La nuit était tombée sur la clairière isolée, mais le campement restait actif. Les villageois, bien que fatigués, travaillaient ensemble sous la direction d'Aniaba. Des abris rudimentaires étaient érigés, des provisions réparties, et des veilleurs placés stratégiquement pour surveiller les alentours. La tension était palpable, mais une énergie déterminée semblait animer le groupe.
Aniaba, éloigné du tumulte, était assis sur un rocher, sa silhouette imposante baignant dans la lumière vacillante d'un feu. Il était perdu dans ses pensées, réfléchissant à la prochaine étape. Ses blessures, bien que douloureuses, s'étaient presque totalement refermées. Il passa une main sur son torse, effleurant les cicatrices récentes qui témoignaient de son affrontement avec les chasseurs.
— C'est incroyable, murmura une voix derrière lui.
Aniaba se retourna pour voir un jeune homme, l'un des villageois, le regard fixe sur lui. L'admiration brillait dans ses yeux.
— Vous êtes guéri… comme si rien ne s'était passé. Comment est-ce possible ?
Aniaba ne répondit pas tout de suite. Il observa le jeune homme, voyant en lui l'espoir mais aussi la peur. Finalement, il se leva, sa stature dominante éclipsant celle du jeune homme.
— Ce sont les Loas, dit-il simplement. Ils m'ont offert une force, mais cette force a un prix. Tout pouvoir exige des sacrifices.
Le jeune homme acquiesça, bien qu'il ne semblât pas comprendre pleinement la portée de ces mots. Aniaba posa une main rassurante sur son épaule.
— Retourne avec les autres. Nous aurons besoin de chacun d'entre vous pour ce qui arrive.
Le jeune homme hocha la tête et s'éloigna, laissant Aniaba seul. Mais pas pour longtemps.
Nyala, la Mambo, émergea des ombres. Elle était silencieuse, ses mouvements fluides comme ceux d'une ombre. Elle s'approcha d'Aniaba et s'assit à ses côtés.
— Ils te regardent comme un dieu, dit-elle doucement. Mais ils oublient que même les dieux peuvent tomber.
Aniaba esquissa un sourire amer.
— Je ne suis pas un dieu. Je ne suis qu'un homme, essayant de réparer ce qui ne peut l'être.
Nyala inclina la tête, ses yeux scrutant Aniaba comme si elle pouvait lire dans son âme.
— Et pourtant, les Loas t'ont choisi. Tu as une mission, Aniaba. Mais cette mission ne peut être accomplie si tu te perds en chemin.
Il soupira, passant une main sur son visage.
— Je sais. Mais comment puis-je mener cette mission alors que je suis constamment tiraillé entre la rage et la raison ? Chaque fois que je combats, je sens… je sens que je perds une part de moi.
Nyala posa une main sur son bras, ses doigts légers mais rassurants.
— La rage est une arme. Mais elle ne doit pas te définir. Souviens-toi de qui tu es. Chaque vie que tu sauves, chaque personne que tu protèges, c'est une victoire contre ce monstre en toi.
Aniaba hocha lentement la tête. Les mots de Nyala résonnaient en lui, mais il savait que les jours à venir mettraient à l'épreuve tout ce qu'il croyait savoir.
Au loin, dans un campement de fortune, le chef des chasseurs était en pleine discussion avec ses lieutenants. Une carte était étalée devant eux, marquée de points rouges indiquant les villages marrons connus.
— Nous avons localisé trois autres villages, annonça un des lieutenants. Avec les renforts que nous avons reçus, nous pouvons frapper les trois simultanément.
Le chef des chasseurs, un homme imposant avec un collier d'oreilles humaines autour du cou, réfléchit un instant avant de parler.
— Non. Nous frapperons un à la fois. Mais nous le ferons avec une telle brutalité que le message sera clair : personne n'est à l'abri. Ils doivent savoir que même cet « monstre » ne peut les protéger.
Un murmure d'approbation parcourut l'assemblée. Le chef leva une main pour imposer le silence.
— Et quand il viendra… car il viendra… nous serons prêts. Cette fois, il ne s'en sortira pas.
Aniaba, de retour parmi les villageois, observait les visages fatigués mais pleins d'espoir. Il savait que le combat était loin d'être terminé, mais il était prêt. Avec les conseils de Nyala et la force des Loas, il se jura de protéger ces innocents, quel qu'en soit le prix.