La forêt était dense, presque suffocante. Les ombres dansaient entre les arbres sous la lumière tremblotante de la lune, et le silence était brisé uniquement par les aboiements des chiens et le fracas des branches brisées. Marie-Louise courait, ses pieds nus s'écorchant contre les racines et les pierres, mais elle n'y prêtait aucune attention. La peur accaparait tous ses sens. Elle tenait fermement dans sa main un petit grigri attaché à une cordelette, le dernier vestige de protection que sa grand-mère lui avait offert.
Sa respiration était haletante, ses yeux cherchant frénétiquement une issue dans cet écrin d'ombres mouvantes. Les voix des hommes se rapprochaient. Elles étaient grossières, teintées d'une légère ivresse et d'un plaisir sadique. Marie-Louise savait que s'ils la rattrapaient, ce ne serait pas seulement la mort qui l'attendait. Une branche à hauteur de visage lui fouetta la joue, laissant une entaille fine. Elle chancela, mais continua, les jambes prêtes à céder sous l'effort.
Derriere elle, les hommes armés riaient, s'encourageant les uns les autres à aller plus vite.
— Attrapez-la, sinon elle va nous filer entre les doigts ! rugit l'un d'eux, un colosse à la voix rauque.
Un autre, plus maigre, ricana.
— T'inquiète pas, elle ira pas loin. Les chiens la flairent. Pas vrai, les gars ?
Les autres répondirent par des hurlements de rire. L'un des chiens aboya violemment, indiquant que la proie était proche. Marie-Louise s'arrêta un instant, le souffle coupé, priant en silence.
« Loas, aidez-moi… » pensa-t-elle, ses yeux se remplissant de larmes. Mais aucune aide divine ne semblait venir.
Elle fut rapidement encerclée. Les hommes, au nombre de cinq, étaient sales, leurs habits déchirés et leurs visages marqués par des vies de violence et de débauche. Le colosse à la voix rauque éclata d'un rire tonitruant.
— Alors, petite souris, on pensait pouvoir nous échapper ?
Marie-Louise recula, mais ses jambes tremblaient. L'homme maigre s'approcha, un sourire malsain étendant ses lèvres.
— Elle est mignonne, hein ? C'est à toi, Jacques. On sait que tu les aimes… à peine sorties de l'œuf.
Les autres ricanèrent, à demi-dégoutés, mais ils ne firent rien pour arrêter leur camarade. L'un d'eux cracha par terre.
— Franchement, Jacques, t'es qu'un sale pervers. Moi, j'préfère quand elles crient un peu plus fort.
Jacques ignora les remarques, ses yeux fixés sur Marie-Louise. Elle recula encore, mais se heurta au tronc d'un arbre. Il s'approcha lentement, un rictus dément sur le visage.
— Allez, ma jolie, ne rends pas ça plus difficile que ça ne doit l'être, murmura-t-il, tendant la main vers elle.
Marie-Louise cria, mais aucun son ne pouvait percer l'indifférence de la forêt ou la cruauté des hommes. Jacques attrapa son bras, mais à cet instant, un bruit sourd éclata à travers la clairière. Les chiens cessèrent d'aboyer, leurs oreilles se dressant.
Un éclair de mouvement traversa l'obscurité, et avant que quiconque ne puisse comprendre, le colosse fut projeté contre un arbre avec une force qui fit craquer le bois. Le silence tomba sur le groupe, suivi d'un hurlement de douleur. Aniaba émergea des ombres, son regard flamboyant d'une rage presque surnaturelle. Sa silhouette imposante était baignée par une lumière froide, et une aura terrifiante semblait émaner de lui.
— Relâchez-la, gronda-t-il, sa voix vibrante d'une autorité implacable.
Jacques recula instinctivement, son instinct lui criant qu'il était face à quelque chose qui dépassait l'humain.
— T'es qui, toi ? grogna un autre, levant son arme rudimentaire.
Aniaba ne répondit pas. En une fraction de seconde, il était sur lui, saisissant le canon de l'arme et la brisant comme si elle était faite de bois sec. Puis sa rage se déchaîna. Il était un ouragan de violence pure, frappant avec une précision brutale et une sauvagerie sans bornes. Chaque coup était un cri de vengeance incarné, chaque ennemi une victime expiatoire.
Jacques fut le premier à goûter à cette fureur. Aniaba attrapa sa jambe et la tordit dans un angle grotesque, provoquant un hurlement à glacer le sang. Sans attendre, il le jeta contre un rocher, son crâne se fracassant avec un bruit sourd. Le sang éclaboussa la clairière, et les autres reculèrent, horrifiés.
L'homme maigre tenta de fuir, mais Aniaba le rattrapa en un bond. Il le saisit par les cheveux et, avec une force terrifiante, le projeta au sol. Les hurlements se turent rapidement lorsque le pied d'Aniaba s'abattit sur son thorax, le broyant dans un craquement sinistre.
Le dernier homme, paralysé par la peur, leva les mains en signe de reddition. Mais Aniaba ne connaissait ni pitié, ni rémission. Il le saisit à la gorge, le soulevant du sol comme un pantin. Ses yeux étaient désormais voilés par une rage sanguinaire, et un rictus cruel déformait ses traits. Puis, avec une lenteur sadique, il sortit un sabre rudimentaire qu'il avait arraché à l'un des hommes plus tôt. Sans un mot, il planta la lame dans le ventre de sa victime, la faisant pénétrer lentement. L'homme se débattait, ses yeux exorbités par la douleur, tandis qu'Aniaba poussait la lame vers le côté, déchirant les chairs et brisant les os. Des hurlements à peine étouffés s'échappaient de sa gorge broyée, un son glaçant même pour les ombres environnantes. Aniaba continua jusqu'à ce que le contenu des entrailles de l'homme se déverse sur le sol, une mare sanglante tachant la clairière. Ce n'est qu'alors que l'homme s'immobilisa, ses mouvements cessant enfin sous l'effroyable brutalité de son bourreau.
Quand le carnage prit fin, la clairière ressemblait à un charnier. Les corps mutilés des hommes étaient éparpillés, leurs entrailles souillant le sol. Le silence retomba, étouffant et pesant.
Marie-Louise, toujours recroquevillée contre l'arbre, fixait la scène avec des yeux grands ouverts de terreur. Ses lèvres tremblaient, mais aucun mot ne venait. Elle avait prié pour une aide divine, mais ce qu'elle avait reçu était un ange de mort.
Aniaba, le souffle court, se tourna vers elle. Son regard, encore brûlant de rage, sembla se calmer lorsqu'il croisa celui de Marie-Louise. Il fit un pas vers elle, mais elle recula instinctivement, son visage blême.
— Tu… tu es un monstre, murmura-t-elle finalement, sa voix brisée par la peur.
Aniaba s'arrêta, les poings serrés. Il ne répondit pas. La réalité de ce qu'il était devenu — ou de ce qu'il était en train de devenir — le frappait. Il baissa les yeux, évitant le regard de la jeune femme. Sans un mot, il lui tourna le dos et s'éloigna de quelques pas.
— Je ne suis pas un monstre pour toi, dit-il finalement, sa voix étouffée mais ferme. Je suis ce qu'ils m'ont fait devenir.
Marie-Louise ne répondit pas. Elle resta figée, le regard perdu dans l'horreur qui l'entourait. Aniaba, après un dernier regard sur la scène, s'agenouilla à distance, priant en silence. La nuit était loin d'être finie.