La nuit était froide et silencieuse, seul le crépitement des débris de la maison brisée perturbait l'obscurité.
Le corps sans vie de Hana, la sœur de Kurayami, reposait au sol.
Kurayami, debout, le katana dans une main, regardait fixement sa sœur, les larmes coulant librement sur son visage marqué par la rage et le désespoir.
Ses doigts tremblaient alors qu'il serrait la poignée de son katana, son souffle court et irrégulier.
Tout était fini.
Elle n'était plus là.
— Hana… je suis désolé…, murmura Kurayami d'une voix brisée.
Les mots étaient à peine audibles, comme s'il ne voulait pas croire à sa propre culpabilité.
Son œil, rougis par la douleur, fixa encore une fois le corps inerte avant qu'il ne tourne les talons.
Sans un mot de plus, il commença à s'éloigner, le vent nocturne balayant les cendres.
— Attends ! Où est-ce que tu vas ?! Tu as besoin d'aide !
Une voix résonna derrière lui, brisant le silence pesant qui régnait. L'ombre d'une silhouette courut pour le rattraper, mais Kurayami ne ralentit pas. Ses pas étaient lourds, déterminés, comme s'il essayait de fuir quelque chose qu'il ne pouvait affronter.
— Dis-moi au moins qui tu es ! lança l'ombre, la voix emplie de désespoir.
Kurayami s'arrêta enfin, hésitant. Sans se retourner, il répondit d'une voix froide :
— Je suis Kurayami Hoshino... Un lycéen qui vient de perdre ce qu'il avait de plus cher.
Sa voix trembla légèrement, un souffle d'amertume perçant sous ses mots, tandis qu'il contemplait le vide qui envahissait son cœur.
Ses yeux tombèrent sur son poignet.
Là où son bracelet avait toujours été, il n'y avait plus rien.
Un vide qui reflétait celui qu'il ressentait dans son cœur.
— Alors viens avec moi ! insista l'ombre, d'une voix ferme.
Kurayami releva enfin la tête, son visage se crispant sous l'effet de la confusion et de la méfiance.
Pour la première fois, il observa vraiment l'ombre qui se tenait devant lui.
Son regard, froid et perçant, essayait de percer les intentions de cette inconnue.
— Pourquoi est-ce que je devrais te suivre ? Je ne te connais même pas..., dit-il, les sourcils froncés, sa voix vibrante.
Qui était-elle, cette fille, surgie de nulle part dans la pire nuit de sa vie ?
Même si elle semblait vouloir l'aider, elle restait une énigme.
Il la dévisagea encore, méfiant, avant de demander d'une voix plus dure :
— Qui es-tu, exactement ? Pourquoi tu veux m'aider ?
L'ombre se redressa, son expression changeant subtilement.
Ce visage, jusque-là empreint de douceur et de compréhension, se tendit, devenant plus résolu, presque formel, comme si elle avait déjà préparé cette réponse maintes fois.
— Je m'appelle Aiko Enji, déclara-t-elle calmement. Je viens d'un monde très différent de celui que tu connais. Là-bas, nous nous entraînons pour affronter des démons... des créatures comme celle qui a tué ta sœur.
Elle fit une pause, ses mots flottant un instant dans l'air glacé, laissant à Kurayami le temps de comprendre la portée de ce qu'elle venait de dire.
Dans ses yeux brillait une détermination inébranlable, mais aussi une pointe de compassion.
Kurayami, troublé par ses paroles, réagit brusquement :
— Et pourquoi faire ?! Pourquoi je devrais venir avec toi ?!Sa voix se brisa légèrement, mélange de colère et d'impuissance, cherchant désespérément une raison d'agir dans ce chaos.
— Parce que tu as un grand potentiel.
La voix d'Aiko était ferme, mais teintée de compassion. Là d'où je viens, tu pourrais exploiter ce potentiel, devenir plus fort… assez fort pour tuer des démons comme lui.
Elle désigna vaguement l'endroit où le démon, responsable de la mort de sa sœur, avait disparu.
Les mots frappèrent Kurayami comme une lame glacée.
Son visage se crispa sous l'effet de la colère et de la douleur, mais il resta silencieux.
Lentement, presque mécaniquement, il retourna auprès du corps de sa sœur, son katana toujours fermement tenu dans sa main tremblante. Il s'agenouilla devant elle, son cœur lourd.
— Ça ne la ramènera pas…, souffla-t-il, la voix rauque, brisée par le chagrin.
Aiko s'approcha doucement, posant une main légère sur son épaule.
Son regard était empreint de compréhension et de peine, comme si elle partageait un fragment de sa douleur.
— C'était ta sœur, n'est-ce pas ?... Je suis désolée. Sa voix était douce, presque un murmure. Mais il y a tant d'autres démons, bien plus puissants que celui que tu as combattu aujourd'hui. Ce ne sera ni le premier ni le dernier massacre.
Kurayami ne leva pas les yeux, fixant obstinément le sol. — Ça ne la ramènera pas…, répéta-t-il, comme si ces mots étaient tout ce qu'il pouvait encore prononcer.
Aiko, ne détournant pas son regard de lui, reprit avec une gravité mesurée :
— Non… mais cela pourrait empêcher que d'autres familles subissent le même sort. Maintenant, tu connais la souffrance de perdre un être cher.
Le silence s'installa, pesant, oppressant.
Kurayami ferma les yeux, cherchant désespérément à échapper à cette réalité insoutenable.
※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※
Des images de sa sœur, souriante et pleine de vie, traversèrent son esprit, se fondant bientôt dans un océan de ténèbres.
Dans ce vide infini, il se retrouva agenouillé, enchaîné.
Des chaînes d'acier traversaient sa chair, déchirant sa peau à chaque mouvement.
Deux autres chaînes, sur ses côtés, dégoulinaient de sang, marquant son corps de cicatrices béantes, le poids de chaque lien le tirant vers le sol.
— J'ai perdu ma mère… mon père… murmura-t-il, comme s'il s'adressait à un souvenir lointain. Et pourtant, à chaque fois, j'ai eu l'impression d'être libéré de mes chaînes.
Il leva lentement ses mains, montrant les chaînes ensanglantées qui pendaient au-dessus de lui, des marques indélébiles sur son âme.
— Mais maintenant… avec la mort de ma sœur… cette chaîne-là... Sa voix s'éteignit un instant, étouffée par une douleur insupportable. Comment pourrais-je m'en libérer ?
Il tenta de tirer sur la chaîne qui traversait son dos, mais la douleur fut si violente qu'il fut forcé de s'arrêter, son souffle court et saccadé, son corps tremblant de rage contenue. — Et si cela arrivait à Akira ou Shiro…
Il leva enfin les yeux, fixant les ténèbres au-dessus de lui.
Il distingua d'autres chaînes, plus haut encore, flottant dans l'obscurité, comme tenues par des mains invisibles.
Elles étaient intactes, immaculées, sans marques de sang.
— Je ne me le pardonnerais jamais.
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Kurayami se releva lentement, ses traits marqués par une nouvelle détermination. — Tu as raison. Sa voix était grave, emplie d'une résolution qu'il ne possédait pas auparavant.
Aiko esquissa un léger sourire, visiblement soulagée de voir qu'il avait pris la décision qu'elle attendait. — C'est la réponse que j'attendais. Laisse-moi guérir tes blessures avant que nous partions.
Elle s'approcha de Kurayami et murmura une incantation, une lumière douce entourant ses mains alors qu'elle lançait un sort de guérison.
Le soulagement envahit le corps de Kurayami, apaisant ses douleurs. — Je ne suis malheureusement pas assez puissante pour te rendre ton œil... Désolée…, ajouta-t-elle avec un ton sincère.
Kurayami serra les poings, ses yeux fixés sur le sol. — Ce n'est pas grave... Si j'avais été plus fort, ça ne serait jamais arrivé.
Alors qu'il prononçait ces mots, quelque chose au loin attira son attention.
Une petite boîte brillait faiblement sur le sol, comme une lueur d'espoir dans cette nuit sombre.
Intrigué, il s'approcha et, en la ramassant, lut l'étiquette gravée dessus : « Pour Kurayami ».
Il ouvrit délicatement la boîte, découvrant un collier incrusté d'une pierre étrange, éclatante d'une lueur qu'il n'avait jamais vue auparavant.
Aiko, remarquant l'objet, s'approcha rapidement, son visage se durcissant soudainement d'inquiétude.
— Attends... Où as-tu eu ce collier ? demanda-t-elle d'une voix tendue.
— C'était sûrement ça, la surprise que ma sœur voulait me donner..., répondit-il, sa voix se brisant légèrement.
Aiko examina attentivement la pierre, ses sourcils se fronçant sous l'effet de la réflexion.
— Cette pierre… elle ne devrait pas se trouver ici. Elle vient de mon monde. Comment a-t-elle pu… Sa voix s'éteignit dans un murmure pensif.
— Il faudra que j'en parle une fois rentré, dit Aiko, en rendant le collier a Kurayami.
— Ok... mais comment on s'y rend, dans ton pays ? demanda-t-il, la voix empreinte d'une curiosité mêlée de confusion.
Aiko sourit de nouveau, levant les yeux vers le ciel. — Takamu !
Un puissant battement d'ailes déchira le silence de la nuit, et une ombre massive se posa devant eux.
Le griffon, majestueux, étendit ses ailes tandis que ses yeux sages perçaient les ténèbres. Kurayami, stupéfait par la créature, recula instinctivement.
— Grimpe, ordonna Aiko avec un sourire amusé.
— Quoi ? Vraiment ?, demanda-t-il, incrédule.
— Bon, tu veux tuer des démons, oui ou non ? répondit-elle avec un sourire en coin.
Kurayami acquiesça d'un mouvement de tête.
Mais avant de partir, il s'éloigna lentement vers une petite montagne derrière les ruines de sa maison.
Là, il grava doucement le nom de sa sœur sur une pierre et enfouit sous la terre le bracelet cassé qu'elle portait toujours et glissa un mot dessus. Il resta un moment immobile, murmurant silencieusement un dernier adieu.
Aiko l'observa avec une tendresse inattendue. — C'est beau, ce que tu as fait, dit-elle avec une sincérité touchante.
— Merci..., murmura-t-il, avant de tourner une dernière fois son regard vers sa maison détruite, se promettant silencieusement de revenir un jour.
« Je reviendrai vite », pensa-t-il, les yeux remplis de tristesse et de détermination. Le vent soufflait doucement à travers les arbres, comme une caresse sur son cœur lourd.
Après avoir pris une grande inspiration, il rejoignit Aiko et Takamu, dont la présence imposante semblait encore irréelle. — Prêt ?, demanda-t-elle, déjà perchée sur le dos du griffon.
Kurayami hocha la tête, même s'il n'était pas sûr de l'être.
Sa main se referma instinctivement sur le collier que lui avait laissé sa sœur, la pierre brillant faiblement sous la lumière de la lune.
Il savait que ce voyage allait le conduire loin, très loin de tout ce qu'il connaissait, mais il n'avait plus rien à perdre.
Il grimpa sur le dos de Takamu avec une certaine hésitation.
Le griffon, immense et puissant, était une créature d'un autre monde. Ses plumes, d'un gris argenté, brillaient dans la lumière nocturne, et ses muscles roulaient sous sa peau avec une force majestueuse.
Aiko tendit la main à Kurayami.
— Accroche-toi bien. Ce ne sera pas un vol tranquille si tu n'as jamais voyagé ainsi, prévint-elle avec un sourire encourageant.
Kurayami attrapa fermement la main d'Aiko et s'accrocha à la crinière épaisse du griffon.
À peine eut-il le temps de se préparer que Takamu battit violemment des ailes, les emportant dans les airs en un instant.
Le sol se déroba rapidement sous leurs pieds, les ruines de sa maison devenant des points à peine visibles dans l'obscurité.
L'air glacial fouettait le visage de Kurayami alors qu'ils prenaient de l'altitude, mais ce froid ne faisait rien pour apaiser les tourments qui agitaient encore son cœur.
※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※
Le vol sembla durer une éternité.
Perdu dans ses pensées, il se revoyait avec sa sœur, des souvenirs éparpillés entre la douleur de sa perte et l'incertitude de l'avenir.
Aiko, quant à elle, observait l'horizon avec une concentration inébranlable, ses yeux fixés sur un point invisible, comme si elle savait exactement où les conduire.
Soudain, la température chuta brutalement, et sous eux, une vaste étendue blanche apparut : des montagnes glacées, des pics enneigés, et une mer de glace qui semblait s'étendre à l'infini.
— Où est-ce qu'on est ?, demanda Kurayami, sa voix brisée par le froid.
— Nous sommes à l'endroit que vous appelez le 'Pôle Nord'. répondit Aiko calmement.
Kurayami écarquilla les yeux de surprise. Le Pôle Nord ? Cet endroit mythique qu'il avait seulement lu dans des livres, mais que personne n'avait jamais vraiment exploré.
— Le Pôle Nord ?! Il n'y a rien après le Pôle Nord… Tout le monde le sait.
Aiko éclata de rire, son rire cristallin contrastant avec le froid environnant. — Après tout ce que tu as vu aujourd'hui, tu vas encore croire ce qu'on t'a dit toute ta vie ?
Kurayami resta silencieux, les pensées tourbillonnant dans son esprit.
Après avoir découvert des démons, des griffons, et un autre monde, il commençait à remettre en question tout ce qu'il pensait savoir.
— Le monde que tu connais est protégé par une grande barrière magique. Elle sépare les humains des autres races.
Kurayami fronça les sourcils, essayant de comprendre ce qu'elle voulait dire. — Si elle est censée protéger les humains, comment un démon a-t-il pu franchir la barrière et tuer ma sœur ?, demanda-t-il d'une voix grondante, un mélange de colère et de chagrin.
Aiko soupira doucement, son regard perdu dans l'immensité gelée. — La barrière faiblit. Elle est très vieille, et l'activité humaine l'affaiblit chaque jour un peu plus.
Ses paroles firent l'effet d'un coup de poignard dans l'esprit de Kurayami. Était-ce de la faute des humains si sa sœur était morte ? Sa mâchoire se serra de rage, ses poings se crispant.
Aiko, sentant la tension monter en lui, poursuivit rapidement : — Mais c'est surtout dû à la vieillesse de la barrière. Elle existe depuis plus de 1500 ans, et aucun sortilège n'est éternel.
Kurayami se détendit légèrement, mais la douleur restait vive.
Le griffon commença alors à descendre vers une terre ferme, invisible sous une épaisse brume.
Après un vol qui sembla durer une éternité, ils aperçurent un Torii géant rouge émergeant du brouillard.
— Voilà… Nous sommes arrivés, annonça Aiko avec calme.
— Où est-ce qu'on est ?, demanda Kurayami, encore troublé par ce qu'il voyait.
— Bienvenue aux terres sacrées de Thisaldin, mon monde d'origine.
Kurayami descendit du griffon, ses jambes vacillantes après le long vol. Mais à peine avait-il posé le pied au sol qu'une sensation étrange l'envahit.
Ses genoux se dérobèrent sous son poids, et il s'effondra, pris d'une violente nausée.
— Je… je me sens… bizarre... souffla-t-il, son visage tordu de douleur.
Aiko se précipita à ses côtés, posant une main réconfortante sur son dos. — C'est normal. Ton corps n'a jamais été exposé à l'Aether. Il est en train de s'adapter.
Essuyant la sueur qui perlait sur son front, Kurayami demanda, haletant : — De l'Aether ?
— Oui. L'Aether est la magie de ce monde, il en est imprégné. Les humains de ton monde n'y sont pas habitués, alors ton corps le rejette… pour l'instant.
Elle l'aida à se relever, plus compatissante qu'elle ne l'avait été jusque-là. — Ça ira mieux avec le temps. Mais pour l'instant, suis-moi. Nous avons encore du chemin avant d'atteindre la ville.
※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※
Kurayami et Aiko avancèrent en silence à travers la forêt dense.
Les arbres, gigantesques et anciens, formaient un mur impénétrable de feuillages sombres, leurs branches tordues se dressant comme des gardiens silencieux.
Chaque craquement de feuille sous leurs pas résonnait étrangement dans l'air, et Kurayami ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine pression, comme si la forêt elle-même les observait.
Le chemin, étroit et sinueux, semblait s'étirer à l'infini, mais Aiko continuait d'avancer avec une assurance inébranlable.
Kurayami, malgré la fatigue qui pesait sur ses épaules, suivait, ses pensées encore tourmentées par les événements récents.
Après plusieurs heures de marche, la forêt s'ouvrit soudainement, révélant un horizon dégagé.
Devant eux, une structure colossale apparut, s'élevant dans le ciel comme une forteresse d'un autre monde.
L'Académie de Lysium.
Ses murs imposants étaient taillés dans une pierre grise et scintillante, et ses tours massives semblaient effleurer les nuages, défiant la gravité.
Les tours, majestueuses, s'élançaient vers le ciel avec une grandeur presque irréelle, et une aura mystique flottait autour du bâtiment, donnant l'impression qu'il était hors du temps.
Kurayami resta un instant immobile, subjugué par l'immensité de l'académie, son regard parcourant chaque détail de la gigantesque structure.
L'endroit dégageait une puissance silencieuse, presque intimidante.
— Voilà… L'Académie de Lysium, dit Aiko, sa voix emplie de fierté, brisant le silence. C'est ici que tu apprendras à maîtriser ta puissance, et à affronter les ténèbres.
Kurayami ne répondit pas immédiatement, encore pris par la majesté de l'endroit.
Un frisson parcourut son échine, mais cette fois, il ne s'agissait pas de peur.
C'était une nouvelle ère qui s'ouvrait devant lui.