« Encore à ramasser des herbes ? » Grimaça Wynblow.
Ewan ne daigna pas lui répondre, sûrement parce que le ton déçu de la dragonnelle, allié au fait qu'elle considérait comme de vulgaires « herbes » des plantes précieuses pour leur usage médicinal, avaient découragé le jeune homme de faire toute remarque.
« Ça sert à quoi ? » Demanda-t-elle en amenant sa grosse tête à son niveau.
Toujours accroupi près d'un petit buisson, Ewan leva la tête pour faire face à l'énorme gueule de la créature.
« À beaucoup de choses, » répondit-il sans donner plus de précisions.
« Hum, je vois… À beaucoup de choses... » Répéta Wynblow avec un air absent.
C'était déjà le deuxième jour d'affilée qu'ils récoltaient des plantes à usage médicinal, et le gros Salamander argenté avait trouvé cela rapidement ennuyant et fastidieux ; quand bien même elle n'avait pas à les ramasser.
« On va encore rester longtemps ici ? » Demanda Wynblow. « Je croyais qu'on allait continuer vers le Nord… »
« J'attends une réponse, » dit Ewan, concentré à déterrer une plante avec ses racines entières. « Je ne sais pas quand elle arrivera, mais j'attendrai le temps qu'il faudra. »
Wynblow le regarda avec ce qui devait s'apparenter à une expression pensive, car elle ne dit pas un mot et continua de le fixer d'un air passif.
« Et si cette réponse n'arrive jamais ? » Se risqua à demander Wynblow.
« Dans ce cas, j'agirai en conséquence. » Dit Ewan. « La situation est plutôt instable en ce moment, alors on doit éviter de se faire remarquer. »
Sur ces mots, il regarda Wynblow comme pour l'accuser de quelque chose.
« Je me planque en forêt, y'a pas plus discret... » Dit-elle avec un air désinvolte.
« Pourtant, je vous ai vu voler hier soir, en plein milieu du ciel et au-dessus de la ville, » lui reprocha-t-il. « Qu'est-ce que vous faisiez, à part vous faire remarquer ? »
« Personne ne fait attention quand le ciel est nuageux, » répondit-elle pour minimiser la chose.
« Mais je vous ai quand même, vue, moi. » Insista Ewan. « Il faut vraiment faire preuve de prudence, surtout avec la situation actuelle, alors pourquoi vous vous êtes amusée à faire ça ? »
Wynblow s'apprêtait à répondre quelque chose, mais fut coupée dans son élan par une explosion résonnant au lointain.
Le bruit surprit Pavas, qui resta figée sur place avec ses fleurs jaunes dans les mains ; et Ewan, sur ses gardes, se leva immédiatement. Wynblow, quant à elle, redressa sa tête et son cou ; tendant l'oreille pour savoir d'où venait le bruit.
« C'était quoi ça ? » Demanda-t-elle avec un air inquiet.
Pris de court mais concentré, Ewan se dirigea vers un arbre à proximité et commença à monter dedans.
« Hé ! Tu fais quoi ? » S'exclama Wynblow en le voyant faire.
En moins de deux minutes, il avait atteint la cime de l'arbre, plus grand que la hauteur de vision de Wynblow, et put observer les alentours. Il pouvait voir les cimes de tous les autres arbres constituant la forêt, les falaises au loin, ainsi que les autres collines qui cerclaient le pic principal du Mont Larshen.
Cependant, ce n'était pas le sol et sa végétation qui l'intéressaient, mais bien les airs ; car il observait avec attention le ciel, dans toutes les directions possibles.
Après quelques secondes où il laissait ses yeux chercher un élément particulier, il arrêta enfin son regard sur sa gauche et derrière lui : là, haut dans le ciel, brillait une boule lumineuse verte.
Plus aucun doute possible. Un chasseur avait demandé de l'aide urgente. Ce qui n'était pas un bon signe en temps normal, était encore plus inquiétant quand un individu avait une connaissance de la faune et de la flore présente sur ces terres. Il n'y avait en temps normal aucune créature qu'un chasseur ou groupe de chasseur pouvant nécessiter l'envoi d'un tel signal de détresse ; et Ewan se mit tout de suite à penser à la cause possible.
Il y avait bien un monstre, en dehors de celui qui se tenait à ses côtés, qui pouvait forcer un chasseur et son groupe à requérir à l'aide d'autrui en donnant sa position et celle de la proie à abattre.
Envoyer un signal de détresse revenait littéralement à dire « venez vous servir » à tous les chasseurs convoitant la même proie et la même récompense que vous. Il s'agissait donc de renoncer à la fois à la récompense, et à sa propre fierté en se déclarant inapte à terrasser la créature.
Ewan fronça les sourcils.
La seule bête qui pouvait poser de tels problèmes à un groupe était certainement le Béhémoth, et il ne put s'empêcher de penser à Géandre.
Ce type avait beau le détester, Ewan n'avait rien de spécial contre lui. Le jeune chasseur se demanda donc si c'était lui qui avait pu envoyer ce signal, ou un autre groupe à proximité.
Toutefois, qui avait envoyé le signal n'était pas important pour l'instant. Ce signal de détresse ne pouvait pas être ignoré, et redescendant rapidement de l'arbre où il était monté, Ewan donna ses instructions.
« Quelqu'un demande de l'aide en pleine chasse, » dit-il en regardant Wynblow et Pavas. « Ça peut être très dangereux alors restez ici et ne bougez pas, compris ? »
Pavas hocha de la tête, mais Wynblow protesta :
« Rester ici ? On peut pas venir ? » Demanda-t-elle avec un air déçu.
« Je me vois mal expliquer la présence d'un dragon, qui plus est un qui parle le langage humain, à d'autres chasseurs, » argumenta Ewan. « Alors toutes les deux, ne bougez pas d'ici, compris ? »
La petite fille et la dragonnelle le regardèrent avec un air curieux, mais le jeune homme n'en dit pas plus. Il ne fallait pas perdre de temps avec des explications inutiles.
Pendant ce temps, la lame continuait de faire pression sur le torse de Géandre, et l'homme qui tenait l'arme continuait d'attendre sa réponse.
« Où se cache-t-il ? » Demanda à nouveau Androanni.
« Je sais pas de quoi vous parlez ! » S'écria Géandre.
Mécontent de cette réponse, l'homme masqué renforça sa pression sur son épée. Il était sûrement persuadé que le chasseur pourrait le renseigner, ce qui avantagea Géandre.
Si ce type était trop concentré à vouloir l'interroger, il ne remarquerait sûrement pas les mouvements furtifs du dresseur de monstres.
Lentement, mais sûrement, Géandre dirigea sa main sous sa cuirasse pour atteindre du bout des doigts les plaques supplémentaires qu'il gardait dans une de ses poches de tunique. Avec un peu de chance, il pourrait invoquer une des créatures pour répliquer face à l'ennemi. Le tout était de savoir quelle plaque correspondait à quel nom, et en particulier à celui qu'il souhaitait appeler maintenant.
Tentant sa chance, Géandre serra dans sa main le paquet de plaques, et prononça un nom.
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