Capítulo 58: Le Mont Larshen - Défendre et piéger.
À peine avait-il crié ces mots, que tous les chasseurs présents entonnèrent des incantations pour ajouter des effets de renforcement et de vitesse sur leurs armes.
L'alchimiste fit surgir des plaques de terre et de pierre depuis le sol juste devant eux ; à chacune des trois positions occupées, par elle et l'expert en combat à distance, par Géandre et Valshesia, et par l'épéiste. Le chasseur lourdement armé était toujours étendu au sol, immobile.
S'emparant d'une autre plaque de forme carrée et de couleur bleu clair, Géandre la leva en l'air tout en prononçant à voix haute le nom de la nouvelle créature suivante qu'il souhaitait libérer de l'objet afin de l'invoquer.
« Erzebrun ! » Cria-t-il.
Il y eut un nouveau flash lumineux ; une petite lumière s'élevant dans les airs depuis la plaque carrée qu'il portait en collier autour de son cou, et grandissant tout en s'éloignant pour prendre une forme de plus en plus animale.
La silhouette grossit pour ressembler de plus en plus à une créature à six pattes, possédant une tête aplatie sur le dessus et un large dos musclé. Son long corps de couleur gris, doté de deux pattes arrières et de quatre pattes avant, était recouvert sur le dessus de plaques d'os agissant comme une armure, et sa tête élargie sur les côtés portait de chaque côté deux petites cornes pointées vers l'avant. Ses pattes musclées se terminaient par de gros doigts au bout desquels se trouvaient de larges griffes noires.
Une fois la lumière dissipée, la créature atterrit en premier sur ses pattes arrières, et grogna en retroussant ses babines sur des dents plates et larges.
Un rugissement empreint de douleur retentit, et le dresseur de monstres vit une petite lueur s'envoler depuis le bosquet où s'étaient enfoncés le Béhémoth et Basquias, avant de revenir vers lui pour rentrer à l'intérieur de la plaque qu'il avait utilisée en premier.
L'énorme félin avant très certainement été battu par le Béhémoth, et à bout de forces, il avait préféré retourner dans la plaque qui le contenait en stase.
Puis, il y eut une multitude de sifflements dans les airs, et Géandre comme Valshesia virent passer au-dessus d'eux dans les airs plusieurs projectiles : des flèches qui avaient toutes une corde attachée à leur hampe, et qui se plantèrent dans le sol de la clairière à intervalles réguliers pour former un grand cercle. De chaque côté de ce cercle, l'alchimiste fit surgir deux nouvelles plaques de terre et de pierre afin de créer un goulot d'étranglement, et tandis que Valshesia montait dans un arbre derrière lui, le jeune homme fut rejoint par l'épéiste. Ce dernier avait fait un gros détour en toute discrétion pour éviter d'attirer le monstre déchaîné, et Géandre prit alors cette chance pour s'élancer en avant et se positionner devant Erzebrun.
Comme il l'avait prévu, le Béhémoth retourna sur la clairière, et se dirigea en courant vers l'homme en armure toujours à terre. La créature était déchaînée, et voulait sûrement attaquer tout ce qui représentait une menace dans son champ de vision.
Géandre ne savait pas si cet homme était encore en vie, mais dans le doute, il espérait que ses prochaines actions pourraient le sauver.
« Hé ! HÉ! » Hurla-t-il en agitant ses bras en l'air.
Interpellé par les cris, le Béhémoth s'arrêta juste devant l'homme en armure, et tournant sa petite tête vers l'humain qui élevait la voix, il émit un grognement profond et grave ; signe qu'il venait de prendre cela comme une agression.
Sans même prêter attention à l'humain allongé au sol, il le piétina se ses grosses pattes en changeant de trajectoire pour s'élancer au galop vers sa nouvelle cible.
« Il arrive ! » Cria à nouveau le jeune homme.
Les pas lourds et violents du Béhémoth firent trembler le sol et soulevèrent des touffes d'herbe et des morceaux de terre ; la créature émettant de plus en plus de grognements et haletant aussi bruyamment qu'un troupeau de chevaux lancés à toute allure sur une route de campagne.
Cependant, entre un troupeau de chevaux, et la créature qui leur fonçait dessus, la comparaison s'arrêtait là. La bête qui se dirigeait vers eux était non seulement plus mortelle qu'une vingtaine de chevaux, mais aussi plus imposante ; sans parler de l'état inhabituel dans laquelle elle se trouvait.
Les traces de sang sur son corps n'avaient toujours pas eu le temps de sécher entièrement, le liquide obscur brillant d'un éclat terne sous le soleil de cette journée.
Nerveusement, Géandre jeta un regard derrière lui.
Il ne voyait plus Valsh, signe que la jeune femme s'était mise hors de portée.
L'épéiste, lui, s'était mis en retrait pour poser sur les troncs des arbres derrière eux une longue chaîne en métal ornée de pics ; dans le but de créer une barrière pour stopper la créature si jamais elle arrivait à passer outre leur formation.
L'alchimiste semblait terrifiée, mais continuait de renforcer couche après couche les murs de terre et de pierre qu'elle avait construits.
L'expert en combat à distance – Thervis, s'il se rappelait bien de son nom – attendait patiemment le bon moment, avec plusieurs cordes fines dans sa main.
Ce rapide constat fait en quelques secondes, Géandre reporta son attention sur le Béhémoth qui venait dans sa direction, et alors que le monstre entrait dans les derniers mètres le séparant de sa cible, le jeune homme déglutit.
Il avait horreur de devoir compter sur les autres, surtout quand il s'agissait de leur confier sa vie, et il espérait vraiment que le plan prévu en cas d'attaque soudaine allait fonctionner.
Ce qui se passa ensuite sembla arriver au ralenti à ses yeux. Le Béhémoth posa la patte avant droite dans le cercle créé par les flèches que Thervis avait tirées, puis y posa la patte avant gauche. Sa patte arrière gauche s'y posa aussi, et alors que sa patte arrière droite s'approchait aussi, ses deux pattes avant quittèrent à nouveau le sol.
Thervis cria quelque chose derrière lui, et les cordes jusqu'alors attachées au bout de chaque flèche plantée au sol se soulevèrent dans les airs avant d'être arrachées. Au moment même où elles se décrochaient, elles entraînèrent avec elles un petit bout de papier épais recouvert d'une substance granuleuse. Ces petits bouts de papier se frottèrent contre les hampes des flèches, et dans une étincelle, les corps en bois des flèches s'enflammèrent en un souffle avant de produire un flash lumineux accompagné d'un bruit strident assourdissant.
Néanmoins, le raffut et la lumière vive qui en résultat, et qui aurait pétrifié n'importe quelle bête de peur, ne parvint pas à terroriser le Béhémoth, qui continua dans sa lancée vers le groupe de chasseurs.
Géandre mit cet échec sur le dos de la créature elle-même, qui semblait sous influence et donc imperturbable face à toute agression extérieure. Cependant, il n'était pas encore temps de baisser les bras, leur plan portant plusieurs éléments pour parer à toute éventualité tout en prenant avantage de chacun des talents des membres de l'équipe.
Le Béhémoth continua de s'approcher, et alors qu'il allait de nouveau tenter d'embrocher le jeune chasseur, ce dernier se mit à courir en arrière pour plonger et rouler entre les pattes de Erzebrun, tout en criant un ordre à l'intention de sa créature.
« Erzebrun ! Debout ! »
Immédiatement, la créature se redressa sur ses deux pattes arrières, et de ses quatre pattes avant, elle se saisit à la fois des deux énormes cornes du Béhémoth - entre lesquelles elle était assez fine pour passer – et de la petite tête de son adversaire ; arrêtant net dans sa course l'énorme monstre.
L'alchimiste en profita pour ériger un dernier mur de terre juste derrière le monstre pour lui couper toute retraire.
Le Béhémoth hurla à la mort, pris au piège dans la poigne indestructible de la créature à six pattes, et même s'il parvint à le pousser en arrière, Erzebrun ne céda pas.
Géandre sourit. La situation tournait enfin à leur avantage, et il entendit alors un sifflement bien plus bruyant que celui résultant de flèches.
Un cercle magique apparut au-dessus du Béhémoth, et tandis que le jeune homme se mettait à l'abri en retrait, la lance en acier bleu de Valshesia surgit du cercle à toute vitesse pour aller se planter dans le dos du Béhémoth. Ce dernier s'affaissa sous le choc de l'impact, sans pour autant arrêter de pousser Erzebrun en arrière et vers son maître.
Puis, la lance disparut tout à coup comme si elle n'avait jamais été là, et un second cercle magique, puis un troisième et un quatrième, apparurent dans les airs à plusieurs endroits pour entourer le Béhémoth.
Géandre sourit à nouveau. La créature ne pouvait pas s'échapper, et grâce à Valsh, elle allait être attaquée sans interruption, et sans qu'aucun d'entre eux n'aient à prendre le moindre risque.
Les uns à la suite des autres, les cercles magiques firent émerger la même lance bleue-grise, qui alla se planter dans le corps de la créature avant de réapparaître à nouveau depuis un autre cercle.
Une multitude de sifflements les suivirent, la vitesse à laquelle l'arme fendant l'air étant incomparable à tout autre type d'attaque.
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