Capítulo 38: "La situation dans laquelle tu t'es mis"
La cellule entière se mit à trembler avec une intensité progressivement croissante.
Bientôt le grondement amplifié par la géométrie du lieu emplit les oreilles de Sulk si fort qu'il ne put s'empêcher de froncer les sourcils.
"Hmm Yahzin, d'où vient ce bruit ?
- Attends un peu, ils sont bientôt là.
- Qui ça 'ils' ?" Sulk demanda.
Yahzin resta silencieux.
Il n'était pas très bavard, comme à son habitude, et avait horreur de devoir expliquer l'évidence.
Il ne jugea pas utile de répondre à Sulk alors que la réponse viendrait d'elle même quelques secondes plus tard.
En effet les vibrations s'arrêtèrent brutalement peu après.
Un bruit sourd qui semblait encore loin fit tourner la tête de Sulk.
Contrairement au grondement précédent qui semblait venir de la roche elle même, et dont Sulk ignorait la provenance, il lui sembla clair que ce son venait du couloir devant lui, du côté gauche pour être précis.
Le son était encore loin, et Sulk se rendit compte qu'un tierran mortel n'aurait pas pu l'entendre.
Sulk ferma les yeux et se concentra.
Le son venait de stopper, et les visiteurs venaient d'ouvrir une porte.
Une seconde, deux secondes,... Trente secondes.
A cet instant il rouvrit ses yeux.
De la lumière bleue crue, provenant sans doute d'un cristal plus grand que celui qu'il avait de l'autre côté de la grille, inonda peu à peu le couloir.
Sulk n'entendait pas de voix, mais voyait des ombres se dessiner sur le sol, marchant dans sa direction.
Circulant son esprit autour de lui, Sulk parvint à sentir Arch accompagnant Mujin.
Juste avant de pouvoir les voir, alors qu'il était également caché de leurs yeux, Sulk décida de jouer un peu la comédie.
Il se mordit la langue assez fort pour que ses yeux rougissent et que quelques larmes se mettent à couler, et s'accrocha désespérément aux barreaux de bois de sa cellule.
Il semblait authentiquement choqué et triste.
Aux yeux des autres, sa mère était décédée et il s'était réveillé dans une prison sombre et silencieuse où il avait passé près de vingt quatre heures seul.
Lorsque Mujin et Arch arrivèrent enfin au niveau de la cellule de Sulk, les yeux du vieil homme s'agrandirent.
Sa bouche formant un petit "o" et son regard indiquèrent immédiatement la peine qu'il ressentait.
Mujin était impassible comme toujours, mais une profonde observation aurait révélé une petite lueur particulière au fond de ses pupilles.
Il avait également de la peine pour Sulk, mais son rôle et son image l'empêchaient de l'exprimer.
Il posa à terre un énorme sac qu'il avait amené sur son épaule.
Arch prit la main de Sulk dans la sienne.
Le vieil homme avait la peau râpeuse et sentit les doigts du jeune homme se serrer autour des siens nerveusement.
Sulk était devenu très bon dans l'art de simuler ses émotions, et principalement dans l'art de paraître faible.
Arch mordit immédiatement et Mujin également.
"Sulk, mon pauvre petit... Je suis tellement désolé pour Arega... Et tu as dû t'inquiéter de te retrouver ici. C'est que Officier Mujin...
- Je devais comprendre ce qu'il s'était passé. J'ai dû parler avec mes supérieurs. Petit, je ne sais pas si tu t'es rendu compte de la situation dans laquelle tu t'es mis.
- Off-Officier, Mu-Mujin je ne comprends pas, je me suis réveillé ici, je ... quoi ... qu'est ce que.. ?"
Sulk entrecoupait ses paroles de reniflements savamment orchestrés.
"Tout le monde m'a dit que tu étais comme devenu possédé lorsque tu as vu ta mère. Arch m'a dit que c'était possible de subir une réaction violente lors d'un état de choc."
Arch hocha la tête pour confirmer les mots de Mujin.
"Le problème " Mujin continua "c'est que dans ton état de rage, tu as précipité l'officier Faryl du haut du gouffre."
Mujin soupira un instant, comme partagé entre deux émotions et ne sachant trop quoi dire.
Il ouvrit la bouche mais la referma aussitôt.
Il laissa le temps à Sulk d'encaisser la nouvelle, toujours serrant la main de Arch.
Pendant quelques temps, Sulk resta bouche bée, les yeux perdus dans le vide.
Arch murmurait quelque chose qui semblait des mots de consolation, mais que nul autre que lui ne semblait entendre.
Mujin se dirigea alors vers le côté de la grille en bois.
Passant son bras dans un trou de la roche que Sulk ne pouvait pas voir de l'intérieur, il souleva quelque chose.
Le loquet paraissait lourd à la vue de son bras se gonflant sous l'effort.
CLAC !
Le bruit du loquet libéré fit visiblement sursauter Sulk qui sembla sortir de son état de choc.
La vérité était qu'il avait observé attentivement du coin de l'œil chaque mouvement de Mujin, et semblait comprendre parfaitement le fonctionnement et le blocage de la porte.
Lorsqu'il avait pour la première fois fait le tour de la cellule, il n'avait absolument aucune idée de comment il avait été enfermé en cet endroit.
La grille paraissait avoir été construite directement dans la roche, et aucune ouverture ou joint mobile n'était visible.
Tout se clarifia lorsque Mujin se mit à décaler la lourde porte.
Le coin haut droit de la grille contenait en fait une sorte d'équerre en 'L' qui était bloquée dans la roche.
De l'extérieur Mujin l'avait décalée et était maintenant en train de traîner l'ensemble qui pivotait près de la paroi droite de l'ouverture.
Sulk trouva le système très ingénieux.
Il était certain que la porte était complètement sécurisée et qu'il était impossible d'actionner le mécanisme de l'intérieur.
Sans même le faire activement, Sulk était déjà en train de réfléchir à une manière de sortir.
La porte déverrouillée, Arch se précipita contre Sulk qu'il prit dans ses bras.
Sulk passa ses bras autour du dos voûté du vanir, et pendant un instant il ne fut plus sûr lui même de s'il jouait la comédie ou pas.
Le contact de son vieil ami de toujours qui le tenait contre lui lui fit du bien.
Mujin reposa la lourde porte et fit un signal à Arch.
Ce dernier soupira et s'exécuta.
En temps normal Arch n'aurait jamais eu le droit de visiter un prisonnier, mais étant données les circonstances, il voulait s'assurer de l'état physique et mental de Sulk.
Après un légère explication, Arch examina rapidement Sulk.
Il resta silencieux tandis que ses mains expertes constataient qu'il n'avait aucune blessure, et qu'il semblait en bon état mental, même considérant les traumas qu'il avait subi récemment.
Sulk savait pourquoi il devait être ausculté.
Il allait probablement passer un long moment dans cette cellule, et la solitude couplée à une maladie ou un état trop fragile était certaine de causer l'arrivée de la folie, ou même pire, sa mort.
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