Chapitre 62: Le Mont Larshen - Rapport de force.
Un éclair lumineux éclata entre Géandre et son adversaire tandis qu'il prononçait le nom de sa nouvelle invocation.
« Arvasté ! » Hurla-t-il.
Un énorme oiseau à la tête longiligne et fine, avec quatre ailes, une longue queue reptilienne parée de plumes, et deux grosses pattes arrières dotées de griffes acérées apparut juste au-dessus de son maître, projetant en arrière l'ennemi grâce à sa brusque augmentation de masse et de taille.
L'épée quitta le torse du dresseur de monstres en même temps que son propriétaire était poussé au loin, et avant même d'avoir pu se redresser, Géandre hurla un ordre à sa créature.
« Arvasté ! Capture! »
L'énorme oiseau-reptile s'envola immédiatement pour monter dans les airs à une vingtaine de mètres avant de brusquement redescendre en piqué vers sa cible ; serres déployées en avant et prêtes à saisir l'humain masqué.
Ses griffes entrèrent en contact avec l'étrange bouclier mobile de l'ennemi, et comprenant qu'il ne pourrait pas l'attaquer sous cet angle, battit furieusement des ailes pour se maintenir en vol.
Les articulations principales de ses ailes possédaient deux doigts griffus, avec lesquels il se mit à harceler de coups l'humain qui se tenait devant lui.
Profitant de cette distraction, Géandre se releva et regarda tout autour de lui pour mieux analyser la situation.
Le Béhémoth continuait de charger les autres chasseurs, qui étaient en constant mouvement pour tenter de l'éviter. La créature semblait déjà plus fatiguée et blessée que la dernière fois qu'il avait posé les yeux sur elle, ce qui était bon signe : le combat revenait à leur avantage, en espérant que ce type au masque n'avait pas encore une mauvaise surprise à leur dévoiler.
« Erzébrun ! Blocage ! » Ordonna Géandre en hurlant.
La créature massive, qui jusqu'à présent, était restée immobile sans rien faire faute d'ordres donnés par son maître, s'anima à nouveau, et se mettant à galoper lourdement à l'aide de ses six pattes, se plaça dans la ligne de course du Béhémoth pour l'intercepter.
L'autre bête, lancée elle aussi dans une course folle, accéléra en voyant que la créature qui l'avait déjà immobilisé cherchait encore une fois à entraver ses mouvements ; et au dernier moment, se décalla pour esquiver son adversaire.
« Erzébrun ! Attrape ! » Hurla Géandre.
Comme piqué au vif, le monstre aux membres fins suivit le mouvement du Béhémoth qui passait à ses côtés, et bondissant de tout son poids sur le flanc de la créature aux immenses cornes, encercla de ses quatre bras le torse poilu du Béhémoth ; ses deux pattes arrières enfoncées dans le sol pour freiner la course folle de la créature.
Tout d'un coup coincé sans pouvoir se dégager de cette étreinte ni pouvoir tourner sa petite tête sur les côtés pour embrocher l'imprudent, le Béhémoth grogna de colère.
« Focalisez vos attaques ! Maintenant ! » Ordonna Géandre.
Aussitôt, les chasseurs qui couraient dans tous les sens s'arrêtèrent pour changer eux aussi leur course et diriger leurs attaques vers le monstre immobilisé.
La lance de Valshesia vola à nouveau dans les airs, propulsée à travers plusieurs cercles de téléportation courte distance.
Géandre n'eut cependant pas le temps de se réjouir, qu'il entendit un cri de douleur animal, allié à une soudaine sensation de brûlure au niveau de son torse, là où les plaques d'invocation supplémentaires étaient rangées.
Tournant le regard vers Arvasté, il vit avec horreur le grand oiseau être tranché sans effort en deux de haut en bas ; les deux parties gauches et droites de son corps tombant mollement au sol dans un atroce gargouillis.
La créature avait été tuée sur le coup, et sa mort avait libéré de force le mana jusqu'alors stocké dans la plaque de stase ; créant cette sensation de chaleur qui avait brûlé le jeune homme à travers ses vêtements.
Déjà, l'homme masqué le regardait à nouveau, la surface lisse de son masque dirigée vers Géandre, et ce dernier sentit que cet ennemi était trop fort pour qu'il puisse l'affronter seul.
Son regard erra jusqu'aux membres de son groupe, trop occupés à terrasser le Béhémoth, avant de revenir se fixer sur l'épée que leur ennemi tenait à la main.
Un liquide brillant dégoulinait le long du métal, la couleur du sang de l'oiseau géant étant indiscernable sur la longue lame noire comme la nuit.
Géandre serra avec force le manche de son épée dans sa main. Même s'il avait besoin d'eux, il ne pouvait pas demander d'aide aux autres chasseurs sans risquer de les mettre eux aussi en danger. Un instant de distraction était le pire ennemi qui soit pendant une chasse, et pouvait faire basculer une situation du tout au tout.
L'homme masqué se ruant à nouveau vers lui avec son épée abaissée en arrière sur le côté, Géandre eut juste le temps de se préparer à la suite de l'affrontement.
Rapide et léger, l'homme masqué arriva très vite devant lui, et le jeune dresseur de monstres leva son épée juste à temps pour dévier la lame de son adversaire. Ce dernier avait relevé de bas en haut et de l'arrière vers l'avant son épée, faisait décrire à sa lame noire un arc inversé visant l'estomac et le torse de Géandre.
Cependant, le jeune homme ne put obtenir de répit, car la lame à l'aspect agressif pivota sur le côté pour se positionner horizontalement au sol, et revint aussitôt vers lui ; visant cette fois son cou.
Faisant un bond en arrière, le jeune homme à la longue tresse noire fit dévier la lame ennemie à l'aide de son gantelet en métal, et en profita pour répliquer en dirigeant le coupant de son épée vers le bras armé de l'homme masqué.
Malheureusement, le bouclier mobile d'Androanni repoussa la tentative de Géandre ; ce dernier serrant la mâchoire.
'Bon sang ! Ce type est intouchable avec cet artefact !' vociféra-t-il mentalement.
C'était une évidence : avec un tel atout de son côté, ce n'était qu'une question de temps avant que l'homme masqué ne parvienne à désarmer Géandre et à le tuer.
Levant à nouveau le gantelet métallique de sa main libre vers l'ennemi, le jeune homme bloqua entre les écailles métalliques la lame descendante de l'homme qu'il affrontait. C'était sa chance de pouvoir le désarmer, et profitant de ce soudain avantage, le dresseur de monstres pivota son bras et le dirigea sur le côté pour entraîner avec lui la lame prisonnière des mâchoires de métal de son gantelet.
Il sentit un énorme coup dans l'estomac qui lui coupa momentanément le souffle, et baissant les yeux, vit que l'homme masqué venait de lui asséner un violent coup de poing. Il n'avait pas prévu que l'ennemi puisse posséder également une force physique aussi développée ; et titubant en arrière, vit avec horreur que l'homme masqué dégageait enfin la lame noire de son épée des écailles métalliques recouvrant l'avant bras gauche de Géandre.
Puis, l'homme amena son épée vers l'arrière, prêt à prendre l'impulsion nécessaire pour trancher sur place le chasseur qui lui faisait face.
Quatre sifflements percèrent l'air, suivis presque immédiatement de quatre carreaux d'arbalète venant se ficher dans le torse de l'homme masqué. Ce dernier, sous la violence des multiples impactes, tituba à son tour en arrière ; et tourna son visage, toujours impossible à discerner, vers le point d'origine des tirs.
Suivant aussi le mouvement de son adversaire, Géandre tourna la tête pour regarder qui venait de le sauver in-extremis.
Derrière lui, à une vingtaine de mètres de là et positionné juste à l'orée de la clairière, se tenait Ewan, avec un bras tendu vers eux ; dégoulinant de sueur et haletant avec grande difficulté pour reprendre son souffle.
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