章 12: 11/La chambre blanche de Milgram
"La théologie joue avec la vérité comme un chat avec une souris." Paul Valéry
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Kévin fut emmené de force dans une structure sécurisée loin de sa famille, le but étant de le protéger. Lui qui dans cette nouvelle ère de portails et de monstres était mort et revenu à la vie. Remettant à nouveau sur la table du monde les principes théologiques.
La théologie, étant littéralement les discours rationnels sur la divinité ou le divin, sur l'existence de dieu ou de dieux.
À travers une vitre, un homme barbu avec une blouse regardait Kévin. Qui lui était assis dans une grande pièce blanche. Autour de lui s'affairait de nombreuses personnes. Ils prenaient son rythme cardiaque, sa température et tout ses fonctions vitales.
Il l'avait emmené ici pour le protéger, mais cela n'était en réalité qu'un prétexte. Plus que le protéger il voulait l'étudier, là était leur véritable intention. Dès les premières heures où il était arrivé ici il l'ont soumis à plusieurs examens de base.
L'homme en blouse blanche regardais Kévin de manière stoïque. Il l'analysait de haut en bas, un beau et jeune garçon à la peau caramel. Les cheveux bruns et des yeux de couleur gris perçant. Le garçon ne semblait pas vouloir être ici, il s'est même plaint à plusieurs reprises. Il disait qu'il voulait voir sa famille et qu'il n'avait rien à faire ici.
Mais, eux s'en fichaient, ils n'étaient pas là pour écouter ses complaintes, ils voulaient l'étudier au plus vite. Un autre homme vint alors :
"Nous l'avons enfin professeur Juda, le miracle." Dit l'homme d'un air impatient.
Tous ces hommes ne rêvaient que d'une seule chose en voyant Kévin. Percer les secrets de l'existence humaine, à travers la résurrection. La résurrection étant le principe même de défier la mort, menant à l'immortalité.
Car à aucun moment ni lieu un tel miracle ne s'était produit. Sauf dans un endroit bien précis, ce genre d'événement ayant pris place dans la religion.
"Nous touchons avec ce garçon le concept de la résurrection des morts profondément ancré dans les eschatologies des trois monothéismes abrahamiques. La croyance en la résurrection s'appuyant sur l'affirmation centrale de la foi d'Israël en Dieu, maître de la vie et de la mort. Le Dieu du Coran comme le Dieu de la Bible est celui qui donne la vie et qui fait mourir." (Professeur Juda)
"Vous semblez vous y connaître en religion professeur." (Scientifique)
"Je suis moi-même croyant." (Juda)
"Alors pouvez-vous m'expliquer ce que vous venez de dire ?" (Scientifique)
"L'expression religion monothéisme abrahamique, désigne les trois groupes de religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam revendiquent l'héritage d'Abraham. Dans la religion chrétienne, elle concerne principalement Jésus-Christ, mort au cours de sa crucifixion. Revenant à la vie le troisième jour, selon les écritures, c'est-à-dire le matin de Pâques." (Juda)
"Et que signifie eschatologie ?" (Scientifique)
"L'eschatologie est l'ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime de l'homme après sa mort et sur celui de l'univers après sa disparition. Plus précisément l'eschatologie est le discours sur la fin du monde ou la fin des temps. Elle relève de la théologie et de la philosophie en lien avec les derniers temps, les derniers événements de l'histoire du monde ou l'ultime destinée du genre humain, couramment aussi appelée l'Apocalypse. Dans de nombreuses religions, celle-ci est un événement futur prophétisé dans les textes sacrés ou le folklore. Plus largement, l'eschatologie peut embrasser des concepts qui sont liés, tels que celui de Messie ou des temps messianiques, l'après-vie et l'âme. (Juda)
Il regarda Kévin grimacer alors qu'on lui faisait plusieurs prises de sang, qui était stockés dans des flacons.
"Vous souvenez-vous de la Grande Nuit, quand le soleil s'est effacé. Plongeant l'humanité dans les ténèbres, desquels des monstres en sont sortis. Amenés par des portails à travers le monde. À ce moment-là la plupart des gens ont cru que c'était la fin du monde. Que l'apocalypse avait commencé et que les hommes allaient tous être jugés." (Juda)
"Comment l'oublier." Frissonna l'homme.
"Dans un monde où des monstres sortent, ou des hommes peuvent tirer des éclairs de leurs mains. Nous pensions avoir tout vu, un éveillé pourrait soigner n'importe qui même dans le plus piteux des états. Mais il mourrait, même aussi puissant qu'il soit il ne pourrait ramener personne à la vie. Aujourd'hui pourtant un jeune garçon a vaincu la mort et est revenu comme le Messie de la Bible Jésus-Christ." (Juda)
"Vous voulez dire que cet enfant pourrait être une sorte d'élu ?" (Scientifique)
"Qui sait ? Cela pourrait tout aussi bien être juste un nouveau pouvoir d'éveillé." Dit-il l'air songeur.
"Ce serait incroyable, un éveillé pouvant faire revivre les morts." (Scientifique)
"Ne nous emballons pas, pour le moment commençons nos tests." Déclara-t-il en touchant la vitre devant lui, derrière laquelle se trouvait Kévin.
L'homme entra alors dans la pièce aussi blanche que la neige et s'approcha de manière tranquille de Kévin.
"Bonjour je m'appelle Juda, je suis le scientifique en charge de cet endroit." S'exprima-t-il avec un sourire.
"Si vous avez la charge de cet endroit renvoyez-moi chez ma famille." (Kévin)
"Hélas tu dois comprendre que pour ta sécurité, nous ne pouvons faire ça." (Juda)
"Pour ma sécurité ? Si des gens comme vous n'aviez pas été aussi curieux et monté tout le monde contre ma famille. J'aurais été en sécurité vous n'imaginez pas ce que des gens comme vous ont fait subir à ma famille." Lança Kévin montrant une forte hostilité.
Juda se tut un moment avant de répondre avec un petit sourire.
"Tu as raison, mais n'est-ce pas un mal pour un bien ? Tu n'as aucune idée de ce que tu représentes gamin." (Juda)
"Et vous vous n'avez aucune idée de ce que je représente pour ma famille. Un mal pour un bien vous les avez fait souffrir !" (Kévin)
"Tu sais parfois la fin justifie le moyen." (Juda)
"Vous êtes un putain d'utilitariste qui pour satisfaire sa curiosité maladive sépare un enfant de sa famille, en les faisant passer pour des monstres. En prenant le bien commun comme excuse, ainsi niant la liberté individuelle pour le bien du collectif." (Kévin)
"Tu m'as l'air d'être un garçon très intelligent." (Juda)
"Quand on est coincé sur un lit d'hôpital en attendant la mort on a beaucoup de temps à tuer." (Kévin)
"Un grand lecteur alors je vois. Alors tu connais surement l'expérience Philippa Foot toi qui parle d'utilitarisme." (Juda)
" L'expérience du train." (Kévin)
"Exactement, c'est une expérience étique et de science cognitive souvent utilisée, l'expérience se présente tel quel : Un train est hors de contrôle et arrive à un embranchement à deux voies distinctes. Sur l'une d'elles se trouve un homme en train de travailler, sur la deuxième se trouve 5 hommes. Tu es à côté du levier pouvant changer le train de direction quel serait ton choix ?" (Juda)
"La logique voudrait que je sauve les 5 hommes." (Kévin)
"Alors tu es aussi utilitariste, car cette philosophie affirme qu'il faut obligatoirement choisir la voie occupée par un seul homme. Car c'est la meilleure option morale et c'est dans ce cadre-là que nous t'avons séparé de ta famille. Tu représentes ce que les hommes recherchent depuis leur création. Le concept de revenir d'entre les morts, l'immortalité." (Juda)
"Je m'en fiche ! Et je n'ai pas répondu à votre question j'ai juste dit que la logique voudrait que je sauve ces 5 hommes." (Kévin)
"Alors quelle est ta réponse ?" Demanda-t-il intrigué.
"Je vais vous répondre en vous retournant la question, imaginons maintenant que cette seule et unique personne sur cette voie serait votre mère ? Qui choisiriez-vous de sauver votre mère ou ces 5 hommes ?" (Kévin)
L'homme regarda alors Kévin perplexe, il ne s'y attendait pas et était pris au dépourvu. Déconcerté il prit finalement la décision de répondre après quelques brèves secondes.
"Je choisirais de tout de même sauver les 5 hommes." (Juda)
"Moi j'abaisserais le levier sans la moindre hésitation pour tuer ces 5 hommes et sauver ma mère." Dit froidement Kévin.
Un léger frisson parcourut alors le corps du scientifique, regardant les yeux du garçon qui n'exprimait pas la moindre émotion. Il était certain que ce qu'il venait de dire il le ferait sans le moindre remord.
"Cela serait d'un égoïsme pur." (Juda)
"Vous, vous parlez d'égoïsme ? N'est-ce pas vous avec votre vision utilitariste et votre soif de réponse qui m'avez séparé de ma famille ? N'est-ce pas cela du pur égoïsme ? La vérité est que vous êtes un hypocrite doublé d'un idiot qui croit avoir tout compris de la vie." (Kévin)
"Je..."
"Si j'avais été votre enfant auriez-vous toléré qu'on m'emmène loin de vous ? Honnêtement je préfère pour cette expérience la philosophie objectiviste développée par la philosophe Ayn Rand. Proposant une interprétation morale précise de cette situation, se basant sur l'axiome de non-agression, principe fondamental du libertarianisme. Ce principe posant comme base morale qu'aucun individu n'a le droit de porter atteinte à l'intégrité physique d'un autre innocent." (Kévin)
"La liberté individuelle d'un seul individu ne doit pas primer sur le collectif. Si un individu en se sacrifiant peut sauver plusieurs vies il se doit de le faire." (Juda)
"Ah bon ? Et qui en a décidé ainsi ? Vous ? Le droit de disposer de sa vie comme on l'entend n'appartient qu'à soi. Seriez-vous prêt à sacrifier votre propre vie pour les autres ?" (Kévin)
Judas était submergé par ses paroles, il ne s'attendait pas à ce que cet enfant lui réponde de manière si juste et intelligente. Si bien qu'il fut accablé et répondit honnêtement :
"J'ai une petite fille et je n'aurais jamais laissé quelqu'un me l'enlever ni me dire que ma vie devait être sacrifiée." (Juda)
"Alors pourquoi l'avez-vous fait avec moi ? Tout simplement parce que je ne suis pas votre enfant et que mon sort ne vous touche pas directement. Vous pouvez ensuite justifier vos actes en vous disant que c'est pour le bien commun. Mais en réalité votre vision utilitarisme n'est qu'un acte égoïste et hypocrite déguisé, demandant aux autres des choses que vous n'accepterez jamais vous-même." (Kévin)
Une ombre noire était alors apparue dans la pièce derrière Kévin mais personne ne la remarqua. Juda lui venait de perdre toute crédibilité, sa soif de curiosité et d'égoïsme ayant été mis à nu.
Il regarda les yeux de Kévin et ses yeux gris avaient viré à un noir profond, si profond que l'homme s'y perdit. Comme un marin qui s'était perdu en mer par temps de tempête.
"Et si c'était votre fille que je mettais sur ces rails ! Oseriez-vous me dire que vous sauveriez ces 5 hommes !" (Kévin)
La chair de poule couvrit la peau de Juda, de grandes gouttes de transpiration coulant sur son visage. Dans les yeux de Kévin il pouvait voir étrangement sa fille, elle était attachée sur les rails. Elle pleurait, appelait à l'aide alors que le sol commençait à vibrer c'était le train. La jeune fille cria le nom de son père pour qu'il abaisse le levier pour la sauver et par la même occasion tuer les 5 hommes.
Juda sans la moindre hésitation s'apprêtait à tirer le levier pour sauver sa fille, il se fichait désormais de la vie de ces hommes. Mais au moment où il voulait tirer le levier une ombre noir arrêta sa main. Une ombre géante et terrifiante le recouvra l'empêchant complétement de bouger paralysé par la peur. L'ombre abaissa d'elle-même le levier mais la direction que le train a pris était vers sa fille.
Sur l'ombre, une sorte de sourire malsain et terrifiant est apparu, Juda ne voulait maintenant qu'une chose, que ce cauchemar s'arrête. Hélas, le véritable cauchemar était de voir le train se rapprocher inéluctablement de sa fille. Il a tenté de crier, mais l'ombre a couvert sa bouche. Empêchant la moindre syllabe de sortir de sa bouche, l'empêchant quasiment de respirer.
Le train écrasa sa fille avec un bruit roque et sourd pouvant réveiller un mort, tellement le son était horrible. Le son d'un corps se faisant broyer sous les roues alors que des parties du corps se sont détachées. Pour voler dans différentes directions, avec des éclaboussures de sang à de multiple endroit. La tête a atterri au pied de Juda qui regardait la tête ensanglanté et les yeux exorbités de sa fille.
"AHHHHHHH !" Cria-t-il
Juda qui était en face de Kévin tomba à la renverse terrifié, son corps baignant dans la transpiration. Il avait assisté à un spectacle si horrible qu'il commença à vomir sur le sol blanc.
Les autres scientifiques s'apprêtèrent à entrer immédiatement pour l'aider, il les arrêta avec un signe de main. Avant de se lever et quitter la pièce après quelques secondes qui plus avait permis de reprendre ses esprits.
Lorsqu'il se retrouva devant son équipe de scientifiques il leur dit :
"Nous commençons dès demain." (Juda)
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"Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés et l'hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus." Molière / François de La Rochefoucauld
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