En 908, la mort de Charles le Simple, roi de Francie occidentale, plongea le royaume dans une période de grande instabilité. À 23 ans, Edwyn, désormais l'un des comtes les plus influents de Bretagne, observait avec attention la fragmentation de la Francie. Le pouvoir central s'effondrait, et les ambitions des seigneurs locaux divisaient encore davantage le territoire. L'Aquitaine, région essentielle du royaume, se sépara, et les royaumes voisins comme la Bretagne, la Normandie et la Bourgogne se retrouvaient dans un jeu de pouvoirs en pleine évolution.
Pour la Bretagne, ces bouleversements extérieurs représentaient une opportunité précieuse. Bien que nominalement indépendante, la région restait influencée par les dynamiques politiques de ses voisins. La désintégration de la Francie occidentale, conjuguée à l'affaiblissement des Capétiens, laissait un vide de pouvoir que des seigneurs ambitieux, comme Edwyn, espéraient combler.
Depuis sa victoire à Saint-Malo deux ans plus tôt, Edwyn avait renforcé son rôle à la cour bretonne. À 21 ans, il avait été nommé conseiller militaire par le roi Alain II, mais cette fonction lui avait permis d'acquérir une influence qui dépassait les simples questions militaires. La Bretagne, en plein essor sous la menace des incursions vikings et des querelles internes, avait désormais besoin d'une figure forte pour la guider.
Edwyn comprenait que le chaos dans la Francie occidentale n'était pas seulement une menace, mais aussi une chance. Le royaume des Capétiens, fragilisé, semblait incapable de maintenir l'ordre.
Lors d'un conseil stratégique au château de Vannes, il réunit ses proches alliés, dont Bastien et plusieurs chevaliers de confiance.
— "La désintégration de la Francie ouvre une fenêtre pour la Bretagne," déclara Edwyn, les bras croisés, fixant une carte déployée sur une grande table en bois. "Si nous consolidons notre pouvoir, nous pourrons enfin nous imposer comme une force indépendante en Europe."
Bastien, fidèle à son seigneur mais pragmatique, émit une réserve :
— "Cette opportunité est réelle, mon seigneur, mais elle attire aussi l'attention. Si nous agissons trop rapidement, nous risquons de provoquer la colère des autres royaumes, notamment celle de la Normandie."
Edwyn hocha la tête. Il avait gagné en maturité et en discernement, bien qu'il reste profondément ambitieux.
— "Je ne suis pas aveugle aux risques. Mais si nous restons immobiles, nous perdrons notre chance. La Bretagne doit se préparer, non seulement à défendre ses terres, mais aussi à réclamer celles qui lui reviennent de droit."
Pendant ce temps, à Rennes, Hélène de Cornouaille et Gerard de Rennes, toujours unis dans leur mépris pour Edwyn, poursuivaient leurs complots. Depuis la nomination d'Edwyn comme conseiller militaire, ils avaient intensifié leurs efforts pour affaiblir son autorité.
Lors d'une rencontre secrète dans une vieille abbaye,Hélène s'adressa à Gerard ses yeux brillants de détermination.
— "Edwyn croit pouvoir contrôler la Bretagne," dit-elle en pointant un poignard sur une carte. "Mais il oublie que la puissance ne repose pas uniquement sur les victoires militaires. Si nous retournons ses alliés contre lui, nous pourrons le renverser sans même lever nos épées."
Gérard , les bras croisés, observa attentivement.
— "Les nobles hésitent encore. Beaucoup admirent sa bravoure, mais certains doutent de son jugement. Si nous semons suffisamment de doutes, nous pourrons l'isoler."
Hélène esquissa un sourire froid.
— "Nous n'avons pas besoin de tous les convaincre. Les fissures suffiront pour faire s'effondrer son édifice."
Depuis deux ans, ils avaient habilement tissé un réseau d'influence, exploitant les frustrations des nobles envers Edwyn. Ils s'étaient particulièrement rapprochés des seigneurs mécontents, irrités par l'ascension fulgurante du jeune comte, et avaient également établi des liens avec plusieurs groupes de mercenaires. Leur stratégie était claire : attendre la moindre erreur d'Edwyn pour frapper. Gérard, homme d'une patience calculée, voyait cette qualité comme son principal atout. Pourtant, cette patience, bien qu'essentielle à son plan, pourrait aussi devenir la cause de sa défaite à venir.