Chapitre 32: Chapitre 32
La nuit était épaisse, et le silence régnait dans les locaux des chasseurs, situés sur les quais de Port-au-Prince. Les lieux, habituellement animés, étaient étrangement vides. Les ombres dansaient sur les murs décrépis, et l'odeur persistante de tabac froid et de cuir humide emplissait l'air. Dans son bureau, le chef des chasseurs était assis derrière une table encombrée de cartes et de rapports. Ses yeux brillaient d'une haine glaciale, renforcée par la désolation qui l'entourait. Ses hommes étaient morts, dispersés, ou terrifiés, tout cela à cause d'un seul homme… ou plutôt d'une créature.
Le bruit d'une porte qui s'ouvrait interrompit ses pensées. Monclair entra, escorté par deux gardes armés. Vêtu d'un manteau somptueux, il se déplaçait avec une autorité naturelle. Son visage, bien que calme, était marqué par une légère irritation.
— Alors, vous avez demandé à me voir, dit-il en balayant la pièce du regard. Je suis curieux. Pourquoi un chasseur d'esclaves jugerait-il nécessaire de m'importuner ?
Le chef des chasseurs, bien que conscient de l'influence de son interlocuteur, ne montra aucun signe de faiblesse. Il se leva lentement, son collier d'oreilles humaines se balçant à son cou.
— Parce que j'ai ce que vous voulez. La solution à votre problème.
Monclair arqua un sourcil, visiblement intrigué.
— Continuez.
— Aniaba, cet homme… ou ce monstre, qui a osé détruire votre marché aux esclaves, libérer vos étals et humilier votre système. Je peux vous le livrer.
Un silence pesant s'installa alors que Monclair observait son interlocuteur avec une attention accrue.
— Et que voulez-vous en retour ? demanda-t-il finalement.
— Des moyens, répondit le chef des chasseurs sans hésiter. Vos hommes, vos balles, vos lames… ils ne suffiront pas. Il me faut plus. Une force qui peut égaler la sienne.
Monclair plissa les yeux, son visage affichant une méfiance calculée.
— Vous voulez dire de la magie.
Le chef hocha lentement la tête.
— Appelez ça comme vous voulez. Prêtres divins, mages élémentaires, peu importe. Mais il me faut ce genre d'énergie si je veux le capturer.
Monclair sembla réfléchir un instant avant de murmurer, presque pour lui-même :
— Il y a bien quelques personnes que je pourrais contacter… bien que l'une d'elles me répugne.
Il releva les yeux vers le chef des chasseurs.
— Très bien. Vous aurez ce qu'il vous faut. Mais sachez que si vous échouez, ce sera la dernière chose que vous ferez.
Le chef des chasseurs esquissa un sourire carnassier.
— Je n'échouerai pas.
Les deux hommes se serrèrent la main, une poigne qui scellait une alliance funeste. Dans cette salle silencieuse, un pacte venait d'être formé, annonçant une traque impitoyable.
Pendant ce temps, Aniaba, épuisé mais toujours debout, s'était retiré dans une grotte isolée pour panser ses blessures. Sa rage s'était atténuée, mais son esprit était tourmenté. Les images des horreurs qu'il avait vues et perpétrées le hantaient.
Alors qu'il se reposait, des bruits de pas légers se firent entendre à l'entrée de la grotte. Instinctivement, il saisit son arme, mais une voix familière l'arrêta.
— Aniaba… c'est moi.
Marie-Louise émergea de l'ombre, suivie de près par Victor. Leur apparence était celle de survivants : fatigués, mais résolus. Aniaba abaissa lentement son arme, fixant les deux nouveaux venus avec une intensité mélangeant soulagement et prudence.
— Comment m'avez-vous trouvé ? demanda-t-il, sa voix rauque.
Victor, portant une sacoche contenant son équipement de médecin, esquissa un sourire fatigué.
— Disons que tu laisses une trace difficile à manquer. Mais c'est elle qui t'a suivi.
Il pointa Marie-Louise, qui s'approcha lentement, ses yeux brillant d'une émotion contenue.
— Tu es parti si brusquement… Nous ne pouvions pas te laisser seul.
Aniaba baissa les yeux, la culpabilité l'envahissant. Il se souvenait de la promesse qu'il avait faite de protéger les siens, une promesse qu'il avait trahie par son isolement.
— Vous auriez dû rester en sécurité, murmura-t-il.
Marie-Louise posa une main douce sur son bras.
— La sécurité, ce n'est pas sans toi.
Le silence qui suivit était lourd de sens. Enfin, Aniaba inspira profondément, se redressant de toute sa hauteur.
— Alors restez. Mais sachez que ce qui vient ne sera pas facile. Ils sont nombreux, puissants, et maintenant, ils me chassent comme une bête.
Victor hocha la tête, son expression grave.
— Alors nous devrons être prêts. Ensemble.
Aniaba les regarda tour à tour, une étincelle de détermination renaissant dans ses yeux.
— Ensemble, répéta-t-il.
Dans l'obscurité de la grotte, une nouvelle résolution se forma. La bataille à venir serait sans merci, mais pour la première fois depuis longtemps, Aniaba ne serait pas seul.
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