Devant Alice et Salvatoris se trouvait une immense porte, l'une des rares entrées de l'imposante cité fortifiée de Freim.
Le flux de passage avait légèrement diminué au-devant de ses murs, comme si l'heure d'affluence du matin était passée.
Déclara un soldat vêtu d'une brigandine et d'un surcot aux couleurs de la ville, avec en son centre un blason représentant une épée endommagée, plantée dans le sol. La brigandine était constituée d'une couche de cuire bouillie dissimulant un grand nombre de plaques de fer. Elle semblait être produite en série, de sortes que tous ses collègues possédaient la même protection, ainsi que la même courte lance que lui. Il portait également une épée sur son flanc gauche, et un imposant bouclier de sa main droite.
" Vous devez laisser vos morts-vivants à l'entrée. Un seul est autorisé par nécromancien, décret de la cité. "
Répondit Salvatoris, ne gardant qu'un homme lézard et un humain à ses côtés. Mieux valait ne pas garder deux hommes lézards afin de ne pas se démarquer.
Alice le regarda, se demandant d'abord pourquoi il gardait deux morts-vivants, avant de réaliser ce qu'il faisait.
[ Ah ! Il veut faire comprendre qu'on est deux nécromanciens.]
Le soldat hocha la tête en voyant les autres morts commencer à s'éloigner, se dissimulant non loin de l'entrée. Il était normal d'empêcher les nécromanciens d'entrer avec leurs pantins, après tout, ils étaient des armées d'un seul homme. Si il ne venait qu'à avoir plusieurs centaines de soldats ne connaissant la peur à ses côtés, et les faisaient entrer dans une ville, ils pourraient en prendre le contrôle à loisir.
Le garde tendit la main, attendant qu'on y dépose quelque chose.
Demanda Alice en penchant la tête, faisant attention à bouger le moins possible tout en dissimulant son corps sous la cape que Salvatoris lui avait donné.
"Hum, vous venez de la campagne c'est ça ?"
" Oui, je suis désolé..."
Répondit Salvatoris, gêné. Il avait l'impression d'être un ignare ne connaissant rien de son propre monde.
" Je vous demande le droit de passage, trois petites pierres d'âmes par tête. On ne peut pas laisser tout le monde entrer, vous comprenez ? "
Salvatoris hocha la tête, sortant six petites pierres écarlate de sa bourse.
Déclara finalement le garde en s'éloignant près d'un petit poste situé à deux pas de l'entrée ou ses collègues étaient stationnés. Quand celui-ci revint, il donna deux petits sceaux inscrits sur un bout de papier russe. Le sceau de la ville.
" Gardez-les précieusement, sinon vous devrez payer à nouveau l'entrée. "
Poursuivit-t-il alors qu'Alice et Salvatoris saisissait ce qu'on leur tendait. L'appréhension les gagnait. C'est vrai, si Alice ne venait qu'à se faire démasquer, comment pourraient-ils réagir afin de ne pas se faire exécuter dans la minute ?
Ignorant ce sentiment commun, tous deux entrèrent dans la ville, l'émerveillement s'emparant d'eux.
Les magnifiques bâtiments en marbre aux gravures et ornements fins étaient encore plus beaux de près. Même l'homme le plus stoïque ne pourrait rester insensible devant une telle vue. Pourtant, quelque chose manqua presque de répugner Alice, alors qu'un sentiment partagé gagnait Salvatoris. Le concept même de propreté semblait être absent de ses lieux, le sol étant maculé de déchets en tout genre.
" Que fait ce cochon dans la rue ? Et pourquoi les gens marchent autour comme si de rien n'était ?"
Dit-elle en le pointant, ainsi que ce qui semblait être ses rejets non loin de lui.
" Ah...et bien...comme les microbes et tout ce qui s'en rapproche reste inconnue, et que les cochons aident à dégager tous les déchets des rue-"
Les paroles de salvatoris furent interrompu par une femme jetant le contenu de son pot de chambre d'une fenêtre, laissant les quelques cochons alentours examiner si il y avait quoi que ce soit de comestible. Aucun d'eux ne semblait mourir de faim. Ils n'étaient même pas une poignée, en réalité il n'y en avait que trois dans leur champ de vision, mais cela n'en restait pas moins perturbant pour Alice.
" Ils...servent d'éboueurs."
Termina Salvatoris, un peu gêné d'expliquer cela à Alice. Maintenant qu'elle y pensait, c'est vrai que les rues empestaient l'ammoniaque, devant sans doute faiblir à chaque rosée du matin, ou petite pluie. Aucune bouche d'égout n'était visible. À vrai dire, si la moindre catastrophe ne venait qu'à frapper ces lieux, ou que le fleuve en son sein ne venait qu'à sortir de son lit, la ville s'effondrerait tel un château de cartes. Pourtant, elle devait être l'une des villes les plus sur de la région.
Au loin, sur une petite hauteur se trouvait le tombeau de Reiner, un château modeste étant bâti à ses abords. Il réalisai le tour de force de paraître imposant, sans pour autant voler la vedette au tombeau, bien au contraire. Ils paraissaient presque complémentaires dans ce paysage, comme une montagne au pic jumeau. Éloigné, distinct, et pourtant presque indissociable. On aurait presque dit que le château avait été bâti pour l'homme enterré dans l'imposante sépulture.
" Je m'attendais plutôt à voir les villes féeriques qu'on voyait partout avec Reiner dans des animés, pas ça... mais bon, tu as une idée de comment accéder au tombeau ? "
Répondit Alice, déçu de voir son imaginaire brisé. Cependant, Salvatoris lui répondit, sûr de lui.
" C'est bien gardé oui, mais on devrait pouvoir passer. Pour comparer la situation actuelle avec une légende que tu connais, Reiner est un peu comme Excalibur. Tout le monde essaie de le réanimer sans jamais y parvenir, mais celui qui y arrivera sera l'homme le plus influent que ce continent ait porté. En plus, ça attire les touristes et les pèlerins, donc y aller sans être suspect ne sera pas difficile. "
" Ils laissent les gens voir son cadavre, comme ça ?! "
Rétorqua Alice, sous le choc.
" Non, bien sûr que non ! Si on veut le voir il faudra trouver où est la chambre mortuaire... Où être très influent. "
" Ah, et c'est là que ça se corse, c'est ça ?"
Répondit Salvatoris, le regard fuyant.
Tous deux se dirigèrent alors en direction du centre de la ville, prenant des rues sinueuses tantôt larges, tantôt si étroites qu'il était dur de marcher. Alice essaya d'ignorer tant bien que mal les déchets que chaque commerçant jetait dans la rue sans le moindre scrupule, ou les quelques animaux ici et là. Cependant, quand ils arrivèrent devant un certain bâtiment situé dans une large rue, des hommes en armure en sortirent, provoquant un tapage.
" Maintenant qu'on est dehors, ose répéter ce que tu disais espèce d'enfoiré ! "
Lança avec un ton de défi un homme imposant et musclé, fixant un autre homme plus petit, mais néanmoins avec une musculature plus que respectable.
" Que ton crâne est aussi vide que ton talent ? Tu l'as déjà oublié ? Je ne sais pas comment tu as pu monter au rang argent...a moins que prendre des coups t'aient rendu comme ça avec le temps. "
Lança l'autre homme, faisant grogner les passants.
" Les aventuriers n'ont décidément rien dans le crâne."
" le problème n'est pas qu'ils n'ont rien dans le crâne, mais que ce ne sont que des voleurs déguisés ! "
Les deux hommes commencèrent à se battre, le plus petit sortant un imposant fléau d'armes qu'il commença à tourner. Parallèlement à son intimidation, le plus grand sortit une masse d'armes, tout aussi près à écraser son adversaire. Cependant, c'est à ce moment qu'une femme vêtue d'une armure lourde, et possédant une queue de lézard ainsi que quelques écailles sorties également du bâtiment, et attrapa d'une main les deux hommes.
" Maintenant vous allez arrêter vos conneries vous deux. On a une tribu d'hommes lézard à exterminer. À moins que vous préfériez que je vous rôtisse ici ? "
Répondit l'homme musclé, abandonnant toute idée de défi.
" Ah, ceux qui ont été parasités ? "
Lança l'autre, rangeant également son arme en chuchotant pour lui-même.
" Putain... je hais ces larves..."
Alice jeta alors un regard confus à Salvatoris, qui pointa l'enseigne du bâtiment en haussant les épaules.
{ Guilde des aventuriers. }
Elle chuchota ensuite à elle-même, s'efforçant de repousser ce sujet au fond de son esprit. Après tout, elle avait déjà vu encore plus surprenant, et avait bien plus important à faire pour le moment.
Après cette courte agitation, tous deux reprirent la toute, ne s'arrêtant qu'au moment où ils firent face au tombeau. Son entrée était gardée par deux soldats, scrutant avec vigilance les alentours.
" Nous venons rendre hommage au héros."
Annonça Salvatoris, faisant un pas de côté pour s'approcher d'Alice.
Il sortit ensuite deux des quatre petites pierres d'âme qu'il avait récupérée sur les gravecrawler, les tendant aux gardes.
Rétorqua l'un d'entre eux, ouvrant la porte.
Quand Alice, Salvatoris ainsi que leurs deux pantins furent passés, la porte se referma, laissant Salvatoris grogné en regardant Alice.
" Bon... je viens de dilapider une bonne partie de mes économies et on n'a même pas encore choisi où se loger..."
" Ils nous restent encore ce qu'on a eu sur le chemin non ? Donc ça devrait aller."
Rétorqua Alice, essayant de rassurer Salvatoris.
Devant eux s'étendait une sorte de temple manifestement ancien. La salle n'était pas si grande vue de l'intérieur, les murs étant très épais. En son centre, une statue de Reiner résidait. Au-delà de cela et des quelques meubles et offrandes, le bâtiment était vide, uniquement éclairé par des vitraux lui donnant un aura sacré. Il n'y avait pas même un humain à l'intérieur, laissant Alice murmuré en s'avançant au centre de la pièce, un léger écho se produisant à ses paroles.
" C'est notre jour de chance. "
" C'est vrai. C'est étrange qu'il n'y ait pas d'autre touriste... peut-être à cause de la guerre... "
Ajouta Salvatoris en s'avançant également, sa voix devenant plus faible vers la fin de sa phrase. Ils cherchaient tous deux une porte, ou quelque chose s'enfonçant sous terre. Après tout, la surface des tombeaux était rarement là où les morts étaient entreposées, surtout si c'est également un lieu de visite.
Quand Alice trouva une porte de marbre, à peine visible grâce à quelques gravures, elle appela Salvatoris. Les deux se jetèrent un regard, avant de s'aventurer dans la pièce dissimulée par la porte. Une fois un long escalier passé, une autre porte s'opposa à eux, puis, un sarcophage étroitement fermé. Si le corps de Reiner n'y reposait pas, alors jamais ils ne pourraient le trouver. La pièce était sombre, et les décorations qu'elle comportait étaient recouvertes de poussière, masquée par l'obscurité. C'était comme si personne n'était entré depuis un moment.
Le moment était venu. Salvatoris, avec une concentration visible, s'approcha du sarcophage. Un silence s'installa dans la pièce tandis qu'il examinait le lieu de repos de Reiner. Mais alors qu'il soulevait délicatement le couvercle, le temps sembla ralentir, et Alice sursauta d'incrédulité.
Reiner, non, la peau de Reiner. Elle était intacte, comme si il dormait. Son corps était parfaitement préservé. Même Salvatoris ne put retenir sa surprise en voyant le corps. Toutefois, c'était pour une autre raison. Une aura sombre s'en échappait. Seuls les nécromanciens pouvaient la déceler, cependant, il était sans doute le seul à pouvoir l'identifier réellement. C'était l'aura de l'hybride. Jamais son pouvoir n'avait quitté Reiner, confirmant la supposition d'Alice.
" Je...tu sais, j'y ai réfléchi mais... est-ce vraiment une bonne idée de le ramener ? Je veux dire...enfin..."
Balbutia Alice, incertaine. Peut-être que ramener Reiner n'était pas une bonne idée après tout ?
" Je le pense. Je l'ai déjà dit mais... à aucun moment il avait été contre l'idée que l'hybride l'ait réanimé. Ils voulaient tous vous protéger..."
Répondit Salvatoris en faisant signe à son mort-vivant humain d'approcher. Bientôt, il échangea ses vêtements avec ceux de Reiner, usant de l'armure décrépit du mort pour masquer Reiner. Alice n'avait pas dit un mot tout du long, réfléchissant. Elle mourrait d'envie de parler à nouveau à Reiner, mais Mélissa avait mis le doigt sur quelque chose de juste. Est-ce réellement bon de le faire revenir ?
Faisant fi de cela, elle secoua la tête. Si il y avait un moyen de le sauver, même des millénaires plus tard, bien sûr qu'elle le ferait !
" Je devrai pouvoir manipuler son corps assez longtemps pour sortir de la ville, mais..."
Salvatoris coupa seul sa phrase, fixant à la place Alice.
" Dans ce cas, on fonce. "
Rétorqua-t-elle, déterminer. Elle aida même Salvatoris à échanger de place les deux cadavres. Cependant, quand elle vit le corps de Reiner se lever et le visage concentré de Salvatoris, elle ne put retenir une question.
" Tu es sûr que ça va aller ? C'est quand même toi qui fais bouger son corps..."
Répondit Slavatoris, quittant précipitamment le bâtiment, puis la ville. Tous deux prirent soin d'éviter au maximum les autres, traversant rapidement et silencieusement les rues, avant de finalement se stopper dans les bois qui bordaient la ville. Ils y récupèrent assez vite les quelques pantins qui les attendaient. Puis, Salvatoris posa délicatement le corps de Reiner au sol avant de s'effondrer, la respiration lourde et irrégulière.
" Salvatoris, t'es sûr que ça va ? "
S'exclama Alice en allant vers lui.
" Oui...Je me repose juste un peu. Contrôler deux corps en même temps était plus éprouvant que ce que je pensais."
Rétorqua Salvatoris en se redressant. Il se dirigea vers Reiner, l'anticipation grandissant en lui à mesure qu'il avançait. Toutefois, il s'arrêta une fois devant le corps, regardant Alice en quête d'une approbation définitive.
" Bon, je vais commencer. "
Alice prit une grande inspiration, hochant la tête d'un air tendu. Puis, de long fils noir composé de la magie de Salvatoris commencèrent à entrer dans le corps de Reiner. Cependant, une imposante lumière violacée sembla dévorer l'endroit, ne laissant Salvatoris pensé qu'une seule chose.