Sulk apprit que les plantes médicinales n'avaient pas toujours la même forme, parfois la tige était utile, parfois uniquement les pétales.
Parfois l'une avait une utilité et l'autre une différente.
Il appris également que certaines plantes changeaient de propriétés après avoir été bouillies, ou réduites en poudre, et que parfois il fallait même les combiner pour avoir l'effet escompté.
Seulement trois heures étaient passées lorsque Sulk quitta l'atelier, et que Arch redescendit travailler dans les profondeurs.
Il n'avait vu avec le vieil homme que cinq objets différents, mais se sentait quand même bouillonnant de savoir.
Il avait enregistré dans sa mémoire avec précision chacun des cinq parfums, des caractéristiques physiques visuelles, ainsi que de la sensation des objets de soin dans sa main. Il était à présent sûr de pouvoir les reconnaître parfaitement, mais sa vitesse d'apprentissage le fit réfléchir.
"Si je progresse trop vite, cela peut sembler bizarre, je dois penser à l'avenir à reposer quelques questions à Arch."
Sulk était conscient qu'auparavant, lorsqu'il n'avait jamais entendu parler de magie, de méditation, ou de runes, jamais il n'aurait réussi à assimiler autant d'informations du premier coup.
Il ne devait rien laisser paraître, tout comme sa guérison miracle, il devait garder le secret.
Il marchait lentement dans les galeries, pensif, tout en maintenant sa démarche de blessé, quand il eut l'impression d'être observé.
Il ralentit et regarda autour de lui discrètement, mais rien ne semblait anormal.
La sensation lui était étrange, et pourtant ne lui faisait ressentir aucun danger, comme si c'était normal d'être observé.
Après quelques minutes rien ne se passa et Sulk finit par arrêter de regarder autour de lui. Il calma sa respiration et continua à avancer au même rythme qu'auparavant.
Quelques instants plus tard la sensation d'être épié revint.
C'était comme si quelque chose ou quelqu'un tirait une corde invisible à laquelle il était attaché. Comme si on voulait attirer son attention.
Encore une fois Sulk regarda autour de lui, mais pour ne rien trouver d'étrange.
Les galeries qu'il traversait étaient vides.
Avec toutes les capacités que Sulk avait développé, son esprit était assez flexible et puissant pour sentir le monde alentour et pour savoir instantanément dans quelle direction autour de lui venait le danger.
Il l'avait testé lorsque il avait tenu tête à Faryl et qu'il avait senti la présence de Mujin derrière l'ouverture de l'atelier.
Et pourtant cette fois-ci son esprit ne savait pas d'où venait cette sensation.
C'était presque comme si l'impression d'être observé venait de partout à la fois, ou bien de nulle part.
C'était comme si cela venait de l'intérieur...
Sulk regarda profondément dans sa conscience et comprit.
La sphère noire dont les nuages denses empêchaient de voir l'intérieur semblait doucement tourner.
Normalement lorsque Sulk était éveillé, la conscience de Yahzin était au repos.
Yahzin pouvait percevoir l'extérieur de la sphère et comprendre Sulk dans une certaine mesure, mais il ne pouvait pas interagir.
La magie de la rune l'avait laissé trop faible pour cela.
A présent Sulk discernait des mouvements imperceptibles de la masse nuageuse si sombre qu'à première vue on ne voyait même pas les différents nuages.
Cela indiquait sans aucun doute que Yahzin se réveillait peu à peu. C'était pour cela que Sulk avait la sensation d'être observé mais qu'il ne ressentait aucun danger.
Cela venait de celui avec qui il partageait son esprit, nul autre que Yahzin, le mystérieux Patriarche du temple de Silam.
Sulk ainsi rassuré continua sa route.
Il se dit qu'il devrait demander à Yahzin si ses spéculations étaient correctes à la nuit tombée.
Sulk savait que chacune de ses pensées étaient également entendues par Yahzin, même dans son état de sommeil pendant la journée.
Yahzin le lui avait dit très tôt, il pouvait lire ses pensées.
Sulk avait depuis compris lors de ses entraînements mentaux qu'il pouvait séparer son esprit de différentes manières, pour l'envoyer dans sa mémoire, dans ses sens, dans son propre corps, ou même à l'extérieur de son corps pour ressentir le monde.
Il avait encore un peu de mal à maintenir ce dernier état tout en étant éveillé et fonctionnel mais comme pour tout le reste il lui manquait de l'entrainement.
Sulk avait tiré parti de toutes ses capacités et pouvait à présent isoler une branche de son esprit comme un circuit fermé à l'intérieur de sa conscience.
Sulk imaginait son esprit comme étant comme un arbre fait de cordes.
C'était difficile à imaginer au début mais pour lui qui n'avait jamais vu un vrai arbre de la surface, c'était le plus simple.
Il imaginait comme un tronc qui découlait de sa conscience, la sphère violette grandissante, et qui ensuite partait en plusieurs branches tout le temps en mouvement.
Chacune des cordes formant des branches serpentait dans son esprit, et pouvait aboutir au monde extérieur ou à son corps, ou suivre son méridien et se frayer un chemin jusqu'à ses sens pour les augmenter.
Chacune des cordes pouvait également se séparer en multiples ficelles, qui étaient moins fortes, et plus difficiles à maintenir, mais plus nombreuses.
Et en faisant des boucles mentales avec ces ficelles, il pouvait boucler un chemin à l'intérieur même de sa conscience.
Ce n'était qu'une théorie initialement, mais Sulk avait eu l'opportunité de la tester, et il savait maintenant que cela lui permettait de penser sans que Yahzin ne puisse entendre.
Lors de la rencontre entre Sulk et Yahzin, Sulk avait pensé au début que leurs esprits étaient complètement mêlés et indiscernables, mais il avait appris avec le temps que leurs consciences étaient bien séparées, et à moins que Sulk ne l'y autorise expressément, en travaillant un peu son esprit Yahzin n'avait aucun moyen d'accéder à ses pensées profondes et sa mémoire.
Cela assurait aussi également que Sulk restât seul maître de la circulation de son esprit dans son corps et ses sens.
Yahzin ne pouvait pas prendre contrôle de son corps.
Sulk avait gardé cette information en lui, bien que Yahzin était son ami et Sulk ne pensait pas une seule seconde qu'il puisse tenter de prendre le contrôle.
La journée se termina rapidement alors que Sulk méditait silencieusement sur son lit. Bientôt vint l'heure du repas, et le moment que Sulk attendait avec impatience, l'enseignement de l'écriture à Kahn.