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18.18% Les gardiens de Valinor (Tome 1): Maudite lame. / Chapter 4: CHAPITRE 3 CURIOSITÉ

Bab 4: CHAPITRE 3 CURIOSITÉ

 

Eowyn était abasourdie par la réaction d'Adrien. Il l'évita le plus possible après l'incident du sac. Elle ne comprenait pas ce qui avait pu lui faire peur à ce point, même si elle soupçonnait le fait qu'il soit au courant de ses dons de sorcière. Comment avait-il compris ? Qu'est-ce qui l'avait mis sur la voie ? Le carnet ! C'était en voyant le vieux carnet de sa grande tante qu'il avait réagi. Pourtant mis à part quelques symboles sur sa couverture, il n'avait rien de particulier.

Eowyn sorti de son sac le carnet pour la centième fois depuis la semaine dernière. L'essentiel de ces symboles était des runes : Gebo, Jera, Perthro, Elhaz et Tiwaz, symbolisant respectivement le don, le cycle des saisons, le destin, la protection et le sacrifice.

Elle relut le passage sur les runes dans le carnet. Le paragraphe sur Perthro attira son attention :

« Il s'agit de la rune la moins définie, elle représente le destin, les jeux de hasard. Elle signifie qu'il faut être prêt et tenir avantage de notre destin. Sous un autre aspect, elle nous dit que quelque chose est sur le point d'être découvert : un secret ou un objet que l'on croyait perdu. »

Se pourrait-il qu'elle était destinée à rencontrer Adrien ? Qu'il cache un secret ? Quand elle lui avait posé la question sur le sixième sens, Yohan s'était montré hésitant. Pour lui la décharge électrique pouvait s'expliquer rationnellement, de même que la peau glacée, contrairement à son attraction pour le jeune homme. Il avait semblé amusé par les questions d'Eowyn, comme si elle était la source d'une plaisanterie, dont elle ne saisissait pas la chute.

Plus tard, elle avait réalisé qu'il pensait qu'elle avait des sentiments pour Adrien. C'est vrai qu'il avait un physique agréable, elle pouvait même dire qu'elle le trouvait mignon. Elle avait alors douté, peut-être se faisait-elle de fausses idées après tout. Elle avait continué sa drôle de routine avec lui, passant toutes ses pauses en sa compagnie, sauf le midi, où il restait avec cette pimbêche d'Éris. Elle avait compris que c'était surtout la compagnie de Romain qu'il appréciait, il n'empêche qu'elle ne pouvait s'empêcher de pester contre le petit lutin maléfique qui interférait dans sa relation avec lui…

Enfin, si relation il y avait, parce qu'ils n'échangeaient presque aucunes paroles, mis à part quelques banalités… Bref, ils en étaient au point mort point de vue dialogue, quand il cessa brutalement de la fréquenter à la suite de l'incident de la calculatrice. Elle eut à nouveau l'impression d'être une pestiférée. Sachant qu'elle fréquentait le CDI, il arrêta d'y passer ses récréations, il ne s'assit plus à côté d'elle dans le bus, ne lui adressant même plus la parole.

Eowyn était déçue, mais surtout décidée à comprendre la raison de ce revirement. Puisqu'il l'évitait au maximum au lycée, alors c'était chez lui qu'il fallait tenter une approche. Elle rangea son carnet dans son sac et sortit de chez elle en direction de la rue où il habitait. Il n'y avait pas de voiture devant la maison du jeune homme. Ses parents n'étaient pas encore rentrés, ce n'était pas plus mal ! Elle ne savait pas si ses parents étaient aussi au courant de l'existence de la magie.

Elle s'apprêtait à taper à la porte quand un mouvement à l'arrière la maison arrêta son geste. Elle vit distinctement un gobelin sortir de l'abri de jardin sur le côté de la maison. Ni une, ni deux, elle courut vers lui. Tournant vers elle son crâne en forme d'œuf, la créature tenta de déguerpir. Mais les enjambées d'Eowyn eurent tôt fait de rattraper la petite créature.

Il devait faire cinquante centimètres à peine, ses oreilles pointues et tombantes sur le côté, étaient décorées de multiples anneaux de métal. Ses habits de coton et de lin étaient en lambeaux. Il transportait un grand sac en toile de jute visiblement très lourd. Le poids de ce sac avait d'ailleurs grandement permis de rattraper le gobelin, le gênant dans sa fuite.

— Eh toi ! le héla Eowyn

— Tu me vois ? couina l'affreuse créature

— Je vois surtout que tu es un voleur ! cracha la jeune femme

— Ils n'en ont pas besoin, cela traîne dans les cartons depuis plusieurs mois.

— Comment le sais-tu ?

— J'ai vu la couche de poussières. Et puis l'odeur est faible à sa surface. Cela fait longtemps que personne n'a touché à ces objets.

— Je ne veux pas le savoir, rends-les-moi, ce n'est pas à toi. Je vais les ramener à leurs propriétaires.

— Eowyn ? appela une voix masculine derrière eux

Elle se tourna pour faire face à Adrien qui la regardait, ahuri, de son balcon. À la réflexion, ce n'est pas elle qu'il regardait, mais la petite créature qui s'enfuyait à toutes jambes, laissant son butin derrière elle. Eowyn s'approcha du balcon où Adrien se tenait toujours, sous le choc.

— Je crois que tu me dois des réponses, dit-il d'une voix sourde

Elle acquiesça d'un mouvement de tête, balança le sac en toile de jute sur son épaule et se dirigea vers la porte de la maison. Le salon était spacieux, décoré dans un style asiatique et épuré. Les murs blancs étaient ornés de cadres en bois pâle. Des plantes d'intérieur étaient la seule touche de couleur dans ce décor minimaliste. L'ajustement des meubles et des rares bibelots donnait une impression d'espace et de sérénité.

Adrien lui proposa une chaise, puis à boire. Elle accepta la première offre et refusa la suivante. Rien ne pourrait passer par son estomac à ce moment-là. Elle pressentait qu'ils se trouvaient à un tournant dans leur relation. Lui aussi semblait nerveux. C'est elle qui rompit le silence.

— Donc tu as un gobelin qui hante ton jardin… commença-t-elle

— Un quoi ?

— Un gobelin … La créature à qui tu m'as vu parlé tout à l'heure.

— C'est comme ça que cela s'appelle ? 

Il la regardait maintenant avec gêne. Elle interpréta cela pour de la prudence.

— Tu sais que tu peux me parler en toute confiance, cela fait 6 ans que je vis ce genre de choses, le rassura-t-elle.

— 6 ans ?! Pour moi, les choses bizarres ont commencé il y a 4 ans, mais j'évite les situations pouvant provoquer des récidives.

— Oh ! Alors je suppose que c'est normal que je ne t'ai pas encore croisé à Valinor.

— Où ça ?

— Dans le monde de la magie… Valinor… C'est son nom. Tu ne pratiques pas …la magie ? Pourtant tu as des capacités, puisque tu vois les créatures surnaturelles comme les gobelins.

— Je n'ai aucune idée de ce dont tu me parles, mais toi, tu peux m'expliquer comment tu as fait apparaître ce tatouage sur mon avant-bras ? 

À ces mots, il retroussa sa manche, dévoilant les traits noirs dessinés sur sa peau. Eowyn écarquilla les yeux. Les spirales de style tribales étaient décorées de runes et d'idéogrammes japonais, un dragon ailé crachant du feu occupait la majeure partie du tatouage. Elle tendit ses doigts, effleurant le dessin. Elle ressentit alors une chaleur intense, mais agréable au bout de ses doigts. Le tatouage sembla vibrer à son contact. Les ailes du dragon frémirent et les yeux d'Adrien passèrent du bleu-vert au doré durant quelques secondes. Eowyn retroussa sa manche, dévoilant ce qu'avait deviné le jeune homme.

Son tatouage à elle, était en train de se dessiner, bien plus imposant que celui qu'elle venait d'effleurer. Des mots en latin, des runes et des kanji décoraient des arabesques fines et compliquées et en avant-plan, il y avait un tigre majestueux. Une couronne, ainsi qu'un nombre et des dessins de pierres précieuses étaient logés au creux de son coude. Une épée finement décorée barrait son poignet.

Lorsqu'elle leva les yeux et croisa le regard d'Adrien, elle lut la même peur qu'au moment de l'incident. Bien sûr, il avait reconnu les runes de son tatouage sur la couverture du carnet et sur son tatouage à elle. Mais Adrien ignorait qui il était avant de la rencontrer. C'est son contact, qui avait provoqué l'apparition du tatouage magique, symbole de leur appartenance à la communauté secrète. Communauté, dont il ne connaissait même pas l'existence avant aujourd'hui. Elle soupira. Oui, elle lui devait des réponses.

***

Elle lui tendit le sac en toile de jute. Il l'attrapa et sortit un tas de vieilleries qui avaient appartenu à sa grand-mère. Il tiqua sur une coupe présentant les mêmes symboles que sur son tatouage. Qu'est-ce que cela voulait dire ?

— C'est la rune nommée Gebo, lui expliqua Eowyn. Elle désigne le don, l'héritage. Il y a des sorciers dans ta famille, ces vieux objets en sont la preuve.

— Mes parents ne pratiquent pas la magie...

Il s'interrompit, hésitant.

— Je le saurais.

Tout à coup, il n'en était plus si sûr.

— Probablement, sinon ils t'auraient parlé de notre communauté. Les miens non plus ne sont pas des sorciers. C'est un don que l'on a, ou pas, à la naissance et qui se déclenche à l'adolescence le plus souvent. C'est mon maître qui m'a expliqué les choses étranges que je voyais ou qui se passait autours de moi.

— Ton maître ?

— Mon maître en magie, celui qui m'a appris à me servir de mes pouvoirs.

— Alors ça peut se contrôler ?

— Bien sûr ! 

Eowyn sembla tout à coup curieuse.

— Qu'es-tu capable de faire ? 

Il hésita. Etait-il prêt à lui avouer la raison de son déménagement. Pourquoi tous ses anciens camarades de classe l'avait traité en paria après l'incident. Pourtant, s'il y avait bien quelqu'un qui pouvait le comprendre c'était elle. Il se lança, hésitant.

— Je peux mettre le feu aux objets quand je me mets en colère. 

— Oh !!! 

Maintenant la jeune fille écarquillait les yeux.

— Et personne ne t'a appris à contrôler ton élément ? J'imagine qu'il y a dû avoir des accidents ?

Il grinça des dents… Juste un gymnase de brûler… Il avait été soupçonné un temps, mais comme il y avait plusieurs personnes à l'intérieur ce jour-là et qu'aucune allumette, ni aucun briquet n'avait été trouvé sur lui, aucune charge n'avait été retenue, ce qui n'avait pas empêché les rumeurs d'aller bon train au vu de son comportement coupable et il s'était vite retrouvé exclu de toute activité sociale. Ses parents également, ce qui avait eu pour conséquence de les pousser à changer d'horizon. Aujourd'hui, ils devaient prendre un nouveau départ et cet incident revenait le hanter. Il soupira.

— Il y en a eu un. Ça aurait pu être grave, mais il n'y a pas eu de blessés

— Et personne ne t'a expliqué comment éviter que cela ne se reproduise ?

— Qui donc ?

— Les membres de notre communauté !

— Il y en a beaucoup ?

— Plus que tu ne l'imagines je pense. J'appellerai mon maître tout à l'heure et je discuterai de ça avec lui quand j'aurai passé le portail magique, ce soir. Il saura trouver une solution pour t'aider. 

C'était maintenant Adrien qui la regardait avec des yeux ronds. Un maître ? Une communauté de sorciers ? Un portail magique ? Mais dans quel guêpier était-il tombé ?

Eowyn passa l'heure qui suivit à lui parler du monde magique, un monde parallèle, créé par Merlin lui-même, à la demande de la fée Morgane. Il n'était pas prisonnier de ce monde parallèle, comme le laissait supposer le mythe, il ÉTAIT le monde parallèle. Un monde accessible aux sorciers tous les soirs à une certaine heure, vingt-deux heures en France, via un portail magique.

L'heure de passage dépendait bien sûr de la localisation dans le monde du portail. Les sorciers, qui le souhaitaient, pouvaient ainsi passer soixante-douze heures parmi leurs semblables afin d'apprendre, de pratiquer et d'échanger sur la magie, avant de revenir dans le Vieux Monde. Durant ces trois jours, le temps se figeait dans celui-ci et ne reprenait son cours qu'à l'échéance des soixante-douze heures.

C'était aussi l'occasion de ramener et de piéger dans ce monde magique fermé des créatures potentiellement dangereuses pour le commun des mortels, tels les orques, les loups garous et autres vampires, qui existaient bels et bien ! Plus Eowyn lui en apprenait, plus il avait l'impression de flotter. Ses oreilles commençaient à siffler et la tête lui tournait. L'état de choc n'était pas loin. Elle s'en aperçut et lui prit la main. Le contact de sa peau glacée eut pour effet de le ramener à la réalité.

— Tu as les mains si froides, constata-t-il.

— Toi aussi, répliqua-t-elle, c'est probablement à cause du contrôle que l'on doit exercer sur notre élément. Du moins, c'est la théorie de mon maître.

Devant l'incompréhension du jeune homme, elle expliqua :

— Les 5 éléments sont présents en nous et chacun de nous est plus sensible à l'un des éléments. Toi et moi, c'est le feu. Nous pouvons en déclencher un par simple contact. Nous sommes donc obligés d'empêcher le feu d'atteindre nos paumes afin de ne pas provoquer de catastrophes. Or, il nous permet aussi de nous réchauffer, séquestrer l'âtre en dehors de nos membres, empêche nos extrémités de garder une température stable. Notre peau a donc tendance à prendre la température de l'environnement qui nous entoure.

— Attends ! … Tu veux dire que … toi aussi … tu peux mettre le feu aux objets ?!

Eowyn sourit sans répondre. Elle tendit le doigt vers une des bougies présente sur le centre de table de la salle à manger et une flamme apparue au niveau de la mèche. Il en resta bouche-bée.

— Je peux t'apprendre, lui dit-elle en souriant. Voudrais-tu venir avec moi ce soir. Je veux dire, voudras-tu passer le portail ? 

Il ne mit pas longtemps à se décider et acquiesça vivement.

— Je passerai te chercher à 21h45, lui dit-elle

— Mes parents ne me laisseront jamais sortir à cette heure-ci.

— T'inquiète pas je passerai par la porte-fenêtre de ta chambre et tu n'auras pas besoin d'en sortir ! affirma-t-elle.

Il était intrigué. Où était donc ce fameux portail ? Il lui faudrait attendre jusqu'à ce soir pour le savoir. Eowyn lui apprit que ses parents voulaient qu'elle soit rentrée avant dix-neuf heures et elle avait juste le temps de retourner chez elle avant l'heure fatidique.

— Prépare un sac à dos avec quelques affaires pour trois jours.

Quand il s'enquit du temps là-bas, elle lui répondit qu'il allait faire beau et environ quinze degrés Celsius.

— N'oublie pas de laisser ta porte-fenêtre ouverte ! lui dit-elle en partant.

Il la regarda s'éloigner sourire aux lèvres. Il se rendit compte que lui aussi souriait…


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