Capítulo 59: Chapitre 55 : Un dure présent (2).
"Il y a un moyen de sauver Reiner."
Cette phrase n'avait été prononcée qu'une seule fois par Salvatoris, pourtant, elle semblait résonner encore et encore dans l'esprit d'Alice. C'en était au point ou elle ne pouvait plus penser qu'à deux phrases, celle-ci, et...
[ C'est impossible de pouvoir le sauver aussi longtemps après, n'est-ce pas ?]
En réalité, il était plus probable qu'elle ait mal entendu. Pourtant, elle voulait essayer d'y croire alors même qu'elle ne savait rien de ce "moyen" pour sauver son ami.
Alice prit une énorme respiration, demandant prudemment.
" C'est vraiment possible ?"
" Je...je pense oui."
Répondit Salvatoris, plongé dans ses pensées. Il passait en revue les derniers instants qu'il avait vus de Reiner, et tout semblait indiquer une chose. Si les autres nécromanciens n'avaient jamais pu faire réagir son cadavre, ce n'était pas à cause de leur manque de talent.
La raison derrière leurs échecs était en réalité bien plus simple que cela, c'était l'hybride. Il avait dit "dissipé" son sort, mais il ne l'avait en réalité pas totalement fait. Sa magie n'avait jamais cessé d'être apposée à Reiner. Et, bien qu'elle soit en quantité si faible qu'il était impossible pour Reiner de se relever, elle empêchait toute autre source d'interférer avec son cadavre, lui donnant ainsi l'aspect qu'il avait aujourd'hui, quelqu'un qui ne pouvait pas être sauvé. Le ramener à nouveau dans ce monde était donc possible, mais comment ?
Quand il fit part de ses pensées à Alice, il vit ses yeux s'élargirent brusquement.
"Sa mémoire ! Il n'avait jamais prévu de la transférer dans un synthétique !"
"Comment ça ? Ce n'est pas ce qu'il avait dit pourtant ?"
S'interrogea Salvatoris, ne comprenant pas où Alice souhaitait en venir.
" Si tu sais qu'il n'a pas vraiment dissipé son sort, tu ne pourrait pas y faire quelque chose ? Je ne sais pas, au lieu d'essayer d'en créer un nouveau, essayer de réactiver celui existant ? Le remplacer, enfin...quelque chose ?"
Déclara Alice en guise de réponse. Elle fixa Salvatoris d'un regard flamboyant, ce qui le fit presque tressaillir, partagé entre l'excitation d'envisager toutes ses possibilités nouvelles, et l'anticipation de réaliser son rêve. Oui ! Son rêve, c'était SON rêve, pas celui de Reiner, pas celui d'Alice, pas celui de ses nouveaux souvenirs. Pour la première fois depuis son réveil, il était certain d'une chose, cette décision venait de lui. C'était ce qu'il désirait. Cependant, il y avait quelque chose qu'il devait faire avant.
" C'est vrai ! Si je le réactive en utilisant ma magie, ça pourrait marcher. Surtout qu'à force d'observer l'hybride, je crois avoir un peu mieux comprit comment utiliser ma magie ! Mais..."
" Tu veux toujours aller voir ta famille avant, c'est ça ?"
Rétorqua Alice, penchant légèrement la tête sur le côté.
" Oui... Mais je t'assure que ce sera notre prochaine destination !"
" Ne t'en fais pas, c'est normal de penser d'abord à ses proches. Si j'étais à ta place, j'aurais fait la même chose. Surtout si ta famille t'attend. "
Alice en détourna son regard de l'agiter Salvatoris. Son attention s'était braquée sur la sortie du hangar, un air empli de regrets s'emparant de son visage.
Quand il furent tous deux sortis, Alice se dirigea vers Mélissa, qui parlait avec d'autres synthétiques aux abords du bâtiment.
" Je comprends votre impatience, mais il vient à peine de se réveiller..."
Disait-elle, avant que la vue d'Alice ne l'interrompe, la faisant changer de sujet.
" Alors... tu y va-as ?"
Demanda Mélissa, l'appréhension teintant sa voix.
" Oui...mais il y a peut-être un moyen de faire revenir Reiner."
Rétorqua Alice, la mélancolie se lisant sur son visage. Cependant, son expression devint bien plus complexe quand Mélissa lui répondit avec une hâte se transformant rapidement en doute.
" C'est vrai ?! "
Son incertitude semblait grandir de seconde en seconde, la poussant à continuer à parler. Sa voix était triste, presque tremblante, tentée que sa voix à peine compréhensible puisse encore retransmettre ce genre d'émotion.
" Mais...même si c'est possible, lui...est-ce-qu'il vou-drait vraiment voir ce que le monde est devenu ? Ramener quelqu'un des morts... J'y ait souvent pensé...je l'ai souv-ent voulue... mais...je me le suis to-ujours demandé...es-ce-que la pe-rsonne morte voudrait vraiment revenir ? Enfin...ce que je veu-x dire...c'est..."
La voix de Mélissa commença soudain à faiblir alors qu'elle rougissait, peinant à trouver ses mots. Toutefois, les longues phrases étaient inutiles, Alice avait parfaitement saisi ou Mélissa voulait en venir, la laissant murmurée pour elle-même, fixant le sol d'un regard vide.
" Voudrait-il vraiment revenir après tout ce qu'il a subi..."
Si Reiner revenait, il aurait de nouveau perdu tout ce à quoi il tenait. Il resterait bien Alice et Mélissa, mais c'était bien les deux dernières personnes encore en vie qu'il connaissait en ce bas monde. Il était irréaliste d'attendre qu'une autre personne ait survécu, n'est-ce pas ? Il ne resterait rien de tout ce à quoi il a un jour tenu, si ce n'est ces ruines, et l'idée incertaine de ce qu'était advenu de ses camarades. Cependant, c'est la phrase finale de Mélissa qui fit réellement naître le doute dans la conscience d'Alice.
"Si c'était moi qui av-ait été tuée-tuéé ce jour-là...je ne pense pas q-ue j'aurais voulu revenir. C'est...c'est même cruel de lui imposer de se battre à nouveau..."
Alice ne savait pas vraiment de quel jour parlait Mélissa, si c'était celui de la mort de Reiner, ou de ses nombreux camarades qu'elle avait vu mourir alors qu'Alice était enfermée. Mais, celà ne changeait rien à ses dires. Pourtant, Alice n'arrivait tout de même pas à la comprendre entièrement.
"Mais, ce n'est pas ton ami aussi ? On à vécu, et combattu ensemble... Tu ne veux pas le revoir toi ?"
" Si...bien sûr que j-je-jee veux le revoir. Je veux revoir to-us ceux qui sont mort ! Je donnerais tout pour ça ! "
Répondit Mélissa en criant sans même s'en rendre compte, une expression souffrante sur le visage.
"Bien-sûr que je veux revoir Re-iner ! Bien sûr que je veux revoir Térés-a, Shin, Royden, Emilie, Davis, Ray, Ezith, Lina, Jeffe ! C'était m-es amis à moi aussi, même plus que ça ! On...vous m'a...vez traité comme votre égal, vous n'avez p-as rejeté mon rêve, vous m'avez encouragé ! Pourq-uoi je ne voudrais pas les revoir ?! Tous les bons moments qu'o-n à passé ense-mble me hantent chaque jour ! Je vou-s revo-o-ois jouer avec Térésa au strip poker, avec ton air supérieur en te moquant de la gê..ne de Roy-den, du moment ou tu à appeler Reiner juste pour me faire peur al-ors qu'on se douchait, de toute les questions que l'hybride n-ous posait, de toutes les mu-siques qu'on écoutaient Shin et moi, de ch-aque repas qu'on à passé ensemble...de chaque rire qu'on à part-agé, de chaque jeu que j'ai fait avec Linaa, de chaque insta-nt !"
La voix brisée de Mélissa sembla atteindre ses limites alors qu'elle faisait une courte pause, retenant du mieux possible ses sanglots, la gorge serrée.
"Mais...c'est justement pour ça...ce serait trop cruel-cruel de leur imposer ça à eux aussi..."
Sa voix avait faibli. Les sanglots qu'elle avait retenus commencèrent soudain à couler sur ses joues rougies, passant sur ses lèvres tremblantes avant de s'écraser sur le sol froid et sec, craquelé par endroit.
Alice avait été laissée sans voix. C'est vrai, elle l'avait oublié. Elle avait été enfermée, elle aurait dû avoir tout le temps d'y réfléchir, il était déjà mort deux fois. Alors, pourquoi se sentait-elle soudain coupable de ne pas y avoir pensé comme ça ? Pourquoi n'avait-elle pas pensé à ce que les autres ressentaient ? Elle s'était focalisée sur un moyen d'aider ceux qu'elle aimait pour garder la raison, gardée une raison de ne pas se suicider dans le bunker froid qu'elle connaissait si bien. Elle s'était focalisée sur cette guerre finie depuis bien longtemps, et l'avait ramené au grand jour, alors que tout aurait pu s'éteindre avec elle.
À cause de ça, elle en avait oublié le plus important. Tout était déjà fini.
"Et s'il voulait justement revenir ?"
Déclara soudain Salvatoris, s'avançant près des deux femmes alors que les synthétiques resté proche de Mélissa était laissé sans voix, n'osant même pas faire un mouvement.
"Quand il s'est effondré, quand l'hybride l'a relâché, je n'ai pas ressenti un seul instant l'envie de mourir, au contraire."
"Il avait envie de vivre ?"
Demanda Alice, se tournant vers Salvatoris. À côté d'elle, Mélissa gardait la tête baissée, fixant le sol sans un mot.
" Je...non... enfin, en quelque sorte. C'était plutôt une sorte de haine viscérale qui le poussait à s'avancer, mais il avait perdu la raison à ce moment. Avant ça, il voulait juste protéger ceux à qui il tenait ! Je suis sûre que si il vous voyait en vie, il n'hésiterait pas à revivre si il en avait le choix ! "
Sa voix était à la fois forte et incertaine, lui donnant un timbre étrange. Toutefois, il avait peut-être raison. Cela poussa encore plus Alice dans l'affre de confusion qui la gagnait, à un tel point ou Mélissa du relevé la tête, comme si elle regrettait ce qu'elle avait dit.
" C'est vrai...peut-être qu'il le voudrait. Bonne chance à vous."
Sa voix était faible, emplie de regrets et de résignation, mais pour la première fois elle était claire, comme si elle était neuve. En l'entendant, Alice sentit comme un poignard la transpercer, cependant, elle s'avança pour serrer aussi fort qu'elle le pouvait la tremblante Mélissa dans ses bras, lui murmurant un au revoir.
" Je te promets de revenir. "
Mélissa serra alors à son tour Alice, lui chuchotant une dernière phrase.
"Fais attention à toi, et...ne t'approche jamais de la liche..."
Puis, elle recula légèrement, incitant Alice à faire de même. Rapidement, elle suivit Salvatoris qui passa entre les gardes protégeant la ruine qu'était leur refuge. Alice adressa alors un dernier regard à Mélissa, qui continuait de l'observer, masquant ses tremblements. Cependant, quand elle commença à s'enfoncer dans la forêt d'un pas déterminé, elle ne put plus la voir, fixant à la place les quelques morts décrépit revenu aux côtés de Salvatoris. Ses marionnettes. À cause de cela, elle ne put voir Mélissa s'effondrer au sol, le regard vide.
* * *
La lisière de la forêt était calme, très calme. C'était à peine si quelques animaux passaient. Pourtant, Alice ne pouvait détourner les yeux de la végétation les entourant. Elle n'avait vu de tel endroit qu'en photo, et l'odeur sylvestre, typique des forêts lui était totalement inconnue. Cependant, avant qu'elle ne puisse se réjouir de découvrir cela, une aura étrangement familière la fit sursauter.
Les quelques plantes devant elles et Salvatoris devenait faible, moins nombreuse, décrépit, et une intense aura de mort semblait couvrir les alentours. La sensation était si écrasante et oppressante qu'il en était devenu complexe pour Salvatoris de maintenir une respiration régulière, tout particulièrement quand il murmura en direction d'Alice.
"Il y a une liche dans les environs, mais dès qu'on l'aura passé on devrait arriver proche de mon village. Il faut juste faire attention à ne pas créer trop de bruit."
Une liche...elle se souvenait d'avoir lu ce mot dans des romans, et d'avoir vu leur apparence dans des fictions. Cependant, elle n'aurait jamais pensé un jour craindre d'en voir une. Elle savait que ce ne serait rien face à la force d'un dieu démon, mais, elle n'était même pas digne d'être qualifiée de poussière si on devait la comparer à l'hybride, ou encore le plus faible des dieux démons. Elle n'avait même pas songé à prendre l'une des vieilles armes qu'utilisait Mélissa, trop occupée à songer à l'avenir. Elle était donc sans la moindre défense.
" Comprit. "
À peine eut-elle fini ce mot qu'un grand crissement retentit au loin devant eux. Salvatoris se précipita pour découvrir la cause de ce bruit, suivi de près par Alice. Cependant, la réponse n'était pas celle escomptée. Devant eux se déroulait un combat acharné entre quelques morts-vivants semblant à peine tenir debout, et divers monstres difformes. Ces abominations possédant deux bouches sur leur unique visage était dépourvues du moindre poil, exposant un robuste cuire semblant osciller entre le beige et le gris. Toutefois, leur gueule n'était pas la cause de ce bruit, mais plutôt celui de la masse rouillée d'un des mort-vivant se brisant au contact de l'unique et difforme bras humanoïde que ces créatures quadrupèdes portaient sur leurs dos.
Salvatoris fixa Alice, lui faisant un signe de tête sans un mot. Un signe qu'utilisait fréquemment Reiner pour dire à ses camarades de reculer. Tous deux commencèrent alors à s'éloigner, le bruit de leur pas étant couvert par celui de la féroce bataille se déroulant non loin d'eux. Cependant, l'odeur de sang que dégageait l'un des monstres blessés ne tarda pas à arriver aux narines de Salvatoris, ainsi que celles des quelques monstres affamés rodant aux alentours. Soudain, une silhouette incroyablement rapide les frôla, puis une autre, encore et encore, se joignant à la bataille orchestrée par les morts-vivants. Après tout, quel monstre refuserait un festin composé d'une proie déjà blessée et affaiblie ?
Mais, alors qu'Alice et Salvatoris s'étaient enfin suffisamment éloigné, le souffle d'une petite explosion les atteignirent, rapidement suivi de l'odeur de la chaire brûlée et de la chaleur du feu, laissant chuchoté Salvatoris pour lui-même.
" Ce loup est donc bien devenu un alpha...je n'aurais pas dû le laisser s'enfuir la dernière fois."
Il repensa au combat qu'il avait mené contre des loups archanique aux abords de son village, ayant désormais été ravagé par les flammes de la guerre. À ce moment-là, il avait laissé les loups s'enfuir, et la conséquence de son action semblait lui revenir en pleine face. Si il sentait l'odeur de celui qui l'avait mis dans une position des plus difficile, le loup alpha n'hésiterait pas une seule seconde à remonter à sa source afin d'attaquer Salvatoris, et se venger de sa défaite cuisante.
"Il faut qu'on accélère, si on se dépêche on devrait être arrivé dans dix à vingt minutes."
Déclara Salvatoris, regardant en coin Alice qui acquiesça sans un mot, accélérant ses pas. L'aura de la liche commençait à faiblir, signifiant qu'ils allaient bientôt quitter le territoire des morts, et pénétrer dans des terres dominées par les monstres. Des terres appartenant à la meute de loups qu'ils venaient de croiser.
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