```
Cygne ne savait pas si elle était trop lourde ou non pour son nouveau mari, mais elle était mal à l'aise et effrayée car c'était la première fois qu'elle était portée de cette manière.
Elle murmura, espérant que la bête puisse l'entendre, "V-Votre Majesté, je peux marcher toute seule. J'ai juste besoin de mes béquilles..."
"Tu es trop lente," répondit la bête. "C'est mieux ainsi."
"Mais mes béquilles..."
"Je dirai à mes aides de les récupérer avant notre départ."
"Euh... merci, Votre Majesté..." marmonna Cygne. Elle essayait de rester silencieuse car elle avait peur de mettre en colère son nouveau mari. On lui avait toujours dit de se taire car sa voix ressemblait à du papier de verre, contrairement à Aria, qui avait une voix magnifique semblable au chant d'un rouge-gorge le matin.
Cygne plissa les yeux lorsque le soleil lui frappa le visage. Lorsqu'elle ouvrit lentement les yeux, elle vit des rangées de gardes et de serviteurs alignés le long d'un tapis recouvert de fleurs. Il y avait un carrosse noir au bout du chemin fleuri, que Cygne savait devoir appartenir à la bête puisque Saint Achate n'aurait jamais créé quelque chose qui n'était pas de couleur vive.
Cependant, ce n'était pas la partie la plus préoccupante de toute cette situation.
C'était toutes les rangées de serviteurs et de gardes s'inclinant devant eux !
Cygne savait que ces personnes essayaient juste d'être polies envers le monstre qui avait tué leur roi. Ils craignaient pour leur vie, sachant qu'il avait seul massacré un peloton entier de soldats d'élite de la manière la plus mystérieuse possible.
Du moins, c'était le potin que Cygne avait entendu des servantes. Donc, ce n'était pas à elle qu'ils s'inclinaient, mais cela la mettait tout de même très mal à l'aise.
Cela lui rappelait le temps où Aria avait appelé les gardes pour l'encercler et la battre en guise de punition parce que Cygne avait accidentellement marché sur sa nouvelle robe.
Cygne se débattit un peu avant de chuchoter, "Votre Majesté, j-je peux marcher par moi-même. Je peux—"
"Soyez sage. Nous sommes presque hors de ce palais suffocant." La bête l'interrompit, resserrant ses bras autour de son corps, et la bloquant en place.
Cygne fut forcée d'enfouir sa tête, de fermer les yeux, et d'attendre jusqu'à ce que la bête entre dans le carrosse et la place soigneusement sur un siège rembourré.
Le garde ferma la porte, et il la rejoignit en s'asseyant sur l'autre siège de ce petit carrosse.
Cygne ouvrit lentement les yeux, et elle fut confrontée à son nouveau mari, qui était bandé des yeux mais semblait regarder les vues par la fenêtre.
"On dirait que vous êtes très aimée dans le palais," commenta la bête. "Il y a beaucoup de gardes déployés pour vous faire leurs adieux."
Cygne serra la vieille robe de mariée que sa défunte mère biologique lui avait transmise. Elle acquiesça, essayant de réprimer son émotion, "Oui, Votre Majesté. Je suis reconnaissante."
En vérité, Cygne savait bien quel genre de stratagème sa Reine Mère avait ici.
Elle voulait montrer que Cygne était tout aussi importante qu'Aria, la Princesse Dorée. Pour que la bête ne se sente pas comme s'il avait obtenu une version défectueuse ou pire de la princesse malgré son handicap.
Elle voulait tromper la bête, et il semblait que cela fonctionnait.
Malheureusement, la Reine Mère n'a pas pu le tromper entièrement, car malgré tous les gardes alignés depuis le palais jusqu'à la porte principale de la ville, il n'y avait pas d'acclamations de la part des citoyens. Ils s'étaient enfermés chez eux. Quelques-uns pouvaient être aperçus jetant un coup d'œil par leurs fenêtres, mais aucun n'osait sortir alors que le carrosse noir traversait la rue principale.
Cependant, de telles choses n'importaient guère pour Cygne. Elle était plutôt fascinée par tout dans la rue. Elle n'avait jamais eu le droit de quitter le palais, et passait la plupart de son temps dans sa chambre, ou autour de la cuisine pour se cuisiner si elle ne voulait pas mourir de faim.
Elle était intriguée par les rangées de boutiques de la rue principale, les statues de déesses, et aussi les rangées de décorations florales colorées sur chaque maison puisqu'ils venaient tout juste de célébrer le printemps la semaine précédente.
"Tellement beau…" murmura Cygne. Le palais avait également beaucoup de fleurs pendant les célébrations du printemps, mais la reine et le roi y organisaient alors une fête, et elle était forcée de se cacher dans sa chambre, sinon elle serait battue.
"Vous devriez savourer cette vue. Les hommes-bêtes de mon royaume n'apprécient pas les fleurs futiles comme celles-ci," dit la bête. "Nous valorisons la force par-dessus tout."
Cygne avait vécu toute sa vie dans une chambre exiguë, à peine sortant, donc elle n'était pas du tout inquiète.
C'était probablement juste son transfert d'une prison à une autre. Ce n'était pas une grande affaire.
"Je comprends, Votre Majesté. Je suis juste heureuse de voir autant de fleurs pour la dernière fois," répondit Cygne. "Tout est si beau. Je n'ai jamais su qu'il existait tant de variétés de fleurs à Saint Achate."
La bête ricana.
"Tu agis comme si tu ne les avais jamais vues. Tu es la Première Princesse de Saint Achate, tu aurais dû les voir à chaque printemps."
Cygne eut un sourire amer, mais elle acquiesça rapidement, "O-oui, je les ai vues chaque année. Je suis contente de pouvoir les voir encore cette année avant de partir."
Les lèvres de la bête se pincèrent. Cygne ne pouvait pas lire ce qu'il avait en tête, car il était bandé des yeux, mais elle supposait qu'il était contrarié, au vu de la façon dont il s'était soudain tu.
Cygne ne savait pas quoi dire, mais elle avait appris à plaire à Aria chaque jour pour préserver sa vie, alors elle posa rapidement une question simple.
"V-Votre Majesté, dois-je vous appeler Votre Majesté, Votre Grâce, ou euh… Maître ?"
La bête fronça les sourcils, "Ta mère ne t'a pas parlé de mon nom ?"
"Ah—c'est—"
Cygne était sans voix.
Cet homme avait toujours été désigné comme monstre, bête féroce ou roi des bêtes.
Il n'avait jamais été appelé par son vrai nom. Cygne n'osait pas demander non plus, car elle ne voulait pas provoquer l'ire de la Reine Mère.
"J-Je suis désolée, Votre Majesté. C'est mon ignorance. Je suis vraiment désolée." Cygne bégaya en baissant la tête.
"Tu es ignorante, en effet. J'ai étudié ton nom avant de venir, Princesse Swan Asmara de Saint Achate. Mais tu ne désires pas connaître le mien," dit la bête.
Même si elle ne pouvait pas voir ses yeux, elle pouvait sentir qu'il la toisait. L'aura qu'il dégageait était très forte et menaçante.
Cygne commença à trembler. Sa poitrine commença à se soulever à cause de l'aura étouffante de la bête.
Il fallut encore dix secondes avant que l'aura ne se dissipe, et la bête répondit, "Gale. Tu peux m'appeler par mon nom en privé."
```