La nuit était épaisse, enveloppante. Les étoiles scintillaient faiblement au-dessus d'Aniaba, tandis qu'il fixait l'horizon. Le sable froid de la plage collait encore à sa peau, mais il n'était plus le même homme qu'avant. Sa poitrine se soulevait lentement, révélant un souffle profond et régulier qui contrastait avec la douleur qu'il avait connue avant de mourir. Ou plutôt, avant de renaître.
Autour de lui, il n'y avait que l'inconnu : à l'est, une forêt dense dont les ombres semblaient se mouvoir avec une vie propre. Au nord, les vagues incessantes de l'océan. Et tout autour, un silence étrange, presque surnaturel, comme si le monde retenait son souffle. Même le bruissement des feuilles semblait étouffé, laissant Aniaba seul avec ses pensées.
Aniaba était seul. Aucune arme, aucun outil, rien d'autre que ses mains, son esprit, et le poids écrasant des mots du Baron Samedi : **« Libérer cette île. »** Il ne savait pas par où commencer, ni contre qui il devait se battre. Et pourtant, une détermination froide, alimentée par sa rage et son devoir, l'animait.
Il fit un pas vers la forêt. Chaque mouvement était fluide, plus rapide qu'il ne s'y attendait. Son corps répondait avec une précision presque surnaturelle, mais cela le troublait autant que cela le rassurait. Une force qu'il ne comprenait pas vibrait en lui, comme une rivière glacée coulant dans ses veines. Il se souvenait des paroles du Baron :
— **Tes blessures ne te ralentiront plus. Ton corps guérira rapidement. Tu es plus rapide, plus fort, et les morts t'écouteront.**
Mais comment utiliser ces dons ? Et pourquoi lui ? La forêt semblait attendre qu'il réponde à cette question.
Tandis qu'il s'enfonçait dans l'ombre des arbres, Aniaba sentait chaque bruit autour de lui. Le craquement d'une branche, le bruissement des feuilles, le lointain cri d'un animal nocturne — tout était amplifié. Ses sens, décuplés, captaient chaque détail, mais cela ne le rassurait pas. Il se sentait comme une bête traquée, toujours sur le point de fuir ou de frapper. Chaque ombre devenait une menace potentielle, chaque souffle de vent un murmure présageant un danger caché.
Après plusieurs heures à avancer dans l'obscurité, il arriva à une clairière. La lune, haute dans le ciel, baignait un vieux temple en ruine d'une lumière argentée. Les colonnes de pierre, ététées par le temps, étaient couvertes de vignes épaisses et de mousse. L'endroit semblait avoir été abandonné depuis des décennies, mais une énergie y régnait, une présence à la fois mystérieuse et oppressante.
Aniaba s'approcha avec prudence. Chaque pas qu'il faisait semblait résonner dans un silence profond. Les marches moussues menant à l'entrée étaient à peine visibles sous la végétation, mais il gravit chacune d'elles avec une résolution nouvelle. Lorsqu'il entra, une étrange sensation l'envahit, comme si des yeux invisibles l'observaient depuis les ombres.
Une voix grave et familière résonna alors dans son esprit, coupant net le silence.
— **Bienvenue, Main des Loas. Tu cherches des réponses, n'est-ce pas ?**
Aniaba sursauta. La voix était celle du Baron, mais il n'était pas là. Le temple semblait vide, à l'exception d'une vieille pierre centrale gravée de symboles étranges qu'Aniaba ne reconnaissait pas. Des spirales, des lignes courbes, et des motifs rappelant les traditions anciennes.
— Qu'est-ce que ce lieu ? demanda-t-il, sa voix résonnant dans le vide comme un écho qui refusait de disparaître.
La voix du Baron éclata de rire, moqueuse mais non sans une pointe de mystère.
— **Un sanctuaire oublié. Un lieu où les esprits errent encore, attendant un guide pour les réveiller.**
Aniaba s'agenouilla devant la pierre, ses mains touchant les gravures avec une révérence instinctive. Une énergie froide parcourut ses doigts, semblable à celle qu'il avait ressentie lorsqu'il avait saisi la main du Baron. Les symboles commencèrent à luire faiblement, projetant des ombres mouvantes dans la pièce, comme si les murs eux-mêmes respiraient.
— Que dois-je faire ? murmura-t-il.
La voix du Baron se fit plus douce, mais non moins menaçante.
— **Apprends à les écouter, prince. Chaque mort a une histoire, un secret. Mais tous ne te diront pas la vérité. Utilise ton intelligence, ta force, et ta rage. Ce monde est cruel, et tu dois l'être davantage.**
Aniaba se releva, les poings serrés. Il ne comprenait toujours pas pleinement ses pouvoirs, mais il savait une chose : il était vivant, contre toute attente, et il avait une mission. L'île était grande, les oppresseurs nombreux, mais il était prêt à commencer, même seul.
En quittant le temple, une détermination froide brûlait en lui. Ses sens le guidaient à travers la forêt, ses pas devenant plus assurés. Chaque bruit, chaque mouvement dans l'ombre semblait moins effrayant. Sa respiration s'était calmée, et une certitude nouvelle s'était ancrée dans son esprit : il n'était pas qu'un survivant. Il était un émissaire, une arme, un prince revenu d'entre les morts pour réclamer ce qui lui était dû.