s'éloigne de moi ?"
Elle se mordilla la lèvre inférieure, cherchant à contenir un autre flot de larmes, mais la douleur était trop forte. Ses yeux se fermèrent un instant, et elle tenta de se reprendre, de faire disparaître la peur qui l'envahissait.
"Je ne t'ai pas dit, mais je crois que mon vœu s'est réalisé." Elle essaya de rire pour dissimuler son chagrin, mais c'était un rire forcé, vide de joie. N'importe qui aurait pu voir à quel point elle souffrait.
Elle détourna les yeux un instant, fixant les draps de lit d'Aiden, mais elle n'arrivait pas à se débarrasser des images qui hantaient ses pensées. "Je veux tout te dire, tu sais. Le fait que je vois des scènes... des scènes avec un homme portant un casque en forme de squelette, et toi, te battant avec lui, pendant que moi... je suis là, à terre, incapable de me défendre."
Elle ferma les yeux, le cœur serré. "Tu saignais pour moi, tu te battais pour me protéger, encore et encore. Chaque fois que l'homme ou ses soldats essayaient de m'attraper, tu étais là, tu me protégeais, mais tes blessures s'accumulaient, et moi... je ne pouvais rien faire."
Un tremblement parcourut sa voix lorsqu'elle tenta de poursuivre. "Jusqu'à… jusqu'à ce que…"
Elle se mordit la lèvre, essayant de retenir ses larmes, mais un instinct étrange de Aiden lui fit poser sa main sur sa tête. Même s'il était toujours endormi, le contact apaisa un peu son esprit tourmenté.
Aiden, bien que toujours inconscient, sembla réagir à sa présence. Ciri leva la tête, les yeux remplis d'espoir, mais lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était qu'un geste automatique, elle sourit tristement.
"Aiden ?!" murmura-t-elle, mais il ne répondit pas. Elle se contenta de sourire faiblement, la chaleur de sa main sur sa tête lui apportant une sensation de sécurité, comme un petit souffle de réconfort dans cet océan de peur.
"Même blessé, tu me rassures." Ciri posa sa tête contre le drap, son corps fatigué par les heures passées à pleurer. Mais même épuisée, elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. "Cette main que tu m'as posée sur ma tête me donne un sentiment de sécurité... Je me sens moins seule."
Elle ferma les yeux lentement, sentant la fatigue envahir chaque muscle de son corps. Un dernier murmure s'échappa de ses lèvres, avant que le silence ne retombe sur la pièce.
"Aiden, je deviendrai plus forte. Je te protégerai, afin d'éviter..." Ciri ne termina pas sa phrase. Ses yeux se fermèrent complètement, son souffle régulier, se mêlant à celui d'Aiden dans un étrange silence paisible.
Petit commentaire ;)