« Je vous la confie, » dit Ewan en regardant droit dans les yeux la femme qui dirigeait l'orphelinat d'Ylesse.
La femme en question, assez élégante avec ses longs cheveux bruns et plutôt bien habillée, lui avait fait visiter pendant une demi-heure le bâtiment haut de trois étages qui se trouvait à proximité du quartier commerçant de la ville.
Elle lui avait notamment montré les salles de classe, les dortoirs, et la cour intérieure où plusieurs enfants jouaient ensemble.
Puis, elle lui avait expliqué le fonctionnement, pour les enfants un peu plus âgés comme Pavas.
« Si personne ne veut l'adopter, ce qui arrive souvent quand un enfant est trop grand, » expliqua-t-elle avec un sourire désolé, « nous les éduquons jusqu'à l'âge de 16 années. Ils ont ensuite le choix de rejoindre l'académie militaire, l'ordre religieux, rejoindre une guilde, ou encore de partir faire leur vie où bon leur semble. Nous les laissons libre de leur choix. »
Ewan avait apprécié que la directrice de l'orphelinat ait pris cela en compte, et fasse preuve de considération vis-à-vis des enfants.
Ce qui, à son époque, n'avait malheureusement pas été le cas.
« Mais bien sûr, nous n'abandonnons pas pour autant nos enfants, une fois qu'ils sont partis, » sourit amicalement la directrice, tout en ramenant une mèche de ses longs cheveux lisses derrière son oreille droite. « Ils sont libres de revenir si jamais ils ont trop de difficulté, afin que nous leurs donnions des conseils sur les autres voies possibles. »
Les orphelinats avaient vraiment changé en profondeur, depuis le temps. Ce qui montrait aussi l'importance toute particulière que les enfants avaient, dans une société humaine en pleine expansion.
« Mais dites-moi, est-ce que cette enfant a déjà une plaque d'identification ? » Avait alors demandé la directrice nommée Arlela Versani. « Je n'en vois pas autour de son cou... »
« Ah, vous voyez… Ses parents n'en avait pas encore fait fabriquer une... » Avait répondu avec gêne le jeune homme.
La femme âgée d'au moins quarante ans avait alors souri, tout en le rassurant sur le fait que ce ne serait pas du tout un problème ; ce à quoi il avait répondu en insistant qu'il leur donnerait les fonds nécessaires pour couvrir la fabrication de la plaque.
Puis, la directrice lui avait enfin montré des albums photos – des photos ! - de certains des anciens enfants.
Les photos n'étaient pas chères, mais elles n'étaient pas non plus abordables ; aussi cela surprit agréablement le jeune homme de voir autant de clichés différents sur une si longue période de temps.
C'est donc avec ces mots chargés de gratitude, qu'il avait mis Pavas entre les mains des employés de l'orphelinat.
« Ne vous en faites pas, nous prendrons bien soin d'elle, » dit un des professeurs de l'établissement, une paire de lunettes fixées sur le nez. « Nous sommes vraiment fiers de proposer un enseignement de qualité. »
Ewan hocha alors de la tête, avant de s'accroupir devant Pavas, qui était déjà entourée de plusieurs membres du personnel.
« Ils vont prendre soin de toi pendant les prochaines années, d'accord ? » Dit-il en lui prenant les mains. « Mais si à tes 16 ans, tu ne sais pas quoi faire... Ou que tu sens que c'est trop dur pour toi…»
Il fouilla alors dans sa poche, et en sortit un coquillage de taille moyenne, qu'il plaça dans la petite main de l'enfant. Puis, s'approchant d'elle, il chuchota, pour la mettre elle seule dans la confidence.
« Utilise ça, et je viendrais te chercher. » Dit-il avec un grand sourire. « Tu n'as qu'à dire mon nom, et je viendrais le plus vite possible, d'accord ? »
Il avait acheté l'objet un peu plus tôt, pendant leur visite du marché. Sur un coup de tête, même. Mais finalement, il ne regrettait pas cet achat compulsif. Pas un seul instant.
Pavas serra alors le coquillage contre sa poitrine, et hocha vivement de la tête, en souriant timidement.
Il plaça rapidement sa main sur le haut de sa tête, comme pour la rassurer, puis se releva.
Il salua encore une fois le personnel de l'orphelinat, puis se tourna pour partir.
Une boule d'anxiété avait fini de s'installer dans son estomac, et il sentit qu'il ne pourrait pas s'empêcher de se retourner une dernière fois. Alors enfin arrivé au bout de la rue, c'est ce qu'il fit.
Il se retourna, et voyant que Pavas était encore devant l'entrée du bâtiment, lui fit signe de la main.
La petite fille répondit en faisant pareil, puis fut invitée à entrer dans le bâtiment par la directrice et par l'un des professeurs.
Ewan put enfin pousser un loin soupir, et sentir toute la pression mentale accumulée s'échapper de son corps. Ce n'était pas le meilleur choix à faire, ni le pire. Mais c'était le seul qui représentait à la fois une chance pour Pavas, et une note positive sur sa propre conscience.
Il regarda rapidement autour de lui, et vit que les rues étaient encore extrêmement agitées, même si c'était déjà la fin de l'après midi.
Mais même avec toute cette agitation, il n'avait plus le cœur à visiter la ville, ni à faire des achats, et encore moins à manger. Il semblait que sa bonne humeur était restée sur le pas de la porte de l'orphelinat, en compagnie de Pavas.
Bah.
Peu importe. Il n'avait jamais été du genre à s'amuser pour si peu, de toute façon.
Et toute la journée, il avait vraiment agi comme un étranger ; en contraste avec son attitude habituelle.
Il ne faisait que revenir à sa vie monotone, après tout.
Enfin, sa vie 'presque' monotone, en y repensant. Car après tout, un dragon l'attendait sûrement de pieds ferme, à quelques kilomètres de là.
Il espérait donc que le travail officiel qu'allait lui proposer Carciem ne dure pas trop longtemps, afin qu'il puisse rapidement remplir la requête de Wynblow, et la laisser derrière lui, elle aussi.
Oui, il était beaucoup plus à l'aise quand il voyageait seul, sans personne à surveiller, ou personne envers qui se méfier. Il avait toujours été un solitaire, même en compagnie d'autres personnes. C'était là sa nature. Et c'était à cet état naturel qu'il retournait à présent. Ni plus, ni moins.
Mais dans ce cas, pourquoi est-ce qu'il se sentait si triste ?
Est-ce que c'était parce qu'il avait laissé Pavas derrière lui ? Est-ce qu'il devenait sentimental ?
Pourtant, il avait toujours eu la personnalité d'un chat, à toujours être là sans vraiment se faire remarquer, et à s'éclipser à la première occasion.
Ah, il ne savait plus quoi penser. Maintenant, il avait besoin de se changer les idées. Et en y repensant, peut-être que ce boulot proposé par Carciem était la solution idéale.
'Oui', pensa-t-il tout en faisant route vers la caserne militaire, 'ça me permettra sûrement de faire le tri dans mes pensées, et de me changer les idées.'
Et avec cela, nous laissons Pavas derrière nous... *chiale*
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