章 56: Le Mont Larshen - Péril Imminent.
Le petit groupe de chasseurs dont Géandre, l'homme à la longue tresse noire, et Valshesia, la femme aux cheveux châtain courts, traquait déjà depuis plusieurs heures après le lever du soleil la piste de leur proie.
Avec eux, ils avaient pris quatre autres chasseurs qui avaient décidé de faire équipe avec eux. Une aide plus que nécessaire face à une créature que la requête affichée dans le hall de l'Association avait décrite comme étant une catégorie 10, peut-être 15.
Géandre savait qu'à lui seul, il pouvait déjà valoir 6 à 7 hommes, et Valshesia, qu'il avait rencontré il y a plusieurs mois de cela, en valait tout autant, et peut-être plus. La femme maniant la lance et la magie spatiale représentait un atout de taille dans chaque bataille, pouvant frapper à bout portant comme à distance. Il avait pu à maintes reprises observer son maniement si inhabituel de la lance, la magie spatiale mettant des années à être maîtrisée aussi parfaitement que dans le cas de Valshesia. Elle savait utiliser un mélange d'incantations et d'alchimie pour créer une magie de déplacement fulgurant à courte et moyenne distance pouvant permettre de bouger rapidement des objets inanimés d'un point à un autre, du moment que le point de départ et la destination se trouvaient dans son champ de vision.
Cependant, si Géandre avait choisi de former un duo avec elle, ce n'était pas seulement grâce à sa maîtrise d'arme. Valsh, comme il aimait la surnommer, était avare de mots – soit parce qu'elle n'aimait pas parler, soit parce qu'elle maîtrisait mal la langue commune – ce qui arrangeait énormément le jeune homme qui détestait qu'on remettre en cause sa parole ou ses ordres. Il était notable de remarquer que cette absence de mots ne signifiait pas une absence d'implication, loin de là.
Quant aux quatre autres chasseurs, ils avaient trouvé un spécialiste du combat à distance – le jet de projectiles et de pièges étant son fort – et un chasseur à lourde armure maîtrisant les sorts défensifs. Ce duo faisait déjà équipe en temps normal, ce qui leur donnait un avantage en terme de coordination et d'actions conjointes. Les deux autres chasseurs recrutés – un épéiste connaissant la magie de renforcement et ancien militaire, et une femme alchimiste – étaient aussi une bonne addition grâce à leurs talents respectifs.
Grâce à cette équipe, une requête pour un Béhémoth de rang 10 – ou 15, dans le pire des cas – serait une promenade de santé.
Ce qui laissait donc à Géandre le soin d'utiliser ses connaissances en repérage et en traque de monstres pour localiser la bête qu'ils comptaient terrasser. Un savoir-faire de pistage qu'il tenait de son village situé en pleine forêt dans le comté de Blazepan, à proximité des territoires elfes. Un village suffisamment proche de la frontière actuelle qu'il se trouvait à l'origine en territoire elfe avant l'expansion humaine d'il y a deux cent ans ; aussi Géandre avait toujours soupçonné que ces connaissances provenaient à l'origine du peuple sylvestre, et n'avait pas été développé au départ par les humains.
Il pouvait donc suivre avec aisance la piste du Béhémoth, même si la créature ne laissait plus d'empreintes de pas sur de la terre sèche, de la pierre, ou les lits des rivières, ensuivant les branches cassées ou tordues, les odeurs, mais aussi l'absence de certains animaux effrayés par le passage de la créature.
Toutefois, il avait été étonné de remarquer que des empreintes humaines avaient aussi croisé la piste du Béhémoth, ce qui incita Géandre à hâter le pas : d'autres chasseurs suivaient déjà la créature, et risquaient de leur voler leur proie.
Le jeune homme se mit donc à marcher un peu plus vite, suivi de près par la petite colonne formée par les cinq chasseurs derrière lui. Ils marchèrent ainsi pendant encore une quinzaine de minutes, Géandre ayant le regard rivé sur le sol et les traces de pas de plus en plus distantes, jusqu'à ce qu'il sente une main tirer sur le dos de sa tunique.
Il tourna la tête en arrière, et voyant que Valshesia et les quatre autres chasseurs fixaient un point élevé devant eux, il regarda devant lui et leva lui aussi la tête.
Là, sur le tronc d'un chêne, un énorme trou avait déchiré l'écorce et le bois, transperçant de part en part l'arbre.
Cependant, ce qui attira bien plus l'œil que l'énorme trou, était l'énorme tâche – comme une éclaboussure en partie effacée - qui avait obscurci l'écorce et l'intérieur du tronc.
Géandre fronça les sourcils, et sortant du sentier sur lequel ils se trouvaient, s'approcha de l'arbre avant d'y poser la main. Le liquide était sec, et le jeune homme frotta brièvement sa main, cette dernière se teintant d'une couleur rouge et marron à cause de particules s'étant disloquées à sa surface.
« Du sang séché... » Dit-il en se tournant vers le groupe et en montrant sa main.
« D'autres chasseurs ont déjà engagé le combat avec le Béhémoth ? » S'enquit la femme alchimiste.
« J'avais déjà repéré leurs traces depuis un moment, oui, » répondit Géandre. « Le sang a à peine eu le temps de sécher ici, donc ils ne doivent pas être loin. »
« Alors on a encore nos chances ? » Demanda à son tour l'épéiste.
Géandre acquiesça d'un hochement de tête, et reprit sa place en début de colonne pour continuer à suivre le sentier. Ils n'avaient fait qu'une dizaine de pas quand le jeune dresseur de monstres s'arrêta, perplexe.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda l'expert en combat à distance.
Géandre regarda les traces au sol, puis les fourrés aux alentours, les sourcils froncés par le soucis.
« Ils ont engagé le combat, mais avec les traces que je vois... » Commença-t-il à expliquer. « ils n'étaient pas à la hauteur. »
Il observa encore un peu les différentes pistes qui partaient toutes dans des directions différentes, puis se tourna vers le groupe.
« Ils se sont enfuis comme de gros trouillards, » continua-t-il avec le sourire. « Donc on a encore nos chances ! »
Le groupe fut ravi d'entendre cette bonne nouvelle, et Géandre reprenant la traque des traces du Béhémoth seul, ne put apercevoir le cadavre ensanglanté et contorsionné, caché sous des fourrés à une dizaine de mètres de là, une paire d'yeux exorbités fixant le vide.
Il mena le groupe pendant une petite minute jusqu'à atteindre ce qui semblait être devant eux le début d'une clairière.
Les arbres et les arbustes s'étaient retrouvés coupés par un rayon de soleil éclatant, à une dizaine de mètres de là ; tranchant avec la semi-pénombre dans laquelle ils avaient progressé jusqu'à présent.
« Préparez-vous au combat, » ordonna Géandre, une main sur une pochette suspendue à sa ceinture.
Valshesia sortit sa lance de son étui, tandis que les autres chasseurs préparèrent chacun leur arme ou récitèrent un enchantement ; puis le groupe s'avança avec précautions vers ce qui semblait être une zone à découvert.
Momentanément aveuglés par la soudaine forte luminosité naturelle, ils clignèrent plusieurs fois des yeux pour s'adapter au soleil, avant de pouvoir observer la large clairière où ils avaient fait irruption.
Il s'agissait d'un gros espace avec des herbes hautes et lisses, et quelques gros cailloux et rochers émergeant ça et là au-dessus des touffes vertes. Tout semblait calme, et la créature qu'ils traquaient n'était pas du tout en vue.
Le groupe se détendit un peu, déçu de ne pas être tombé directement sur le Béhémoth qu'ils cherchaient déjà depuis un bon moment.
« Cette bête a dû traverser la clairière avant de continuer à s'enfoncer dans la forêt, » déclara Géandre.
Les six chasseurs décidèrent alors de s'aventurer dans les hautes herbes, et la femme alchimiste, un peu écartée du groupe, manqua de trébucher. L'épéiste la rattrapa tout juste par le bras, et lui fit un regard réprobateur.
« Fais gaffe, regardes où tu marches ! » Lui dit-il.
« Je… Ferai attention, » dit-elle avant de baisser les yeux vers le sol.
Ses deux yeux noisette s'écarquillèrent alors de surprise et d'effroi, et elle ne put réprimer un cri avant de porter sa main à sa bouche.
Son cri interpella tous les autres chasseurs présents, qui accoururent vers le duo pour découvrir la cause de ce hurlement.
Caché par les herbes hautes, se trouvait un bras humain ensanglanté, arraché au niveau de l'épaule, et avec un regard choqué, chacun se demanda ce qui avait bien pu se passer pour causer une telle blessure.
Livide, l'alchimiste s'appuya sur l'épéiste, tandis que Géandre s'accroupit après du membre arraché.
Il observa avec attention la blessure autour de l'articulation à nu, et avec inquiétude, se passa la main sur la bouche.
« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda l'épéiste.
Avec gravité, Géandre se releva et s'adressa au groupe.
« Ce bras n'a pas juste été arraché… Ce sont des traces de dents... »
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AreeSensei Changement d'heure oblige, les chapitres sont à présent publiés à 21h, merci de votre compréhension.
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