Avoir en face de soi un monstre fou de joie, se révéla être bien plus terrifiant qu'une créature tentant de le tuer. Ewan se demanda à nouveau mentalement s'il faisait bien le bon choix, mais encore une fois, ne trouva pas de réponse précise à cette question.
Winblow en profita pour retourner en hâte vers sa caverne, sans attendre le jeune homme, qui se retrouva tout à coup seul sans trop savoir pourquoi.
Sur ce, il décida d'aller chercher Fusain avant de rejoindre la dragonnelle près de son repaire. Il se doutait bien en revenant près de la cavité qu'il devrait chercher des yeux sa nouvelle 'recrue', 'compagne de voyage', ou il ne sait quoi encore, mais il fut surpris en arrivant, de ne voir absolument aucune trace du monstre, que ce soit à l'extérieur, ou à l'intérieur de la grotte.
Il entendit alors des bruits de pierres retournées et projetées provenant de l'intérieur du repaire, et plus précisément, du fond. La galerie devait aller bien plus loin qu'il ne le pensait sous terre, étant donné que le bruit semblait être un lointain écho.
Winblow ré-émergea alors de l'obscurité vers la clarté extérieure du jour, tenant soigneusement dans sa gueule une étoffe enveloppant quelque chose de long.
« Qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes partie d'un coup… » Demanda Ewan, passablement énervé.
Winblow s'approcha alors, et après avoir déposé délicatement l'objet inconnu qu'elle transportait dans sa gueule, dit :
« Je suis allée chercher quelque chose qui m'appartiens, et dont je ne dois pas me séparer. »
« Vous voulez parler de ça ? » Demanda Ewan en désignant l'objet enveloppé dans la vieille étoffe. « Ça ne ressemble pas à un sac de pièces d'or… »
« De pièces d'or ? » Répéta Wynblow, sans comprendre ce que voulait dire par là le jeune homme.
« Oui, de l'or. Les dragons sont connus pour amasser des trésors qu'ils défendent farouchement. Je pensais que ce serait ça que vous iriez chercher, mais ce n'est pas le cas… » S'étonna Ewan. « Qu'est-ce que c'est ? »
« Un fragment de mon passé, » dit-elle en poussant l'objet vers le chasseur, l'invitant ainsi à ouvrir le paquet afin d'en observer le contenu.
Ewan s'approcha donc, et avec précaution, commença à dérouler les pans de tissu, dévoilant au fur et à mesure un objet à la fois familier et inconnu.
« C'est… Une épée ? » Finit-il par dire. « Je n'en ai jamais vu de telle… »
Il fixait une arme dans son fourreau, un manche d'argent blanc décoré de deux lignes noires opposées de part et d'autre étant la seule chose observable de l'arme elle-même, dont la lame était protégée par un fourreau d'un seul tenant. Le fourreau en question, d'une couleur aussi blanche que la neige, et dont certains points renforcés présentaient des pièces d'un matériau gris semblant aussi solide que l'acier, avait une fabrication étrangement parfaite. Il n'y avait pas un seul défaut de forgeage, ni même de courbes : tout était étrangement très droit, avec des angles irréels de par leur finesse et leur exactitude.
Le tout semblait relativement léger, au vu de la robustesse dont devait faire preuve cet équipement étrangement propre, peu ouvragé, mais fantastiquement formé, si bien que le processus avait dû prendre un temps incommensurable rien que pour le fourreau lui-même.
Mais le plus troublant, c'est qu'en plus de cette perfection dans l'apparence, aucune trace ou marque laissée par un outil n'était visible sur toute l'arme. Un véritable travail d'orfèvre, qui ne semblait pourtant pas avoir été conçu par la main de l'homme.
Il s'apprêtait à découvrir la lame de l'épée, quand il se rendit compte que le fourreau comportait un dispositif qui empêchait toute ouverture à mains nues. Une sorte d'excroissance scellant ensemble l'arme et son fourreau. Il ne tenta pas de forcer le mécanisme, sous peine de provoquer la colère de Wynblow, et préféra ré-emballer l'arme semblant venir d'un autre monde dans ses vieux tissus.
« Je dois la prendre avec nous, si je comprends bien ? » Demanda Ewan.
Wynblow acquiesça.
« C'est pas comme si je pouvais la porter en permanence dans la gueule, » Expliqua-t-elle. « J'ai quand même besoin de parler. »
'Dommage, ça aurait été trop pratique', pensa Ewan.
« Et puis, elle attire bien trop l'attention, » ajouta à la hâte Wynblow.
Ce comportement vis-à-vis de l'objet éveilla quelques soupçons chez Ewan. Certes, c'était une épée d'une excellente facture bien qu'il n'ait pu voir la lame, et qui pouvait du coup attirer les convoitises, mais il sentait que cela devait cacher autre chose. Alors qu'il accrochait l'arme rendue méconnaissable par son emballage en tissu au flanc de Fusain sous les yeux scrutateurs de Wynblow, il demanda :
« Où avez-vous eu cette épée, au juste ? »
La dragonnelle leva un 'sourcil' interrogatif - les dragons n'avaient pas vraiment ce qu'on pouvait appeler comme étant des 'sourcils', mais plutôt une sorte de bosse osseuse et cartilagineuse au dessus de chaque œil - avant de répondre :
« Elle m'a été donnée, il y a un moment de cela, » Expliqua-t-elle. « Par le même homme qui m'a nommée. »
Cette réponse ne satisfit pas du tout Ewan, qui pour le coup, devint encore plus méfiant vis-à-vis de la dragonnelle, et de l'objet en question.
« Cet homme vous as donné comme ça, quelque chose qui a l'ait si précieux ? » Demanda-t-il avec suspicion.
Wynblow acquiesça d'un hochement de tête.
« Et qu'est-ce que cette épée représente, exactement ? » Insista Ewan.
« J'en sais rien, » répondit-t-elle sans détours.
Ce qui agaça Ewan. Elle semblait vraiment ignorer beaucoup de choses, notamment à son propre sujet. Et visiblement, la principale intéressée ne lui prêtait déjà plus attention, déjà occupée à agiter sa queue pour soulever de la poussière, tout en observant d'un œil curieux le cheval à quelques pas de là.
Il n'aurait visiblement pas plus d'informations sur le moment, au sujet de cet étrange objet.
Le jeune chasseur détacha alors un paquetage du dos de Fusain, et après avoir dessellé le cheval, ne lui laissant que l'épée accrochée sur le flanc, ainsi qu'une couverture sur le dos. Puis, le jeune homme commença à se diriger vers la forêt.
« Qu'est-ce que vous faites ? Demanda Wynblow, incrédule.
« ça ne se voit pas ? J'ai dit qu'on ne prendrait pas le risque de voyager en plein jour. Je vais donc chercher du bois pour faire un feu de camp, en attendant la nuit. »Expliqua le jeune homme.
« Je vois… Donc nous ne partirons que ce soir ? » Demanda-t-elle, visiblement déçue.
Ewan acquiesça d'un signe de main avant de continuer sa route et de disparaître derrière des buissons. La dragonnelle se laissa alors tomber lourdement au sol, avant de s'y allonger, fixant le cheval immobile qui lui faisait face.
L'animal ne semblait plus trop avoir peur, mais de la méfiance pouvait encore être détectée dans son regard vis-à-vis du reptile. Il rumina alors, avant de finalement ne plus prêter attention au cracheur de feu. Wynblow laissa alors échapper un nuage de vapeur de ses narines, avant de laisser reposer sa tête sur ses avant-bras. Elle détourna son regard de l'équidé, et fixa le paquetage laissé en l'état sur le sol par Ewan. Bientôt, le temps passa, et après que son regard ait vagabondé ça et là, fixant des branches, des oiseaux, le ciel, des pierres, et le sol sablonneux, Wynblow finit par s'endormir ; sa lourde respiration, et les bruits de mastication du cheval broutant l'herbe qu'il pouvait trouver à portée de sa gueule, restant les seules perturbations dans l'air.
Et bientôt, elle se mit à rêver.
« 'Wynblow'. Qu'en penses-tu ? C'est un joli nom, n'est-ce pas ? » Dit une voix d'homme.
« Wyn...Bu...row ? » Répéta-t-elle.
« ça signifie 'Acier Hurlant'. C'est pas mal, non ? Je l'ai choisi à cause de la couleur argentée de tes écailles. » Continua la voix d'homme.
Ah, c'était des souvenirs de cette époque, qu'elle revivait ?
« Mes écailles… ? » répéta-t-elle.
« Oui. Elles sont si belles à la lumière du jour, qu'elles me font penser à des lames dansantes. » Dit-il.
C'était vraiment étrange. Elle se souvenait parfaitement de ce que cet homme avait dit. Mais elle ne pouvait pas se rappeler ni son visage, ni le ton exact de sa voix.
Est-ce que cela s'était produit il y a trop longtemps, pour qu'elle en garde un souvenir intact et précis ?
« Wynblow. » Dit alors l'homme, avec une voix solennelle. « Tu t'appelleras comme ça, dès à présent. C'est compris ? »
Elle hocha de la tête.
« C'est le seul nom par lequel tu devras répondre, d'accord ? » Insista-t-il gravement.
Puis… Son rêve se termina.
Étrange, étrange rêve...
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