Il fallut plusieurs arrêts en cours de route pour que Fusain puisse se reposer. Mais aussi pour qu'Ewan et Pavas boivent un peu d'eau, et se dégourdissent les jambes.
En tout, le voyage jusqu'à Ylesse avait dû leur prendre toute la journée, et jusqu'en début de soirée, avant d'atteindre une des grandes portes en pierre de la ville fortifiée.
Ylesse était une immense cité entourée de plusieurs murs d'enceinte, eux-mêmes bordés par plusieurs kilomètres de champs dans lesquels les cultures annuelles n'étaient pas encore sorties de terre.
Vu du ciel, la ville pouvait sûrement ressembler à une sorte d'étoile, avec plusieurs angles aiguisés pointant vers chacun des quatre points cardinaux.
Si vous voyiez une carte de n'importe quel endroit du continent de Néridanne, il y avait toujours dans un coin cette fameuse rose des vents, situant les quatre points cardinaux. Et Ylesse, avec sa forme géométrique parfaite, était la représentation à taille réelle de ce symbole : une immense rose des vents en pierre à quatre grandes branches, et quatre petites branches, parfaitement orientée par rapport au nord, au sud, à l'est et à l'ouest. Ce qui la situait également pile à l'intersection de plusieurs lignes de Ley. Et cette position, comme cette architecture, n'avaient absolument rien laissé au hasard.
La cité d'Ylesse était protégée par un enchantement puisant de l'énergie dans les lignes de Ley, gardant à l'abri bâtiments et habitants de toute attaque de monstre. Et ces sortes de cités magiques blindées étaient devenues la norme sur toute la partie du continent contrôlée par les hommes, dans l'Empire comme dans les petits Royaumes bordant ses frontières.
Toutefois, un tel enchantement pouvait aussi avoir des désavantages. Les contrôles à l'entrée de ces villes étaient renforcés, et leurs positions leurs permettaient d'entraver, ou au contraire de faciliter, les multiples échanges commerciaux se produisant à proximité.
Ewan perdit donc encore une demi-heure à devoir patienter devant la porte ouest de la ville, avec devant lui encore une dizaine de personnes attendant leur tour pour entrer.
Les marchands, les voyageurs et les habitants montraient à tour de rôle une plaque suspendue autour de leur cou, pour prouver leur identité ou leur profession. Chaque plaque était différente, bien que des catégories explicites existent pour les différencier, et étaient enchantées pour en empêcher la falsification. Mais en raison des limitations liées aux enchantements, ces plaques devaient être renouvelées tous les cinq ans, auprès d'un alchimiste détaché par la capitale.
Il devait y avoir encore au moins deux personnes devant eux, quand Ewan sortit à son tour sa plaque d'identification, et la montra à la petite fille.
« Tu as aussi ce genre de plaque sur toi, ou…. » Commença-t-il.
'… Ou tes parents n'ont pas eu le temps de t'en faire fabriquer une ?' termina mentalement le jeune homme.
Pavas secoua négativement la tête.
Il espérait que cela n'allait pas poser de problèmes pour la suite.
Profitant que la file d'attente avance encore d'un cran, Ewan descendit de Fusain, et le tenant par ses rênes, le fit avancer derrière lui.
Il préféra laisser Pavas assise sur le cheval, étant donné que la petite fille avait l'air exténuée par le voyage rapide qu'ils avaient dû faire jusqu'à présent. Il vit d'ailleurs aux lueurs des torches fixées au mur d'enceinte de la ville, qu'elle commençait à lutter contre le sommeil, ses yeux s'ouvrant et se fermant à plusieurs reprises.
Puis finalement, ce fut enfin leur tour.
Deux gardes leurs firent signe d'avancer vers eux, vêtus d'une armure renforcée sous laquelle dépassait une tunique blanche avec des liserés bleus.
Ils inspectèrent la plaque d'Ewan.
« Hum. Ewan Jesabell. Chasseur de monstres, comté de Sharmyr, » énonça le garde qui examinait sa plaque avec attention.
Son collègue, lui, inspectait déjà avec une sorte de petit bâton en bois Fusain et les sacs suspendus sur ses flancs. Puis, il fit signe que rien ne posait problème dans le chargement du jeune homme.
« Bon, votre identité, c'est bon, » dit le premier garde. « Mais celle de la petite derrière vous…. »
« Elle n'a pas encore l'âge pour être obligée d'avoir une plaque », répondit Ewan.
Ce qui en somme, était une demi vérité.
Il était vrai que les enfants, jusqu'à l'âge de 12 ans, n'avaient aucune obligation de porter sur eux une plaque d'identification. Mais il était également vrai qu'Ewan ignorait absolument tout de la petite fille derrière lui, âge compris. Il n'avait pu lui faire dire que son nom jusqu'à présent, et elle n'avait pas pipé mot de tout le voyage.
Le garde regarda avec attention Pavas, comme s'il essayait de jauger son âge. Toutefois, il abandonna rapidement, n'étant pas vraiment sûr de lui quant à sa propre estimation.
« Bon, vous pouvez y aller, » dit le garde, toujours avec un regard suspicieux ; « mais ne traînez pas pour lui faire une plaque d'identification. On nous as signalé des disparitions d'enfants en ville ces dernières semaines, alors faites attention à vous. »
Ewan les remercia pour cette mise en garde, tout en soupirant intérieurement. Ils pouvaient enfin entrer dans la ville, et se mettre à la recherche de la caserne militaire.
La nuit était presque entièrement tombée, et toutes les rues étaient déjà éclairées par des torches alimentées par un réseau de tuyaux de cuivre dans lequel circulait du gaz inflammable.
Ce n'était vraiment que dans les grandes villes qu'un tel système existait, et à chaque fois qu'il devait se rendre dans l'une d'entre elles, Ewan ne pouvait s'empêcher d'être admiratif face à tant d'ingéniosité.
Il était également très facile de s'y retrouver, des panneaux présents à chaque intersection indiquant les quartiers et les édifices d'intérêt à proximité, ainsi que leur direction générale.
C'est ainsi qu'il put rapidement se trouver devant un immense bâtiment en pierre blanche, semblable à un château fort, et qui sur sa façade présentait une longue et immense étoffe pendue représentant les armoiries de la ville.
Ewan se demanda d'ailleurs par quel prodige une tenture d'une taille similaire à une énorme maison avait pu être hissée aussi haut. Toutefois, il fut sorti de sa rêverie par un garde venant dans sa direction.
Contrairement aux gardes à l'entrée de la ville portant une armure, celui-ci avait revêtu ce qui semblait être un uniforme militaire blanc, parcouru de deux rayures noires de chaque côté des jambes du pantalon, et dont la poitrine était ornée de plusieurs badges colorés représentant les grades et l'unité d'appartenance de l'homme en question.
« Je peux vous aider monsieur ? » Demanda le militaire, visiblement troublé de voir arriver aussi tard devant lui le petit groupe.
« Je suis Ewan Jesabell, chasseur de monstres. J'ai un message urgent à transmettre immédiatement à votre responsable. » Dit-il en montrant sa plaque d'identification.
« Quel genre de message ? » demanda le militaire, qui n'en était pas à ses premiers resquilleurs.
« Un message sur une menace de catégorie supérieure à 400. Non, peut-être même 500. » Répondit gravement Ewan.
Face au nombre inédit, le militaire sembla réagir, et fronça les sourcils.
« Vous êtes sérieux ? Parce que si c'est une blague, elle est de très mauvais goût, » dit sévèrement l'homme.
« Je suis absolument sérieux, » dit Ewan. « La créature en question a totalement détruit un village, et rien ne peut l'arrêter. »
Face à l'expression ferme d'Ewan, le militaire de garde dut se rendre à l'évidence. Il n'avait pas en face de lui un plaisantin.
Immédiatement, il parla dans une sorte de tube métallique, et sembla mener une conversation que seul lui pouvait entendre. Puis, après quelques minutes, il fit signe à Ewan d'entrer.
« L'intendant général vous attends dans la salle d'audience, » dit-il tout en montrant de la main un bâtiment se trouvant sur le côté droit d'une immense cour derrière lui.
Le jeune chasseur le remercia prestement, puis, toujours Fusain traîné dernière lui, franchit l'énorme arche de pierre le séparant de la cour de la caserne militaire.
Quelques regards étonnés suivirent sa progression du regard, jusqu'à ce qu'il laisse Fusain et la petite fille devant les marches du bâtiment où il devait entrer.
« J'en ai pour quelques minutes Pavas. Alors reste ici avec Fusain, d'accord ? » Dit-il en la faisant enfin descendre du cheval.
La petite fille acquiesça, et s'assit alors sur la première marche des escaliers en pierre, tandis que le jeune chasseur commençait déjà à les monter.
Il arriva alors dans un grand couloir en bois, assez ancien de par sa construction, et poussiéreux. Le plancher craqua sous ses pas, et en quelques secondes, il arriva devant une porte massive à côté de laquelle était fixée un panneau en métal.
'Salle d'audience sud'.
C'était sûrement dans cette pièce que l'intendant général l'attendait.
Prestement, il ouvrit la porte, et en entrant, se retrouva face à un homme aux longs cheveux blonds assis derrière une grande table.
« Ah, Ewan, ça faisait un bail ! » S'exclama l'homme.
Mais qui est donc cet homme blond? Et pourquoi est-ce qu'il parle aussi familièrement à Ewan?!
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